La première décennie de ce siècle n'a pas été de tout repos pour l'industrie des hydrocarbures. Elle a été riche en événements qui ont donné naissance à une nouvelle donne intégrant à la fois des éléments rassurants et des motifs de préoccupation. C'est du moins ce qui ressort des différentes interventions d'experts, samedi dernier, lors du “10e forum d'Alger" organisé par le cabinet Emergy, à l'occasion de la célébration de l'anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures. L'ancien ministre de l'Energie, Nordine Aït Laoussine, explique que “parmi les éléments rassurants, on peut inclure la capacité indéniable de l'industrie à s'adapter aux changements grâce aux progrès de la technologie et son aptitude à répondre aux besoins grandissants de la consommation mondiale des hydrocarbures". Selon lui, il y a eu des bouleversements important mais l'industrie a été en mesure de s'adapter. Il ajoute que l'augmentation des prix du pétrole et du gaz à un niveau plus en rapport avec les coûts de production et les besoins financiers constitue également un développement positif. Pour les motifs de préoccupation, l'ancien ministre indique que l'extrême volatilité du prix du pétrole est un souci permanent pour les principaux acteurs. Pour Nordine Aït Laoussine, il existe d'autres sujets de préoccupation qui ne sont pas partagés par tous les acteurs. “Pour les pays exportateurs de pétrole, il s'agit de la perspective d'un excédent de capacité. Il s'agit éventuellement d'un pic de la demande. Pour les pays exportateurs de gaz, c'est l'incertitude qui entoure aujourd'hui les prix du gaz qui constitue la préoccupation." L'incertitude qui entoure l'évolution du prix du gaz sur le marché international constitue un sérieux problème pour les pays exportateurs qui, comme l'Algérie, ont investi massivement dans de vastes infrastructures d'exportation. Sur cette question des prix du gaz, le débat reste ouvert entre deux écoles. D'un côté, ceux qui s'attendent à la poursuite, sinon l'accélération du processus de libéralisation des marchés et la généralisation à terme de l'indexation du prix du gaz sur les prix du marché spot ; de l'autre, ceux qui considèrent que le marché international du gaz peut difficilement se développer en dehors du modèle contractuel et de l'indexation sur le prix du pétrole. Donnant son avis sur la question, Nordine Aït Laoussine estime qu' “on ne peut pas ignorer les réalités du marché. Tôt ou tard on sera obligés de suivre les forces du marché. A mon avis, il faut prévoir un système intermédiaire qui permet de redistribuer les risques entre l'acheteur et le vendeur de façon raisonnable." Pour sa part, Mourad Preure, expert pétrolier international, estime qu'il y a un besoin de visibilité sur la demande future. “La planète consomme 30 milliards de barils chaque année. 13 ont été découvert en 2009, 19 en 2010, 15 en 2011. En fait on ne découvre pas assez pour compenser ce que l'on consomme. Surtout que l'augmentation des réserves mondiales ne vient pas de découvertes mais plutôt de reclassement de réserves", explique-t-il. L'expert indique que la croissance de l'offre est tirée actuellement par les hydrocarbures non conventionnels. Et de fait, en dépit du caractère modérateur du progrès technique, les coûts techniques de production devraient augmenter de 20 à 25% d'ici 2020. Se disant ne pas partager “l'euphorie de l'abondance", il souligne que “le Peak-Oil est une réalité. Il y a une sorte de course-poursuite entre la demande et le progrès technique, mais la demande est plus forte que le progrès technique." Pour lui, il est difficile de dépasser cent millions de barils par jour. Mourad Preure a également parlé des prix du pétrole qui agissent sur l'investissement dans l'industrie pétrolière et gazière, et des aspects géopolitiques qui influent sur les cours de l'or noir. Clôturant les communications du 10e forum d'Alger, l'expert, Saïd Nachet, a complété le tableau en mettant en exergue un nombre de questions qui restent posées pour l'industrie des hydrocarbures. Il s'agit, selon lui, de savoir quelle place pour les gaz non conventionnels à l'échelle globale, et est-ce que le modèle américain, qui est spécifique, est transposable ailleurs. L'avenir du nucléaire après Fukoshima. Comment s'organisera à long terme la transition énergétique. Et enfin l'avenir du développement du renouvelable. S. S.