Le Premier ministre français, éclaboussé par les retombées de l'affaire Clearstream, a exclu hier de démissionner. Chirac ne s'attendait sans doute pas à une fin de mandat aussi cahoteuse et aussi peu en symbiose avec son ambition initiale de marquer son passage au sommet de l'Etat français. Jacques Chirac, soit directement (affaires liées à son administration de la mairie de Paris) soit indirectement, du fait de ses collaborateurs impliqués dans des affaires qui font, ou ont fait, ces derniers mois les unes des médias français, termine péniblement un deuxième mandat présidentiel plus que jamais calamiteux. A peine sorti de la crise du CPE (Contrat première embauche) dans laquelle son Premier ministre, Dominique de Villepin a joué un rôle de premier plan -affaiblissant au passage beaucoup les chances de M. Villepin de briguer un mandat présidentiel- que voilà le président français, allant à nouveau à la rescousse d'un Premier ministre décidément abonné aux catastrophes, alors qu'il figurait il y a peu parmi les plus sérieux présidentiables pour succéder à M. Chirac en 2007. Depuis, Dominique de Villepin, par ses maladresses politiques, (comme dans la crise du CPE) par des décisions inappropriées, a dilapidé ses chances et se trouve aujourd'hui confronté à une sombre affaire, l'affaire Clearstream, qui risque de lui coûter son poste de chef du gouvernement. L'affaire Clearstream est tellement sérieuse que des voix dans l'opposition socialiste sont allées jusqu'à évoquer une élection présidentielle anticipée, réclamant par ailleurs la démission de M.Villepin. C'est dire que le climat est rien moins que serein dans les hautes sphères de l'Etat français et la multiplication des «affaires» a terni la fin de mandat du président Chirac qui, rappelle-t-on, avait subi, en septembre de l'année dernière, une légère attaque cérébrale, due aussi bien à une charge politique contraignante qu'au stress et à l'accumulation d'affaires qui ont eu pour effet de détruire l'idée caressée un moment par des proches du chef de l'Etat français de l'éventualité d'un troisième mandat pour M.Chirac, 73 ans. Voilà donc Jacques Chirac réduit à parer au plus pressé, tentant de sauver ce qui peut l'être d'un mandat qui va à vau-l'eau. Le moins qui puisse être dit est que M.Chirac n'avait nul besoin au crépuscule de sa vie politique d'une affaire qui va ternir davantage sa fin de règne. L'affaire Clearstream, qui rattrape le Premier ministre, a de forts relents de barbouzerie avec en toile de fond une lutte féroce entre deux potentiels présidentiables de la droite : Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy, actuel ministre de l'Intérieur. En 2004, Dominique de Villepin aurait ordonné des enquêtes sur plusieurs personnalités, dont Nicolas Sarkozy, accusées de détenir des comptes occultes à l'étranger via une société financière basée au Luxembourg, la société Clearstream. D'où le nom de l'affaire. Dominique de Villepin dément fermement d'y être impliqué alors qu'un juge français tente de découvrir le «corbeau» qui a fait découvrir le pot aux roses. De fait, Dominique de Villepin alors chef de la diplomatie française, aurait pris part à une réunion le 9 janvier 2004 à laquelle participait le général Philippe Rondot spécialiste du renseignement, ce qui n'a pas manqué de susciter maintes interrogations. Mais est-ce suffisant pour l'incriminer? Dans une déclaration hier à la radio française Europe 1 Dominique de Villepin a réitéré avoir été «accusé injustement, sur la base de déclarations qui ont été tronquées (...) Je n'ai jamais demandé qu'on enquête sur une quelconque personnalité politique, qu'elle soit de droite ou de gauche» et affirmé que «rien ne justifiait (son) départ», départ de plus en plus évoqué autant par les milieux politiques, notamment de gauche, que par la presse. Ne mâchant pas ses mots, M. Villepin s'est dit, sur Europe 1, «choqué» et «indigné» par « la campagne de rumeurs et de calomnie» qui «vise à salir toute notre démocratie». Il n'en reste pas moins que l'affaire a pris de telles proportions que M.Chirac a dû démentir être intervenu dans cette affaire ou avoir donné des «instructions» à M.de Villepin pour enquêter sur des hommes politiques. En tout état de cause Nicolas Sarkozy est convaincu pour sa part d'avoir été victime d'une «manoeuvre visant à saper» ses chances à l'élection présidentielle de 2007. Semblant toucher plusieurs hommes politiques, l'affaire Clearstream, dont on ne connaît pas les véritables tenants et aboutissants, prend les dimensions d'un Watergate à l'échelle française et met le Premier ministre Dominique de Villepin, outre sur la défensive, dans une situation à tout le moins «intenable» soulignent analystes et médias français.