Outre la préparation de la prochaine visite du président français, le ministre français de l'Intérieur aura aussi à mettre de l'huile dans la renégociation de l'accord bilatéral de 1968. Après le chef de la diplomatie, Laurent Fabius, son collègue de l'Intérieur sera le deuxième ministre français d'importance à se rendre en Algérie. Selon des informations obtenues par Liberté, le voyage est prévu au mois d'octobre avec comme perspective une visite du président François Hollande avant la fin de l'année. Sans doute pour une question d'équilibre, Manuel Valls se rendra à Rabat en septembre, Fabius ayant choisi Alger comme sa première destination au Maghreb et au monde arabe. Manuel Valls arrivera à Alger presque un an après son prédécesseur de droite, Claude Guéant, dont la visite ne fut pas un franc succès. En tant que secrétaire général de l'Elysée, il avait fait le déplacement à deux reprises. Sous l'ère Sarkozy, il y avait une défense agressive des intérêts économiques et commerciaux de la France couplée à une politique migratoire aussi agressive. En somme, un climat peu propice à une relation apaisée. Les dix années de droite au pouvoir auront été marquées par le vote de la loi glorifiant la colonisation. Son effet le plus spectaculaire fut le non-aboutissement du Traité d'amitié que projetaient de signer Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika. Au demeurant, les répliques de ce séisme qui secouait la relation bilatérale n'en finissent pas d'être ressenties. Dans l'histoire de cette relation, les socialistes ont aussi écrit leur page noire que les Algériens n'ont pas effacée. C'est le vote des pouvoirs spéciaux accordés à l'armée pendant la guerre de Libération. Il explique en partie pourquoi les dirigeants algériens ont entretenu de meilleurs rapports avec la droite. Une nouvelle ère s'annonce-t-elle ? Rien ne permet encore de le dire même si les échanges épistolaires entre les chefs d'Etat apparaissent comme des signaux positifs. Si François Hollande avance sur la question de la mémoire commune comme il l'a fait hier sur la déportation des juifs, il aura ouvert une très large voie vers un avenir apaisé. M. Hollande a, en effet, qualifié la rafle du Vel d'hiv d'il y a 70 ans de “crime commis en France, par la France". Il y a un quinquennat pour connaître ses intentions sur le sujet. La visite de Manuel Valls aura peut-être pour effet de remettre de l'huile dans la pénible négociation d'un nouvel avenant à l'accord bilatéral de 1968 régissant la circulation entre les deux pays. Engagée en 2009, elle peine à aboutir puisque l'Algérie souhaite plus d'avantages, en raison de densité de la relation, alors que l'ancien gouvernement souhaitait l'aligner sur le droit commun appliqué à tous les étrangers. Pour l'Algérie, les négociations ne sont pas uniquement des compromis mais aussi des principes. L'accord bilatéral lui accorde un régime dérogatoire favorable qu'il faut renforcer avec les éléments positifs contenus dans le droit commun. Avec 1,5 million de ressortissants immatriculés dans ses 18 consulats et environ 1,5 million d'autres qui ne le sont pas, la communauté algérienne en France est la première issue de l'immigration. Cette position s'ajoutant à l'histoire commune nécessite du point de vue d'Alger de privilégier la dimension humaine de la relation bilatérale. Il n'est donc pas question de se limiter à la lutte contre l'immigration clandestine mais de faciliter la circulation pour une meilleure cohésion de la communauté. La dimension humaine est un élément structurant de la coopération, a assuré à Liberté un négociateur algérien. Une bonne négociation doit renforcer le droit des Algériens en matière d'établissement et de circulation, selon lui. L'Algérie souhaite ainsi des visas de un à cinq ans au bénéfice des hommes d'affaires, universitaires, artistes et journalistes. Elle veut un renforcement du regroupement familial, notamment pour les enfants adoptés sous le régime de la kafala. Actuellement, l'examen de leur demande met entre un et deux ans. En contrepartie, la France demande la réciprocité pour la circulation, l'établissement et les droits patrimoniaux. Les Français voudraient se voir reconnu le droit d'acheter des biens immobiliers, de les vendre et d'en transférer les bénéfices. Une demande qui semble inacceptable par l'Algérie. En clôture de sa visite, Laurent fabius avait estimé avoir “pleinement atteint" son objectif de relancer le “partenariat" franco-algérien. Invité samedi dernier à l'iftar à la mosquée de Paris, Manuel Valls a aussi jugé “positif" le bilan de cette visite. Attendons la sienne. A O