Deux rencontres nationales sur le phénomène des suicides ont été organisées avant-hier à Tizi Ouzou, l'une à l'établissement hospitalier spécialisé en psychiatrie et l'autre au CHU Nedir-Mohamed. L'établissement hospitalier spécialisé en psychiatrie Fernane-Hanafi de Tizi Ouzou a abrité un séminaire-atelier qui a été placé sous le thème “Le suicide est la première cause de mortalité prématurée et évitable”. La rencontre s'est focalisée particulièrement sur la prise en charge et la prévention du suicide, cet aspect qui a toujours fait défaut jusque-là. Lors de son allocution, le premier intervenant, le Pr Kacha, a évoqué les conduites suicidaires chez l'enfant et les cas d'immolation. Selon ce professeur, “80% des cas de suicide chez l'enfant sont impulsifs. Dans ce genre de situation, l'enfant passe à l'acte aussitôt que le recours au suicide est pensé. 60 à 70% des cas enregistrés ont un rapport direct avec la cellule familiale et dans 20 à 30% des cas, ils ont un lien avec l'école, ce qui peut être engendré à titre d'exemple par un état d'abandon, de surprotection de l'enfant ou lié au changement de statut, traduit par le passage d'un âge à un autre, ce qui engendre une forme de fragilité chez les sujets. Concernant les immolations, elles sont récentes chez nous, elles sont faites en public ou devant les administrations pour décrier celles-ci”. Le Pr Mohammed Amine a, quant à lui, parlé du suicide en tant que conduite, et il ne peut être une maladie psychiatrique, affirme le conférencier qui a abordé le sujet sous plusieurs angles, notamment sociologique et psychologique. Le Dr Boudarène a présenté une communication rétrospective du suicide à Tizi Ouzou. Il relèvera que le nombre de cas enregistrés est passé de 30 cas en 2005 à 47 cas en 2011. “Entre 2005 et 2011, la wilaya de Tizi Ouzou a enregistré 353 suicides”, fera-t-il savoir tout en précisant que dans 66% des cas, les victimes sont âgées de 21 à 40 ans, 20% sont âgées de 40 à 60 ans et 7% ont moins de 20 ans. Parallèlement à ce séminaire, le centre hospitalo-universitaire de Tizi Ouzou a organisé, pour sa part, deux journées nationales de psychiatrie sous le thème Actualité sur le suicide et les tentatives de suicide en Algérie, perspectives et prise en charge”. Une rencontre qui a rassemblé de nombreux participants dont des professeurs en médecine, des psychiatres, des psychologues, des résidents, des étudiants, ainsi que des infirmiers du service de psychiatrie et des spécialistes venus de l'étranger. “Notre travail consiste en une étude épidémiologique descriptive, concernant les tentatives de suicide collectées au sein du service des urgences médicales du CHU Nedir-Mohamed de Tizi Ouzou, pendant une durée de 60 mois et demi, s'étalant du 1er janvier 2007 au 15 janvier 2012. 889 cas ont été recensés. C'est une étude prospective basée sur l'interrogatoire des patients reçus au pavillon des urgences médicales ainsi que leurs parents, l'examen clinique et l'enquête étiologique”, a expliqué le Pr Ziri qui a souligné que tous les malades recensés ont bénéficié d'un avis de réanimation médicale dès l'admission afin d'évaluer le risque organique, ainsi que d'un avis de psychiatrie pour évaluer l'état mental de chaque malade et la nécessité éventuelle d'un suivi ultérieur. “Nous avons noté une diminution de l'incidence des tentatives de suicide de 15,5% en 2007 à 10,76% en 2009. Toutefois, une remontée de ce taux a été constatée en 2011 durant laquelle un taux de 18,9% a été atteint”, a-t-il révélé, ajoutant que “les tentatives de suicide concernent plus les femmes avec un pourcentage de 71,99%. La tranche d'âge la plus touchée est celle de 16 à 23 ans avec un nombre de 443 cas, soit 49,83% des cas enregistrés”, dit-il encore avant de relever que les tentatives de suicide sont plus fréquentes en milieu rural avec un nombre de cas estimé à 535, soit 60,17% des cas. “En ce qui concerne les tentatives de suicide, elles sont plus fréquentes chez les personnes vivant dans un habitat collectif, représentant 651 cas, soit 73,22% des cas étudiés”, précise-t-il non sans souligner que les tentatives de suicide sont plus fréquentes chez les sujets vivants dans de bonnes habitations avec un nombre de cas estimé à 551, soit 62% des cas enregistrés durant cette période. “Nous avons remarqué dans cette étude que les tentatives de suicide sont plus fréquentes chez les sujets célibataires au nombre de 616 correspondant à 69,29% de l'ensemble des cas enregistrés. Nous retenons que les tentatives de suicide sont d'une fréquence supérieure chez les chômeurs avec un nombre de 355 cas, soit 39,93% de l'ensemble des sujets.” Par ailleurs, une fréquence non négligeable des tentatives de suicide est retrouvée dans la communauté estudiantine avec un taux de19,91%, mais elles sont aussi plus fréquentes chez les personnes ayant un niveau socioéconomique moyen au nombre de 515, soit 57,93% de l'ensemble des cas. Le lieu le plus fréquent de la tentative de suicide est le domicile, et la pendaison est le moyen le plus usité. M. Ziri dira au final que la wilaya de Tizi Ouzou a enregistré 26 cas de suicide depuis le début de l'année. K. Tighilt/ S. Bouabdellah