Parmi les causes du dysfonctionnement des collectivités locales, en premier les communes, il me semble que le CNES relève, dans un de ses textes établis à l'issue de la “Concertation nationale relative au développement local et aux attentes des populations", quatre séries causales principales que je fais miennes.La première renvoie à la diffusion des effets négatifs d'une conduite, d'abord débridée puis inachevée, du processus global de traitement des réformes institutionnelles et économiques. La seconde série pointe du doigt l'absence d'une décentralisation effective malgré les dispositions idoines contenues dans les articles 15 et 16 de la Constitution. Cela renvoie probablement à des tropismes historiques et institutionnels hérités de la colonisation (centralité du pouvoir, jacobinisme) puis consolidés par l'Etat national renaissant. La troisième met l'accent sur ce qui est le mieux partagé par la plupart des institutions publiques : une gouvernance inadaptée. Ce n'est qu'en quatrième position que la problématique de l'insuffisance des ressources, notamment financières, est relevée. C'est pourtant ce dernier point que je me propose de traiter dans cette chronique en sachant bien comme indiqué en introduction que son traitement, pour utile qu'il soit, ne sera pas suffisant pour améliorer les performances des collectivités locales. D'abord convenons que le traitement définitif de la crise des finances locales ne peut être obtenu s'il ne s'inscrit pas lui-même dans une démarche intégrée de modernisation et de réformes de modes d'organisation et de gestion des communes. Des efforts ont été faits mais le problème reste entier. Rappelons ainsi les opérations dites de “désendettement des communes" effectuées notamment en 1990 puis en 2000, au travers le Fonds commun des collectivités locales (FCCL). Dans le même ordre d'idées, rappelons aussi les deux nouveautés introduites par le nouveau Code communal qui a remplacé la loi 90-08 relative à la commune : garantie par l'Etat de compenser toute réduction ou suppression de ressources fiscales et création de deux nouveaux fonds communaux(Fonds de solidarité et Fonds de garantie des collectivités locales). Malgré cela, et en dépit des statistiques en trompe-l'œil qui indiquent que sur les 1 548 communes que compte l'Algérie le nombre des communes “déficitaires" a diminué de 1100 entre 2000 et 2006 à 400 en 2009, je continue de croire que le déficit budgétaire des communes, rapporté à leurs besoins financiers réels, est structurel. C'est pourquoi la latitude offerte aux collectivités locales par le nouveau Code communal de pouvoir recourir à l'emprunt bancaire a peu de chance de constituer un élément de solution tant leur “bancabilité" demeure problématique. En fait c'est le système de la fiscalité locale qu'il va falloir revisiter et réformer en profondeur. Ainsi, par exemple, les deux taxes locales les plus significatives, la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) sont calculées sur des paramètres administrés obsolètes ne reflétant en rien la réalité actuelle des marchés et des patrimoines. Il en est de même pour la taxe d'assainissement dont le montant est dérisoire et pour les baux consentis aux exploitants des biens communaux dont les montants avaient été fixés dans les années 1960 ou 1970. Pour illustrer l'ampleur de ces moins values fiscales, certaines sources indiquent qu'en Algérie la fiscalité locale représente 25% de la fiscalité ordinaire alors qu'au Maroc elle est de 42%. Les procédures de dépenses locales sont également contraignantes. On relèvera, outre les procédures lourdes et lentes du Code des marchés publics pour notamment les collectivités locales du Grand Sud et des régions enclavées, pas moins de cinq documents budgétaires à présenter avant tout engagement de dépense. On peut observer également le fait que les Assemblées populaires de wilayas (APW) ne sont consultées que pour le vote annuel du budget sans feed-back quant aux conditions d'exécution et à l'évaluation, ex- post, de ce dernier. Quant aux plans communaux de développement (PCD) et aux plans sectoriels de développement (PSD) beaucoup de collectivités locales estiment ne pas y être suffisamment associées en amont du processus de leur élaboration. Pour conclure, on voit bien que le mouvement irrésistible de décentralisation qui va s'opérer en direction des territoires, anticipé de façon assez correcte -pour ceux qui ne le savent pas- par le Schéma national d'aménagement du territoire (SNAT) suppose la réforme urgente du système fiscal et financier local. La dynamique de cette réforme induira probablement l'ouverture des autres chantiers connexes dont celui de la gouvernance locale. Sinon, les élites locales et le mouvement associatif nous le rappelleront avec fermeté. Gageons qu'à la faveur des prochaines élections locales, la classe politique aussi fera de cette question une de ses priorités.