Face aux conquérants : la lutte armée. La reddition du dey d'Alger et son embarquement avec les siens et proches vers Naples, loin de signifier la résignation des “autochtones", réveilla au contraire la conscience des Amazighs. Le débarquement de la quarantaine de milliers de soldats à Sidi Fredj fut d'ailleurs le point de départ de la résistance. Elle sera multiforme, acharnée et permanente. Malgré ses échecs, les armements des envahisseurs et leurs pires excès, les Algériens demeurent insoumis. L'Algérie était conquise, mais jamais soumise. L'histoire coloniale sera jalonnée de révoltes continuelles, de harcèlements et de guerres jusqu'à la dernière qui ouvrit la voie à l'indépendance nationale. Face au refus de plier des Algériens, la “pacification", à la française, fut obtenue au prix de la systématisation des razzias par le général Lamoricière et la politique de la “terre brûlée" du maréchal Bugeaud. Comme cela n'a pas suffi, la France des droits de l'homme se lança dans une politique génocidaire, inaugurée, pour vous rafraîchir la mémoire, en avril 1832, deux années après l'invasion d'Alger, avec l'extermination de la petite tribu des Ouffia, près de Maison-Carrée (El-Harrach) par le colonel Pélissier de Reynaud qui a écrit dans son testament : “Tout ce qui vivait fut voué à la mort. Tout ce qui pouvait être pris fut enlevé. On ne fit aucune distinction d'âge ni de sexe." Pour mémoire encore, ce sinistre officier, ancêtre des SS nazis, inaugurait trois ans plus tard la technique dite de l'enfumade dans le Dahra. Les fours crématoires avant l'heure. Devant les difficultés à réprimer une insurrection, Pélissier décidait d'enfumer les Ouled Riah qui s'étaient retranchés par centaines dans des grottes de montagne. Le désir génocidaire de la France pour arracher l'Algérie à ses propriétaires Les mémoires des acteurs de la conquête abondent de témoignages qui attestent et confirment ce désir génocidaire de la France pour arracher l'Algérie à ses propriétaires. La colonisation française a revêtu le caractère systématique d'une entreprise exterminatrice. “La chasse à l'homme...Voilà, mon brave ami, comment il faut faire la guerre aux Arabes : tuer tous les hommes jusqu'à l'âge de quinze ans, prendre toutes les femmes et les enfants, en charger des bâtiments, les envoyer aux îles Marquises ou ailleurs. En un mot, en finir, anéantir tout ce qui ne rampera pas à nos pieds comme des chiens." C'est encore un des généraux de la colonisation, Montagnac, qui l'écrivait dans une correspondance. Durant la conquête, la population de l'Algérie passa de 3 millions en 1830 à 2 millions en 1856 ! Auxquels il faut adjoindre le demi-million d'Algériens qui ont disparu à partir de 1861, à la suite de la désagrégation du système économique traditionnel, précipitée par la politique de “cantonnement". L'Apartheid avant les racistes sud-africains et, plus tard, les Israéliens. L'Algérie a perdu plus de la moitié de sa population entre 1830 et 1870. Au point où les lobbys colonialistes jubilaient, prophétisant la “disparition fatale de la race indigène". Pour “caser" ses brigands, insurgés et expulsés de l'étranger, la France s'est ainsi servie des territoires algériens. Un exemple, en voici : avec sa défaite contre la Prusse en 1870 s'amorçait l'annexion de l'Alsace-Lorraine par l'Allemagne (traité de Francfort). Une clause de ce traité permet aux Alsaciens-Lorrains de conserver la nationalité française s'ils quittaient la région avant le 1er octobre 1872. Une partie d'entre eux sont évacués en Algérie. Auparavant, le décret du 15 juillet 1871 posa la responsabilité collective des tribus algériennes insurgées, un tour de passe-passe juridique dans un pays qui n'est pas le vôtre pour mettre sous séquestre légal plusieurs centaines de milliers d'hectares ainsi que l'imposition d'une amende de trente-six millions de francs pour les indigènes. Cet impôt et ces terres servirent à l'accueil des Alsaciens-Lorrains refusant de devenir allemands. La cohérence et la dignité, des constantes Islamophobe, vous l'étiez déjà bien avant les Le Pen et leurs élèves de l'UMP. Les juifs d'Algérie sont devenus des citoyens français à part entière par le décret Crémieux, qui accorda la nationalité française aux “israélites indigènes" le 24 octobre 1870. Ceux-ci ont changé de camp mais