Fléau, maladie chronique qui a déteint sur les sociétés, déviation du mot et de la sécurité, souillure de l'Islam et de sa beauté... autant de définitions de l'extrémisme religieux qui a défiguré l'image des pays musulmans et menace leur sécurité. Devant l'offensive des extrémistes, ulémas, prêcheurs et imams de la région du Sahel ont décidé d'unir leur voix et leurs efforts, de prendre leurs responsabilités pour y faire face. Après l'appel qu'ils ont lancé à partir de La Mecque, ils viennent de lancer l'initiative d'une ligue des ulémas, prêcheurs et imams des pays du Sahel. Ils tiennent depuis hier leur congrès constitutif à Alger. Tardive, peut paraître cette réaction, mais elle a le mérite de faire le consensus au sein de cette “corporation" qui a réussi à se rassembler autour du principe de combattre ce fléau. “C'est une lourde responsabilité, une grande responsabilité devant Dieu, la nation et l'histoire pour guérir ce fléau", a déclaré cheikh Youcef Mecheriya à l'ouverture des travaux. Cheikh Ahmed Tikhemrine s'est voulu, pour sa part, didactique en revenant sur la définition et l'origine de l'extrémisme religieux. Cette attitude est, selon lui, une déviation de la voie de Dieu, une exagération (el-ghoulou - terme utilisé également pour désigner la spéculation commerciale). Et en religion, cela devient un fléau. Il se manifeste particulièrement par l'excommunication (tekfir) de tous ceux qui ne sont pas d'accord avec sa ligne. Les extrémistes s'en prennent également aux imams par la critique et en mettant en doute leurs savoir et mission allant, dans la majorité des cas, à l'appel à prendre les armes, à la violence et au crime. “Ils prétendent qu'ils sont les seuls véritables musulmans", dit-il. Il n'existe pour eux, a-t-il souligné, que deux axes : le haram “pêché illicite" et les devoirs. La situation dans la sous-région est préoccupante, mais il reste optimiste. Car, a-t-il indiqué, contre cet extrémisme, il y a des solutions. C'est l'objet de ce congrès et de la ligue où débattront les ulémas et donneront leurs avis sur la question. Cheikh Daoud Boureina, Nigérien, a estimé que la solution est dans la religion elle-même dans le sens où elle s'adresse à la conscience humaine. Elle a un rôle curatif s'il y a une cohésion, une position commune face à la menace, selon lui. D'où la nécessité et l'utilité de “ce genre de rencontres pour échanger des points de vue, renforcer les liens et unifier les rangs et le Mot pour donner une référence à la sous-région en matière de religion", a-t-il précisé. L'instance ainsi créée, la ligue, tranchera les questions religieuses dans la religion. Et “c'est là le rôle des ulémas dans la lutte contre l'extrémisme", a-t-il souligné. Cheikh Tikhemrine reviendra longuement sur les raisons qui ont favorisé l'émergence et la propagation de l'extrémisme religieux. L'ignorance est à l'origine de fausses lectures et interprétations, y “compris des références à Ibnu Taymia". S'ajoutent à cette ignorance, la faiblesse de la foi, l'inexpérience, l'impatience et la précipitation, le retard dans le règlement du problème jusqu'à son développement, la glorification des “monstres", des extrémistes devant les jeunes qui en feront des héros, le chômage, la pauvreté, le complexe, l'échec scolaire, l'exclusion, l'incapacité à allier authenticité et modernité et, bien entendu, la colonisation. “Si l'ignorance est un mal, la consultation des ulémas est la guérison", a-t-il indiqué. Il a regretté que ces extrémistes soient exploités par “des mains invisibles" pour d'autres intérêts. Il a plaidé enfin pour l'ouverture des espaces, dans les écoles, les mosquées, aux ulémas pour qu'ils puissent mieux jouer leur rôle préventif. La mise en place de cette ligue vient ainsi parachever le dispositif constitué de mécanismes de sensibilisation, de renseignement et militaire mis en place par les pays de la sous-région. D B