Fort du soutien des groupes islamistes de la région, Chafi voulait déstabiliser le régime de Nouakchott qui n'a trouvé de soutien qu'auprès d'Alger qui a porté assistance au sein des instances africaines au président Abdelaziz. Alors que le sort des 4 otages algériens toujours détenus par le Mujao est des plus incertains, l'enquête sur leur kidnapping n'a jamais cessé et les premiers éléments sont assez troublants sur le commanditaire de leur enlèvement. Tous les éléments de cette enquête mènent à un seul nom : Mustapha Ould Limam Chafi. Ce Mauritanien, de 53 ans, est une vieille connaissance des services de sécurité algériens, occidentaux et sahéliens. Médiateur en chef dans toutes les négociations concernant les otages européens, cet homme lige est le seul qu'Aqmi accepte de rencontrer et avec qui elle veut discuter. Alger, depuis le début de “l'affaire Gao" et le ratage extraordinaire de la diplomatie algérienne qui n'a pas mesuré les risques d'un maintien de son personnel dans un consulat cerné par le Mujao et Aqmi, les enquêteurs n'ont eu de cesse de tenter de remonter la piste du commanditaire de cette opération terroriste. Et personne au sein des experts algériens dans le contre-terrorisme n'a été franchement étonné de croiser le nom de Chafi connu comme “Lilam Chafi". Pourquoi donc ce conseiller occulte du président burkinabé, Blaise Compaoré, habitué du palais de Ouagadougou, en veut à l'Algérie au point d'ordonner le kidnapping de nos diplomates ? Pour comprendre comment Chafi a convaincu l'obscur Mujao de passer à l'action, il faut saisir son rôle exact dans la nébuleuse terroriste. Il faut remonter à la libération spectaculaire de 4 Espagnols en 2010 pour trouver une trace publique de cet intermédiaire qui aime porter les Rays Bans sur le front et le treillis saharien. Juste après leur libération, Chafi, que certains journaux espagnols ont accusé d'avoir perçu une commission pour ses loyaux services de la part d'Aqmi (environ 2,3 millions d'euros), s'est mué en un opposant politique déclaré du président mauritanien, Abdelaziz. Fort du soutien des groupes islamistes de la région, Chafi voulait déstabiliser le régime de Nouakchott qui n'a trouvé de soutien qu'auprès d'Alger qui a porté assistance au sein des instances africaines au président Abdelaziz. Chafi s'est retrouvé accusé de terrorisme par son propre pays qui a délivré un mandat d'arrêt international qui court encore pour “financement du terrorisme et des bandes terroristes au Sahel". Malgré ce mandat d'arrêt, il continue de sillonner la sous-région et même au-delà et poursuit ses activités qu'il définit comme étant au service des “innocents". Avec un pied à terre à Dakar où est protégée sa famille avec un statut diplomatique, Limam Chafi se fera remarquer au Maroc, en Côte d'Ivoire qui préside la Cédéao et prépare l'expédition du nord Mali, au Rwanda, au Soudan, au Mali, en Guinée, mais atterrit toujours au Burkina Faso. Son amour pour Ouagadougou remonte à la période Thomas Sankara avant qu'il soit renversé par son second, Balise Compaoré, qu'il a rejoint bien après pour devenir son “émissaire attitré". Ainsi Compaoré s'est imposé comme médiateur également dans la crise malienne. Son ministre des Affaires étrangères, Gibrill Bassolé, est le seul officiel dans l'équation malienne à avoir été reçu par le Mujao et Ansar Edine au nord Mali. Opération facilitée certainement par Limam Chafi qui a réussi à intégrer dans son agenda le nouveau groupe activant dans la région, le Mujao. De tous ses périples, il n'a jamais été inquiété malgré le mandat d'arrêt. C'est sur lui que le président burkinabé a bâti sa réputation de médiateur dans la libération des otages occidentaux aux mains des groupes terroristes. Il se défend cependant d'être un mercenaire et rejette toute accointance avec Aqmi et le Mujao. Il est pourtant le seul à bénéficier de la confiance des groupes terroristes. Là aussi, il s'en défend. “Ce serait prétentieux de dire que j'ai la confiance de ces groupes armés. Moi, ma présence résulte d'un processus de sauvetage de ressortissants occidentaux. C'est un objectif pour lequel l'ensemble des parties, en premier les pays de la région, ont collaboré. Le Burkina Faso a été sollicité au titre de son expertise en médiation. Et moi, Moustapha, je n'étais dans ce dispositif complexe qu'un élément parmi d'autres. Et il a fallu pour moi veiller des nuits durant, vraiment, souffrir le froid, la peur, vraiment la peur, les grandes peurs ; je ne peux pas vous les décrire ; le soleil, prendre des risques considérables pour parvenir à libérer des innocents enlevés et menacés de mort", justifie-t-il. Mais pourquoi alors s'en est-il pris à l'Algérie et fomenté l'enlèvement des sept diplomates à Gao ? Prétendant être un opposant au président Abdelaziz, Limam Chafi pense que c'est l'Algérie qui est derrière le mandat d'arrêt international en forçant la main à la Mauritanie. L'enlèvement des diplomates à Gao s'inscrirait alors dans une logique de vengeance. L'autre explication se trouve dans une de ses déclarations faites à propos du rôle militaire que l'Algérie en tant que puissance régionale refuse de jouer. “L'Algérie, d'où est parti le terrorisme, détient une armée numériquement plus combative que celle de la Mauritanie. Mais, est-ce qu'Alger a une fois songé à se jeter dans le bourbier du Nord malien ?" La réponse est dans l'arrière-pensée suggérée dans ce questionnement. Il s'agit de ramener Alger à s'aligner sur la position de la Cédéao et, sous cette contrainte, s'engager dans la guerre en préparation. Dans ce cas, l'enlèvement profiterait à d'autres parties dont le Mujao ne serait qu'un intermédiaire, un instrument ou un moyen de pression. D B.