Le dossier des personnes disparues pendant, ce qui est convenu d'appeler la “décennie noire", vient de connaître un brusque rebondissement. Et cela à la faveur de la visite du haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Mme Navanethem Pillay, qui avait annoncé, mardi, la mise en place, prochainement, d'un groupe de travail onusien pour certainement investiguer sur l'affaire. Quand, comment, avec qui ? Elle n'en a rien dit, quand bien même l'annonce en elle-même est suffisamment de taille pour polariser l'intérêt de l'observateur. Et le vaillant maître Ksentini a beau clamer que le dossier des disparus est “scellé et non négociable", dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, l'annonce faite par la responsable onusienne, qui plus est devant le ministre des Affaires étrangères, sonne un peu comme quelque chose qui ressemble à une inflexion de la position officielle de l'Algérie par rapport à ce dossier qui constitue une des plaies encore ouverte de cette douloureuse période. Et le fait que Mme Navanethem Pillay soit reçue successivement par le Premier ministre, le président du Conseil de la nation, puis le président de la République est un signal quant à la volonté des autorités algériennes à coopérer, à dire “ce qui est fait, ce qui n'est pas fait et ce qui ne peut pas être fait", pour reprendre les propos de M. Ksentini à “Liberté". Un groupe de travail onusien, qui mettrait son expertise au service de l'Algérie, pour mettre définitivement à plat cet épineux dossier qui entretient encore de vieilles fractures politiques dans la société et au sein de la classe politique, why not ! Le temps est peut-être suffisamment opportun pour que la vérité soit dite, que la justice soit faite. Juste pour permettre aux familles des disparus, qui ont refusé (et c'est leur droit) de se contenter des indemnisations proposées par l'Etat, d'entamer le travail de deuil. Mais, certainement pas pour un règlement de comptes politiciens, avec ce risque de nous ramener à la case départ. En définitive, il ne sert à rien d'avoir une attitude de vierge effarouchée, ni une action jubilatoire à l'égard de ce groupe de travail, si l'intention est saine. Il reste néanmoins vrai que même l'enfer est pavé de bonnes intentions. n