Le manque de lisibilité politique a incité de nombreux présidentiables potentiels à la prudence. C'est la première fois dans l'histoire récente de l'Algérie — à compter notamment depuis l'ouverture démocratique de 1989 — qu'un président de la République arrive aussi près de la fin de son mandat, sans être évincé (Chadli Benjedid en février 1992), victime d'un attentat (Mohamed Boudiaf en juin 1992) ou qui a jeté carrément l'éponge (Liamine Zeroual en septembre 1998). C'est également la première fois, que le futur premier magistrat du pays n'est pas encore identifié à quelques semaines de l'échéance électorale. Le champ politique est, certes, accaparé, depuis plus de huit mois, par la guerre déclarée entre le chef de l'état, Abdelaziz Bouteflika, et le secrétaire général du FLN, Ali Benflis. Mais nul n'est en mesure d'affirmer avec assurance lequel des deux se présentera à la prochaine élection présidentielle avec la bénédiction des détenteurs du pouvoir réel. à vrai dire, l'on est très loin de la situation vécue en 1999, où le candidat du consensus, Abdelaziz Bouteflika en l'occurrence, avait bénéficié du soutien de l'armée et, en bonus, de la caution de pas moins de quatre formations politiques (RND, FLN, MSP et Ennahda) avant même qu'il ne foule de plain-pied la scène politique. D'ailleurs, à l'époque, l'opinion publique avait tôt fait de le comparer à l'arlésienne, dont tout le monde parle, mais que personne ne voit ou entend. Cette fois-ci, le président de la République, qui souhaite sans aucun doute occuper son siège durant cinq autres années, n'avance pas sur du velours. Loin de là. Il ne semble pas du tout jouir du soutien inconditionnel, encore moins exclusif, des hautes sphères de décision, en apparence partagées entre sa candidature et celle de son adversaire déclaré Ali Benflis. Sauf si, évidemment, la bipolarité constatée entre les deux candidats supposés du système n'est en réalité qu'une mise en scène pour donner l'illusion d'un jeu électoral libre. Ce qui justifierait, a priori, le souci de quelques partis politiques, tels que le RND et le MSP, à ne pas révéler prématurément leurs positions par rapport à la présidentielle du printemps 2004. Le manque de lisibilité des enjeux politiques de la présente période électorale a incité, d'ailleurs, de nombreux présidentiables potentiels (Mouloud Hamrouche, Taleb Ibrahimi…) à la prudence, en ce sens qu'ils expriment à peine par ouï-dire une velléité à participer activement au prochain scrutin. D'autres, plus téméraires, ou peut-être conscients de n'avoir pas beaucoup de chance de réussir à passer à travers les mailles du Conseil constitutionnel (Abdesslem Ali rachedi, Nacer Boudiaf, Ahmed Benbitour…), se sont portés candidats à la candidature sans chercher, outre mesure, à occuper l'espace médiatique, une fois l'effet d'annonce consommé. Dans la cacophonie ambiante, une certitude demeure : chaque tendance politique sera présente à l'élection présidentielle avec son propre candidat. Le flambeau de la mouvance islamiste sera porté ostensiblement par Abdallah Djaballah, président du mouvement El-Islah et probablement par Taleb Ibrahimi, président du mouvement Wafa non agréé. Dans le cadre de leurs états généraux, les démocrates iront au scrutin de 2004 avec le candidat “du compromis démocratique”. Saïd Sadi, président du RCD, est le mieux placé pour incarner ce choix. D'autant qu'El-Hachemi Chérif, fidèle à sa logique de boycotter toutes les élections, se déclare d'ores et déjà hors course. Le système parrainera, quant à lui, au moins deux prétendants à la magistrature suprême, à moins qu'il ne parvienne — ce qui paraît improbable — à un consensus autour d'un seul candidat. S. H.