Le Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition au le régime du président Bachar al-Assad, a désigné lors de sa réunion à Istanbul, le Kurde Abdel Basset Sayda comme son nouveau chef en remplacement de Burhan Ghalioun, qui avait démissionné après avoir été critiqué pour avoir laissé les Frères musulmans prendre une place trop importante au sein du mouvement et pour le manque de coordination entre le CNS et les militants sur le terrain. Sayda, jugé “modéré” et “indépendant”, est originaire d'Amouda, ville à majorité kurde du nord-est de la Syrie. Docteur en philosophie, c'est un exilé de longue date en Suède, il était jusque-là président du bureau des droits de l'homme au sein du CNS. Cependant, il n'occuperait le poste que trois mois, la présidence devenant tournante, pour satisfaire toutes les composantes de l'opposition et ne pas alimenter de leadership. Les Comités locaux de coordination (LCC), qui animent la contestation à la base, sur le terrain syrien, avaient aussi reproché à Ghalioun d'avoir laissé l'opposition se fractionner en chefferies et coteries. Ghalioun, intellectuel, n'était pas parvenu à forger un sentiment unitaire et était même accusé de ne représenter que les oppositions de l'extérieur. Son remplaçant a-t-il le profil acceptable aux yeux de toutes les tendances du CNS (islamistes, libéraux, nationalistes) pour pouvoir accomplir sa mission d'élargir, unifier et rendre enfin efficace la coalition d'opposition, alors que la crise syrienne dégénère en guerre civile ? Il devra en effet réformer de fond en comble le CNS pour en faire un interlocuteur crédible aux yeux des contestataires de l'intérieur, qui s'estiment sous-représentés, de l'Armée syrienne libre (ASL), qui gagne des points sur le terrain mais avec laquelle il n'y a pas de coordination, et de la communauté internationale. Fin mars, la plupart des opposants syriens avaient reconnu le CNS comme le représentant formel du peuple syrien et en avril, à la dernière réunion internationale des Amis du peuple syrien à Istanbul, le CNS a été reconnu comme un représentant légitime de tous les Syriens. Mais depuis sa création, le conseil est resté inefficace. Pas assez d'aide aux insurgés de l'intérieur et pas ou peu de financement et d'armement pour l'ASL, qui se tourne dangereusement vers des groupes djihadistes ou étrangers pour devenir à terme un lieu de commandement de l'opposition. Face à un régime déterminé à écraser la révolte lancée il y a près de 15 mois, le nouveau président du CNS est donc chargé de rendre efficace cette instance profondément divisée, en la réformant pour en faire un interlocuteur crédible. Sur le terrain, les forces gouvernementales poursuivent leurs bombardements sur les villes, poussant l'opposition à réclamer à la communauté internationale des armes sophistiquées pour faire tomber le régime, même si la Russie s'est à nouveau opposée à tout recours à la force. Néanmoins, Moscou semble aujourd'hui favorable à un retrait en ordre de Bachar al-Assad, avec un processus identique à celui qui a permis au bourreau de Sanaâ de quitter le Yémen en remettant son pouvoir à une équipe chargée de la transition. Après des massacres de civils ces derniers jours, “pour la première fois depuis le début de la crise, la question d'une intervention militaire se pose de manière aiguë et émotionnelle”, a estimé le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, ajoutant immédiatement que la Russie, alliée de Damas, s'y opposerait. Même si le plan de l'émissaire international Kofi Annan commence à s'enliser, il n'y a pas d'alternative, a-t-il estimé, appelant de ses vœux l'organisation rapide d'une Conférence internationale sur la Syrie, avec la présence controversée de l'Iran. Moscou, qui a pris ses distances avec Assad ces dernières semaines, verrait d'un bon œil le président syrien quitter le pouvoir “si les Syriens eux-mêmes tombent d'accord sur ce point”, a observé Lavrov. D B