les Algériens ne leur en avaient pas voulu pour autant. Ils devraient se rappeler que lorsque Peyrouton, ministre de l'Intérieur du régime de Vichy et ancien secrétaire général du Gouvernement général à Alger, les ramena dans les années 1940 à leur statut de juif, les Algériens, avec lesquels ils ont cohabité dans le passé, ont mis de côté leur condescendance et leur mépris de nouveaux convertis à la nationalité française, pour les protéger, comme l'avaient fait auparavant leurs aïeux contre l'antisémitisme espagnol. Si les autorités coloniales avaient choisi la collaboration, les “indigènes" que nous étions ont refusé de livrer les juifs et de collaborer. C'est le cas, par exemple, à Laghouat où la population s'oppose à la demande des autorités de livrer les juifs. Les enfants juifs à qui les écoles républicaines étaient interdites vont fréquenter les écoles “arabes" où la population les ré-accepta et dissimula leur identité aux autorités de Vichy. Des milliers de juifs d'Algérie ont ainsi échappé à la déportation, aux camps et aux fours crématoire. L'immigration algérienne et les milieux nationalistes algériens seront globalement sur la même position. Messali Hadj s'opposera à toute forme de collaboration et aux persécutions des juifs, faisant exclure du PPA, en mai 1939, les zélateurs d'une alliance avec les Allemands regroupés dans le Carna (Comité d'action révolutionnaire nord-africain). Le père du nationalisme contemporain sera emprisonné par le régime de Vichy en 1941. La mosquée de Paris, un des hauts lieux de l'immigration algérienne en France, sauvera aussi de nombreux juifs en leur délivrant des faux papiers et en les faisant passer pour des musulmans, les dissimulant ainsi à l'occupant nazi. Les Algériens n'ont pas accueilli les bras ouverts comme Paris le prétendait auprès de pays européens, l'Angleterre et l'Allemagne notamment. En juillet 1830, les Algériens, réveillés du long sommeil ottoman, avaient compris que leur sort ne dépendait que d'eux, et d'eux seuls, et surtout pas de “sublime porte" qui, pour le moins, n'avait pas résisté à l'invasion prévisible de la France. Le 23, des délégués de tribus dont les Ben Kanoun et Ben Zamoum, se réunissaient au bordj de Tamentfoust, à l'ouest de cap Matifou pour organiser la riposte. Des émissaires furent envoyés dans toutes les régions du pays pour annoncer la guerre contre l'occupation. Dès novembre 1830, les accrochages se multipliaient dans la Mitidja, de Blida jusqu'à Mouzaïa et Miliana. Des démarches diplomatiques se mettent en place Parallèlement à la résistance armée, des démarches diplomatiques se mirent en place. Hamdan Khodja de l'élite algéroise rédigea en 1833 un rapport sur les atrocités françaises qu'il envoya au Parlement français qui avait installé cette année-là une commission d'Afrique. Après avoir dénoncé les exactions des de Bourmont, Clauzel et compagnie et leur parjure, ils avaient, au nom de la France, pris l'engagement de préserver les biens des Algériens, de respecter leur religion et organisation sociale, Khodja n'a pas hésité à exiger de la France d'évacuer l'Algérie. En quelque sorte, il est le précurseur du slogan “l'Algérie aux Algériens". Il n'y a pas de meilleure réponse à tous ceux qui plus tard se mirent à la recherche de la nation algérienne. Persécuté, Khodja mourut en exil en Turquie. Rentrée par les armes, la France en ressortira par les armes. La seule issue était donc la lutte armée. Celle-ci, malgré la puissance de feu de l'envahisseur, sa technologie, les multiples complots ourdis sur la base d'informations collationnées par des commerçants qui faisaient affaire avec la France bien avant la légende du coup d'éventail, et la soumission de quelques féodaux et de leurs tribus, s'étendit rapidement à toutes les régions d'Algérie. Cette dynamique fit émerger de nombreux chefs de la résistance. L'émir Abdelkader, précurseur de l'état algérien Nous nous contentons de quelques figures de la résistance. Le djihad de l'émir Abdelkader. Issu d'une famille maraboutique dans l'ouest du pays, près de Mascara, à dix-sept ans il fut impressionné en égypte par la volonté de réforme de Mehmet Ali, sur la route du pèlerinage qu'il a accompli avec son père. Face à l'invasion française, il devint émir en 1832 pour organiser la résistance. Il organisa les