Les performances globales de notre système bancaire et sa contribution au développement de l'économie ne s'améliorent que très lentement. Ce qui n'empêche pas les banques d'afficher une excellente santé financière et des bénéfices en hausse. Quel est donc le secret de la rentabilité des banques algériennes ? Les résultats financiers des banques algériennes sont, ces dernières années, en progression régulière. Une constatation valable, contrairement à une idée reçue, aussi bien pour les banques publiques que pour les banques privées. La plus grande banque du pays, la BEA ,qui se flatte d'être aussi la deuxième du Maghreb et la huitième du continent africain annonce pour 2011, qui est pour l'instant la dernière année connue, des bénéfices record de plus de 30 milliards de dinars (300 millions d'euros) sans compter plus de 10 milliards d'impôts sur les bénéfices versés à l'Etat. Elle est, dans ce domaine, battue de justesse par la BNA qui fait encore mieux. Les bilans des dernières années montrent une croissance rapide de la rentabilité de la banque du boulevard Che Guevara, avec un bénéfice net qui est passé d'un peu plus de 6 milliards de dinars en 2007, et 11 milliards en 2008 à plus de 21 milliards en 2009 et... 32 milliards de dinars de bénéfice net en 2011. Pour le CPA, il s'agit d'informations toutes fraîches qui font état d'un bénéfice net de 13,2 milliards de dinars, toujours en 2011. Les banques privées ne sont pas en reste. Le secteur jouit d'une rentabilité élevée et le retour sur investissement, qui fait figure de record au regard des standards internationaux, était estimé dernièrement à plus de 27% en moyenne par le ministre algérien des Finances, M. Karim Djoudi. Société Générale Algérie (SGA) annonce un bénéfice de 4,3 milliards de dinars en 2011, en progression de 28% par rapport aux 3,4 milliards de dinars enregistrés en 2010. Les banques privées à capitaux arabes sont également de plus en plus rentables. L'une des plus dynamiques d'entre elles est aujourd'hui Algeria Gulf Bank (AGB), qui rapporte, au titre de 2011, un bénéfice net de 2,6 milliards de dinars, en hausse de 27% par rapport à 2010, et ainsi que le souligne le dernier rapport annuel mis en ligne récemment : “de plus de 75% par rapport à 2009". Idem pour Housing bank. La banque à capitaux jordaniens annonce pour 2011 un bénéfice net de 1,1 milliard de dinars et une progression record de 112% par rapport à 2010. Des handicaps persistants La bonne santé financière affichée par les banques de la place contraste avec les performances globales d'un secteur bancaire algérien qui continue d'être affecté par de nombreux handicaps. On connaït les principaux d'entre eux : un faible développement des réseaux, des crédits aux ménages peu développés et encore réduits par la suspension du crédit à la consommation intervenue en 2009, une diversification insuffisante des produits proposés aux entreprises avec le caractère encore embryonnaire d'activités comme le leasing ou le capital investissement. Comment dans ces conditions peut-on expliquer que la quasi-totalité des banques algériennes réalisent des bénéfices aussi confortables ? La piste des taux d'intérêt La piste évoquée le plus couramment au cours des dernières années était celle du financement d'un commerce extérieur rendu particulièrement rémunérateur par la généralisation du crédit documentaire (voir encadré). Celle du niveau des taux d'intérêt pratiqués par les banques algériennes est plus neuve. Elle est au moins aussi éclairante, particulièrement pour les banques publiques dont près de 70% des engagements sont constitués de crédit à moyen et long terme. Dans une analyse publiée récemment par un quotidien national, un universitaire algérien, M. Nour Meddahi, qualifie la différence entre les taux d'intérêt pratiqués sur les crédits (autours de 6,75%) et la rémunération des dépôts (2%) d' “exorbitante". Elle placerait, selon les statistiques de la Banque mondiale, l'Algérie “dans la même catégorie que l'Albanie, l'Arménie ou l'Ouganda ".Un écart encore accentué par le fait que la plus grande partie des ressources, collectées à vue par les banques publiques, ne sont pas rémunérées du tout. La situation est d'ailleurs encore pire dans le cas des banques privées, où l'écart entre les taux d'intérêt créditeurs et débiteurs peut atteindre jusqu'à 7%. Ces dernières pratiquent des taux d'intérêt encore plus élevés que leurs consœurs du secteur public du fait qu'elles n'ont pas accès aux ressources des déposants institutionnels, comme Sonatrach ou les caisses de retraites, et rémunèrent les dépôts à terme à des taux compris entre 3 et 4%. Les taux d'intérêt créditeurs des banques privées atteignent couramment des niveaux qui se situent entre 9 et 11,5%. Conclusion de M. Meddahi, “les banques algériennes, par manque de concurrence, font facilement beaucoup de bénéfices sur le dos des épargnants et des entrepreneurs". Une situation qu'il qualifie de “problème numéro un du secteur bancaire algérien" et qui aurait des conséquences extrêmement néfastes en décourageant l'investissement des entreprises. Particulièrement ceux des entreprises privées qui n'ont pas accès aux taux bonifiés pratiqués ces dernières années par une institution comme le FNI en faveur des plus grandes entreprises publiques. H. H.