Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères Pour la première fois, les deux pays ne se sont pas détournés du miroir qu'ils se tendaient mutuellement depuis des années. La visite du ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, depuis dimanche à Alger, a ceci de particulier: pour la première fois, les deux pays ne se sont pas détournés du miroir qu'ils se tendaient mutuellement depuis des années. La question de la mémoire, la circulation des personnes, les archives, l'économie, la défense, la sécurité, le dossier Renault, les relations inter-maghrébines, particulièrement algéro-marocaines et l'UPM. Sans faux-fuyants, tous les dossiers sont mis sur la table. Ainsi, pour sa première visite dans un pays arabe en tant que chef de la diplomatie française, Laurent Fabius s'est dit confiant dans «un nouvel élan dans les relations entre les deux pays». «Passer à un nouveau stade, un partenariat d'exception, ne sont pas des mots en l'air. Ce sont des volontés concrètes qui existent à la fois du côté algérien et du côté français», a déclaré M.Fabius lors d'une conférence de presse organisée tard dans la nuit d'avant-hier, conjointement avec le ministre des Affaires étrangères algérien, Mourad Medelci. Très satisfait par l'accueil chaleureux qui lui a été réservé, l'hôte d'Alger a affirmé à la fin de sa visite que toutes les conditions sont réunies pour donner un nouvel élan au partenariat entre l'Algérie et la France. «Je peux dire que nous avons tous les éléments pour faire un grand chemin ensemble», a déclaré M.Fabius à l'issue de l'audience que lui a accordée le président Bouteflika. Il a précisé que le but de sa visite en Algérie, précédant celle devant être effectuée par le président François Hollande, était de «contribuer à donner un nouvel élan à ce partenariat. «Je crois que c'est le cas», a-t-il dit. M.Fabius a ajouté que ses entretiens avec le chef de l'Etat ont permis de passer en revue «tout ce qui concerne les relations bilatérales et d'analyser les grandes questions régionales et internationales». «J'ai apprécié la hauteur de vue et la sagesse du président Bouteflika, que j'ai eu le plaisir de revoir puisque nous nous connaissons depuis des années», a indiqué le chef de la diplomatie française. La crise du Mali Le dossier-clé de cette visite a été incontestablement le Mali et la situation au Sahel. M.Medelci a rappelé la position de principe défendue jusque-là par l'Algérie en rappelant que «la solution militaire aujourd'hui n'est pas la bonne. C'est la solution politique et le dialogue qui doivent prévaloir». De même que le chef de la diplomatie algérienne a souligné le fait que «la solution du Mali est entre les mains des Maliens qui peuvent trouver dans les pays du champ, Algérie, Mali, Mauritanie et Niger, notamment l'aide nécessaire en cas de besoin». De son côté, Fabius a dit «rejoindre» les propos de M.Medelci. Le président Hollande à Alger en fin 2012 Cependant, il inscrit cette crise dans un contexte international, notamment dans son volet sécuritaire. M.Fabius a estimé que la situation au nord du Mali constituait une menace non seulement pour les pays de la région, mais pour le monde entier. «Les terroristes disposent d'armes puissantes et de moyens financiers. Ils constituent une menace pour l'ensemble du monde», a-t-il insisté. Pour donner corps à cette relance de la coopération, le président français François Hollande sera à Alger dans le cadre d'une visite d'Etat. C'est le coeur même de cette visite de M.Fabius à Alger. Il a annoncé que les deux pays sont tombés d'accord pour préparer ensemble, pour une périodicité allant de 2012 à 2016, un document «qui résumera, a-t-il précisé, les différents éléments de la coopération». «Ce document doit être prêt avant la fin du mois d'octobre» afin que la visite du président François Hollande prévue à la fin 2012 puisse se faire sur un travail préalable précis et qui permet d'avancer», a-t-il, en outre, indiqué La mémoire omniprésente La question mémorielle a été évoquée sans complexe par les deux ministres. «La question de la mémoire, présente non seulement dans les esprits des responsables mais aussi dans ceux des citoyens, ne peut être oubliée», a déclaré M.Medelci. Il a indiqué que les messages échangés entre le président Bouteflika, et son homologue François Hollande, à l'occasion du Cinquantenaire de l'Indépendance de l'Algérie et de la Fête nationale de la France, «montrent que la question mémorielle reste bien présente dans les esprits». «Nous voulons aujourd'hui croire qu'un nouvel état d'esprit est en train de se créer qui nous permette de traiter d'une façon plus intelligente cette question de la mémoire», a-t-il ajouté, soulignant que personne ne peut décider de «l'oubli» de cette mémoire. «Il faut simplement que nous puissions puiser de cette mémoire afin de renforcer les relations entre nos pays», a-t-il également affirmé. De son côté, M.Fabius a fait part de la volonté de «traiter du passé en toute objectivité et en toute lucidité sans rien dissimuler». Après avoir exprimé la volonté de «travailler ensemble concrètement», M.Fabius a ajouté que «nous avons eu des épreuves extrêmement rudes, un passé en commun, un présent qui maintenant nous rapproche et un futur qu'il faut que nous bâtissions ensemble». L'Accord de 1968 sauvegardé Mourad Medelci a été affirmatif quand il s'est exprimé sur les négociations bilatérales liées à l'Accord de 1968 sur l'immigration algérienne en France: «L'Accord de 1968 est un segment important de notre partenariat d'exception. Et aujourd'hui ce segment est sauvegardé.» Pour sa part, Laurent Fabius a été quelque peu évasif. Il s'est contenté d'annoncer la visite prochainement à Alger du ministre de l'Intérieur, Emmanuel Valls. Aussi, ce dernier se penchera dans le détail sur les Accords de 1968 et la question des visas. Renault Algérie ne doit pas menacer la France «M.Valls a l'intention de se rendre en Algérie pour faire avancer ces sujets» liés à la circulation des personnes entre les deux pays. «Symétriquement, des améliorations à apporter et des situations administratives et immobilières à améliorer», a-t-il déclaré. Au sujet du dossier Renault Algérie et l'impact qu'il pourrait avoir sur le social, Laurent Fabius a été clair et précis: «Si c'est un investissement gagnant-gagnant en Algérie, oui. Si c'est un investissement pour concurrencer les produits fabriqués en France, c'est non.» Est-ce à dire que les véhicules qui seront fabriqués en Algérie ne seront pas exportés en France? Par ailleurs, M.Fabius a affirmé poursuivre le travail entrepris par Jean-Pierre Raffarin dans le cadre de sa mission en Algérie. Le Sahara occidental, le Maroc et l'UMA Mourad Medelci a affirmé que les difficultés que rencontre la construction de l'UMA ne sont pas uniquement liées aux relations algéro-marocaines. «Le problème du Sahara occidental existe bien avant la création de l'UMA en 1989 à Zéralda», a-t-il déclaré ajoutant que «cette question est entre les mains de l'ONU et du Conseil de sécurité». Au sujet des frontières avec le voisin marocain, la question est aujourd'hui abordée sans tabou et sereinement rappelant que cette question n'est pas imputable à l'Algérie mais à un certain événement à Marrakech en 1994. S'exprimant sur le même sujet, M.Fabius a indiqué que la position de la France concernant la question du Sahara occidental est «celle défendue par les Nations unies». «Nous nous plaçons dans le cadre de la légalité internationale telle que défendue par l'ONU», a ajouté le ministre français.