régions qui lui ont fait allégeance, c'est en cela qu'il est présenté comme le précurseur de l'état algérien, et réunit l'armement nécessaire pour entreprendre la défense du territoire. Face à l'avantage des armées françaises, Abdelkader opta pour une stratégie de guérilla : ses khalifas ne devaient jamais affronter l'ennemi avec des forces compactes et s'en tenir exclusivement à des harcèlements rapides et ponctuels, couper à l'ennemi les lignes de retraite et les voies de communications et le fatiguer par des marches et des contremarches susceptibles d'offrir l'occasion d'attaquer. L'armée française connut toute une série de difficultés en raison des raids et du blocus des garnisons opérés par les forces de Abdelkader. Mais le cours de la guerre changea avec l'arrivée du maréchal Bugeaud à Alger, le 22 février 1841, pour prendre ses fonctions de gouverneur général. Bugeaud eut pour mission d'en finir avec Abdelkader et augmenta considérablement les effectifs de l'armée. En réponse, Abdelkader appela à des mobilisations populaires. Le rapport des forces était malheureusement en faveur de la France, laquelle, ne l'oublions pas, était la puissance de l'Europe en ces temps-là. Et puis, le syndrome de la division était toujours là ! Les établissements militaires de l'émir furent alors détruits, les uns après les autres. Le 16 mai 1843, lors de la fameuse prise de la smala par le duc d'Aumale, Abdelkader perdit le plus gros de son armée et prit la direction du Maroc. Les tribus marocaines prirent fait et cause pour lui, contraignant le sultan à entrer en guerre contre la France pour se raviser dans le traité de paix de Tanger qui fit de l'émir Abdelkader un hors-la-loi en territoire marocain. En 1847, réfugié sur la Moulouya, l'émir Abdelkader fut contraint de se rendre. Il finira en Syrie où il avait emmené avec lui sa tribu. La chute de l'émir Abdelkader n'a pas pour autant signé l'arrêt de la lutte contre la colonisation. Loin s'en faut. L'Algérie fut marquée par différentes luttes. En 1849, la destruction de Zâatcha ; en 1852 la prise sanglante de Laghouat ; en 1857 Ichirridène ; en 1864 la première insurrection des Ouled Sidi Cheikh. Fatma n'Soumeur tiendra en échec les troupes du général Randon Fatma n'Soumeur, qui naquit tout près de Aïn El-Hammam en 1830, a vécu dans sa chair d'adolescente l'occupation de la Kabylie par les troupes coloniales. Elle se para de vêtements de guerrier pour lever des cavaliers. Lalla, comme l'appelaient ses soldats, s'illustra notamment lors de la bataille d'Oued Sebaou en 1854 où elle tint en échec les troupes du général Randon. Celui-ci demanda des renforts, et de nouveau la Kabylie fut soumise à la politique de la terre brûlée. La répression galvanisait la résistance et augmentait le prestige de l'ancêtre des moudjahidate. Paris a ordonné à ses généraux de la coloniale de mettre fin à la légende de la rebelle. Le général Randon comprit qu'il lui était impossible de continuer à perdre la guerre face à Fatma n'Soumeur, il lui demanda une trêve que celle-ci avait acceptée pour ainsi en tirer profit et réorganiser ses troupes. Les Français rompirent la trêve trois ans plus tard et partirent à l'assaut des dernières places fortes de Kabylie. Lalla Fatma n'Soumeur, entourée des femmes de la région, dirigeait les combats, mais les villes kabyles tombèrent les unes après les autres. Elle ne sera arrêtée qu'en 1857. Internée aux Issers puis à Tablat, sa fortune qui servait à prendre en charge les disciples de la zaouïa de son frère fut dilapidée par les soldats et sa bibliothèque détruite. Lalla Fatma n'Soumeur mourut en prison en 1863. En 1871, la défaite de l'empereur Napoléon à Sedan et l'avènement de la IIIe République, qui avait la faveur des colons, achevèrent de convaincre le bachagha Mohand Amokrane, plus connu sous le nom de Mohamed El-Mokrani, de passer à l'action. Il sollicita le puissant réseau confrérique de la Tarîqa Rahmaniya du cheikh Mohand Ameziane Ahaddad, et tous deux appelèrent à la révolte contre l'occupation française. La révolte des Ath Amokrane, survenue le 16 mars de la même année, est la plus importante insurrection contre le pouvoir colonial français depuis le début de la conquête de l'Algérie en 1830. El-Mokrani, la plus importante insurrection avant celle de novembre Son engagement contre