Censé être définitivement clos, avec l'adoption de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, le dossier des disparus sera, donc, rouvert par l'instance onusienne chargée des droits de l'Homme. Le dossier des disparus de la décennie noire est relancé. La visite du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme en Algérie aura permis à cette instance d'arracher l'accord d'Alger pour une visite d'une délégation onusienne en vue d'aborder la question des “disparitions forcées et de la lutte antiterroriste", selon les termes utilisés par Mme Navanethem Pillay. Censé être définitivement clos, avec l'adoption de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, le dossier des disparus sera, donc, rouvert par l'instance onusienne chargée des droits de l'Homme. Les familles des disparus et les ONG qui en avaient fait leur cheval de bataille des années durant ont pu imposer leurs plaidoiries, au moment où la position officielle s'accrochait à la Charte pour la réconciliation nationale et au traitement officiel réservé par le gouvernement à cette question. La réouverture de ce dossier sonne comme un camouflet pour l'Etat algérien. La visite du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme est qualifiée, par le chef de la diplomatie algérienne, d'historique. Elle l'est, en fait, sachant que par le passé, l'Algérie se montrait très irritée dès qu'il s'agissait de parler du dossier des disparus et des droits de l'Homme. Mourad Medelci reconnaît que “cette visite, la première du genre, est historique, dans la mesure où elle s'inscrit dans une conjoncture nationale particulière caractérisée par les réformes qui sont en train de se mettre en place en Algérie". Le ministre précisera sa pensée, en indiquant que ces réformes sont en relation avec les droits de l'Homme. Soulignant les efforts consentis par l'Algérie pour “consolider de manière déterminée et continue" les droits de l'Homme, le ministre a relevé que “beaucoup a été fait et d'autres choses restent encore à faire". Il a rappelé que l'Algérie prend en charge cette question (droits de l'Homme) en s'appropriant l'objectif de “consolidation des droits de l'Homme", ajoutant que l'Algérie ne considère pas cela comme un “exercice imposé de l'extérieur, mais un exercice mettant en valeur les efforts à entreprendre". Une réponse qui s'apparente à un mea-culpa et qui trahit une gêne chez le chef de la diplomatie algérienne. Durant son séjour, Mme Pillay devra rencontrer des responsables du gouvernement et des représentants de la société civile pour s'informer de manière “contradictoire" sur les droits de l'Homme et les avancées enregistrées par l'Algérie. Me Ksentini vole au secours de Medelci Comme il fallait s'y attendre, Me Farouk Ksentini, le président du CNCDH, n'a pas tardé à réagir pour voler au secours du chef de la diplomatie algérienne. Pour “Monsieur droits de l'Homme" du gouvernement, “le dossier des disparus est clos pour nous. Les disparus font partie des victimes de la tragédie nationale, leurs familles ont été indemnisées. Pour nous, les choses sont claires, il y a eu un référendum sur la Charte pour la réconciliation nationale. Les dispositions de cette charte ont force de loi que nous sommes tenus d'appliquer". Toutefois, il ouvre une brèche qui remet en cause ce qu'il venait d'affirmer plus haut : “Cela étant, nous sommes ouverts à toute discussion avec nos partenaires, nous allons leur expliquer ce que nous avons fait et ce que nous pouvons faire et ce que nous ne pouvons pas faire." “Nous sommes pour la réhabilitation de la mémoire des disparus pour ne pas les confondre avec les terroristes. Et, personnellement, je suis aussi favorable à un statut particulier pour les personnes disparues." “Ce sont des sujets parfaitement abordables sur lesquels on peut s'expliquer et se comprendre avec cette responsable onusienne." “S'il y a une procédure d'utilisation de l'ADN pour identifier les victimes enterrées sous X, pourquoi pas, afin de permettre à leurs familles de faire leur deuil ; c'est faisable, c'est naturel, on peut en discuter en toute liberté." La réaction de Me Ksentini laisse penser que le dossier des disparus sera relancé et que tout ce qui a été entrepris par l'Etat algérien, en vue de tourner cette page sombre, n'a pas convaincu la communauté internationale. Pour rappel, Mme Pillay a indiqué que l'objet de sa visite consiste à s'enquérir de la situation des droits de l'Homme en Algérie et des efforts déployés pour que son institution puisse éventuellement apporter une assistance technique à l'Algérie. Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme aura aussi à “vérifier" si l'Algérie est en conformité avec les droits de l'Homme par rapport à ce qui se passe dans le monde, a-t-elle dit, ajoutant qu'elle s'enquerra sur les questions de liberté d'expression et d'association, de lutte antiterroriste et des personnes disparues. Tout un programme ! A B