Résumé : Aïssa reprend son ménage avec Monique dès son retour du bled, où Tassadite, sa femme, venait d'accoucher d'un petit garçon qu'il prénomma Belaïd. Il n'était ni heureux ni déçu, mais affichait un air mélancolique qui alarma Louisa. La jeune femme se sentait fatiguée... Elle déprimait de jour en jour. Le médecin lui conseille des vacances. Je pensais tout de suite à rentrer au bled. Malgré mes fatigues, je me mets fébrilement à préparer le voyage. Kamel, cette fois-ci, allait m'accompagner. J'en fus heureuse. Je mets Aïssa au courant. Il m'encouragea... Heu... je pense qu'il voulait me voir auprès de son fils qui devrait frôler un peu plus de six mois maintenant. Il était adorable le petit Belaïd, avec ses fossettes et ses grands yeux rieurs. Il entamait la poussée dentaire, et deux incisives émergeaient de la mâchoire inférieure. Il souriait tout le temps et suçait son pouce. J'étais sous le charme. Tassadite, par contre, semblait absente, effacée et fatiguée. Je la questionnais sur son état et elle éclate en sanglots. Aïssa ne l'aimait pas, me dit-elle. Il ne lui écrivait jamais, n'envoyait jamais un cadeau à son intention, et se contentait de donner de ses nouvelles à ses parents sans demander son reste. Pourtant le petit bout chou de Belaïd était bien son fils. Et puis il y a un autre en route. Je dévisageais ma belle sœur. Il est vrai qu'elle avait l'air un peu boursouflée, mais je n'avais pas remarqué son ventre légèrement arrondi. Elle attendait un deuxième enfant... Elle était déjà au quatrième mois. Je la félicitais en tentant de cacher mon désarroi. Aïssa était-il au courant ? Elle secoue sa tête. Non ! Comment l'aurait-il su... ? Elle-même n'était pas sûre de son état jusqu'à ces derniers temps. Et... et elle avait peur de le lui annoncer. Aïssa lui avait certifié qu'il ne voulait plus d'enfants... Quel toupet ! Je ravalais de justesse mes mots ! Il était bien le premier concerné dans cette affaire non ? Je rassurais Tassadite autant que je le pouvais. Aïssa n'était pas aussi mauvais que ça... Il comprendra. Et puis quoi de plus heureux que la naissance d'un enfant dans la famille ! Mes parents seront heureux de recevoir leur deuxième héritier. Ma belle-sœur me serre dans ses bras : Et si le futur bébé est une fille ? Je souris... Nous l'accueillerons tout comme son frère aîné, rétorquais-je. Je la regarde et elle devine le combat qui se livrait en moi. Je donnerais ma fortune, voire ma vie pour avoir un enfant. Quel que soit son sexe. Tassadite me consola en me tendant Belaïd. Il est le fils de la famille, donc le mien aussi. Je souris en serrant le bébé qui me souriait. Je passais de bonnes vacances. Mes angoisses, si elles ne disparaissaient pas totalement, diminuèrent. J'avais pris du poids, et mon visage avait repris des couleurs. Ma mère appréhendait déjà le moment de mon retour en France. J'avais ramené un peu de gaîté dans la maison... Kamel passait de longues heures à bavarder avec mon père qui retrouvait en lui l'enfant prodigue... Mon mari était fort estimé au village, et nous reçûmes beaucoup de gens qui voulaient juste le voir et discuter avec lui. Il avait inspecté les champs, et était rentré content à chacune de ses visites. Un vent de bonheur et de paix soufflait sur le village et ma famille. Kamel avait eu des échos aussi sur quelques activités politiques. On parlait de l'éventualité d'une révolution... Une révolution qui permettra au pays de recouvrer sa souveraineté. Mon mari était tout remué et me certifia que si le besoin s'en faisait sentir, il n'hésiterait pas à y participer d'une manière ou d'une autre. J'en fus bien fière. Le moment du départ vint. Larmes et interminables embrassades étaient au rendez-vous comme à chaque fois. Une fois sur le bateau, je libère mon chagrin. Durant toute la traversée je ne cessais de pleurer. Kamel me laisse seule et face à moi-même. Que pouvait-il faire d'autre ? J'étais inconsolable. Une fois à Paris, je décidais de reprendre mes activités. La voyance me permettra de traiter les souffrances d'autrui tout en mettant un baume sur la mienne. Je mets mon frère au courant de sa future paternité. Cette fois-ci, je ne lui laissais point le temps de se lamenter ou de faire des commentaires. Il était responsable de famille, et le reste ne m'importait pas. Il devrait prendre son rôle en considération... Après tout, Tassadite n'a pas ramené ces enfants de chez ses parents ! J'étais devenue taciturne et sans pitié... envers Aïssa et même envers moi-même. Mon frère a été trop gâté et était encore un enfant qui s'accrochait à nous. Il était grand temps que cela change. Paradoxalement, mon comportement porta ses fruits. Aïssa afficha un air heureux et me promet d'écrire à Tassadite pour demander de ses nouvelles et la rassurer. Je soufflais de soulagement. Dans mon appartement, je passais de longues heures à prédire l'avenir et à conseiller mes clients. Ces derniers étaient de plus en plus nombreux à venir me voir. Maintenant que Je maîtrisais plus ou moins la langue de Molière, (bien que je roulais les " r " et prononçais assez mal) je recevais même des clients français et parfois même des élites ! Kamel me taquinait souvent là-dessus. J'étais la conseillère indispensable avant chaque grande décision politique, économique ou sociale. Je ne m'en plaignais pas. Quelques uns de ces gens me proposaient même leur aide ou revenaient pour me remettre argent et cadeau une fois leurs buts atteints grâce à mes indications. Deux années passent. Aïssa était maintenant père de deux enfants. Deux beaux garçons. Belaïd allait sur ses trois années, et le petit Idir avait deux ans. (À suivre) Y. H.