La Fédération algérienne de football s'alarme des niveaux financiers des contrats passés entre les footballeurs et leurs clubs. Elle vient donc de décider de porter le délai minimum de l'engagement du joueur à deux ans. Cette mesure illustre l'embarras d'un système qui s'emmêle dans ses paradoxes. Il ne sait plus quoi faire de ses clubs : associations, SPA, Sarl ? Du temps de l'amateurisme, le mercato — le marché aux joueurs, comme son nom l'indique — était libre ; maintenant que le football est professionnalisé, la FAF s'inquiète de l'inflation des primes de signature et voudrait réduire les possibilités que la concurrence offre aux footballeurs ! La professionnalisation n'a rien changé au foot si ce n'est que l'Etat a augmenté les subventions, que les clubs ont aggravé leur endettement, que le niveau technique ne s'est pas amélioré et que la violence dans et autour des stades s'est accrue. Alors que la dernière saison “amateur", 2009-2010, tirait à sa fin, la FAF se transformait en Fédération de l'équipe nationale, comme elle le fait à chaque campagne internationale de notre sélection. Et l'on n'entendait plus parler que de réunions sur les primes des sélectionnés, de montants en euros et de sommes libérées par l'Etat et par les sponsors gageant le patriotisme de leurs affaires. Ce sponsoring aux relents de lobbying politique semblait être le bienvenu et la fédération ne s'est pas plainte de l'empressement “inflationniste" de ses sponsors ; pourquoi les clubs, et ensuite les joueurs, s'en offusqueraient-ils, quand, entre une CAN et un Mondial, il les éclabousse ? C'est la politique des sports qui a fait qu'il ne reste du sport que l'argent. Que l'argent du football ! Prenons, pour comparer, la boxe. Durant la saison 2010-2011, un sélectionné convoqué en regroupement perçoit à la fin de son stage une prime de... six mille dinars. Pendant la campagne des législatives, les compétitions de boxe ont été suspendues pour... réserver les rares salles aux meetings électoraux. Résultat : à la fin juin, nous en sommes encore au championnat qui se déroule actuellement à Djelfa par quarante degrés de température. Les athlètes s'étaient présentés, une semaine avant, pour apprendre que Djelfa n'était pas prête à organiser la compétition, donc repartir dans leur club, puis revenir. Le championnat national sera bouclé vers la mi-juillet en plein JO. Là aussi, on compte sur les quelques exilés pour bien nous représenter à Londres ! Ce sport, ainsi maltraité, nous a pourtant rapporté le plus grand nombre de distinctions sportives internationales ! Mais la politique a d'autres soucis que le développement du sport, des sports. Et ces soucis sont mieux satisfaits par le football, même sous-développé. C'est la politique qui fait du football un lieu de moralisation nationaliste des surprofits et de banalisation de revenus de douteuse réputation. Sans contrepartie de résultat, sinon qu'il lui est juste demandé d'occuper les foules rugissantes. Les joueurs, qui ont pour rôle d'occuper la jeunesse oisive avec leur médiocre football, se sentent en droit d'être bien rémunérés pour cette mission hautement politique. Si tant d'argent se déverse pour financer une médiocrité mobilisatrice, il n'est pas étonnant qu'ils apprennent plus vite l'art du contrat bien ficelé que l'art de la contre-attaque bien menée. M. H. [email protected]