la présence coloniale remonte aux années 1864, lorsqu'il soutenait la révolte de cheikh Bouakkaz, un proche de son père, et consacra ses biens pour pallier la disette qui touchait alors la Kabylie. Il décide alors de se révolter, mais, en homme d'honneur, il en avise auparavant le général Augerand. Après quoi il entre en rébellion en mars 1871. Mais il avait de fait bien choisi son heure. Dès janvier 1871, couvait une révolte de spahis qui ont refusé d'être envoyés sur le front de la France en guerre avec ses voisins, estimant leur engagement valable uniquement pour servir en Algérie. La révolte des supplétifs, d'abord déclenchée à Aïn Guettar et à Moudjebeur, s'est ensuite étendue à El-Tarf et à Bou Hadjar, ainsi qu'à Bône encerclée pendant trois jours. Vingt colons ont été tués, jusqu'à ce qu'une répression très forte soit engagée. Quoi qu'il en soit, la révolte des spahis fut amplifiée à partir du 16 mars 1871 par sa prise en main par El-Mokrani, dont l'influence était très forte. Elle constitua la plus importante insurrection avant celle de novembre 1954. Le mouvement soulève 250 tribus, près du tiers de la population algérienne. Des milliers de combattants furent mobilisés, et l'Algérie s'embrasa de nouveau. Les troupes françaises furent constamment harcelées de toutes parts, de Bordj Bou-Arréridj à Cherchell. Le désarroi des forces d'occupation était à son comble lorsque les cavaliers d'El-Mokrani arrivèrent à 20 km de la capitale. Le général Lallemand, commandant en chef des forces armées, forma vingt colonnes grâce aux renforts arrivés de France après la chute de Sedan et se rendit à l'oued Souffiat où campait El-Mokrani. La bataille fut sanglante, El-Mokrani mourut au combat le 5 mai 1871. Son décès était gardé secret pendant plusieurs jours, son corps fut finalement inhumé à la kalâa des Béni Abbès. Le combat se poursuivit avec à sa tête le frère d'El-Mokrani, Boumezreg, qui, épaulé par le vieux leader de la confrérie, cheikh El-Haddad, alors âgé de plus de 80 ans, tint en échec l'armée française qui se dispersa. Ce dernier combattit farouchement en dépit de sa paralysie jusqu'à son arrestation dans la région de Béjaïa, le 13 juillet 1871. L'insurrection d'El-Mokrani prend fin le 20 janvier 1872. La répression fut très sévère et se traduisit, une fois matée l'insurrection, par des internements de Kabyles et déportations en Nouvelle-Calédonie, mais aussi par d'importantes confiscations de terres, qui ensuite ont obligé de nombreux Kabyles à s'expatrier. Après la répression de l'insurrection de 1871, l'Algérie ne connut plus de soulèvement d'aussi grande importance, bien que des irruptions partielles surgirent. à partir des années 1878-1880, dans le Sud oranais émerge la figure de Bouamama, chef de confrérie qui organise la résistance à la colonisation dans la région jusqu'en 1908. Dans le reste de l'Algérie, la société algérienne avait été trop détruite pour pouvoir opposer une résistance frontale, et l'opposition à la colonisation se mua en résistance passive (préservation de la mémoire de la résistance, préservation de la religion et de l'identité, manifestées notamment par le refus de l'école française...). Certaines régions, comme celle de l'oasis El-Amiri se soulevèrent en 1876, des Aurès en 1879. Celle-ci fut déclenchée sous la direction de cheikh Mohamed Ben Abderrahmane d'une part et Mohamed Ameziane de l'autre, démontrant que l'ère des résistances n'était pas révolue en Algérie. À la fin du XIXe siècle, après la conférence de Berlin de novembre 1884 consacrant le partage de l'Afrique, et le traité du 5 août 1890 entre la France et l'Angleterre délimitant les zones d'influence des deux pays sur le Sahara et le Soudan, In Salah est pris en 1898, le Tidikelt, le Touat et le Gourara en 1900. à la suite d'une razzia de Touareg du Hoggar sur le Tidikelt, une bataille se déroule à Tit le 7 mai 1902 entre les Français et les Touareg, occasionnant à ces derniers la perte de 99 hommes, perte énorme puisque les tribus ne disposaient que de 1200 combattants, et l'amenokal Moussa ag-Amastane doit se soumettre à In Salah au début de 1904. Le 14 août 1905, les Territoires du Sud sont organisés en quatre territoires : Aïn Sefra, Ghardaïa, Oasis (Ouargla pour chef-lieu) et Touggourt, ayant chacun à leur tête un officier supérieur. D. B.