En Algérie, les banques se portent bien et affichent des bénéfices en hausse. Malheureusement et en dépit de la bonne santé financière des opérateurs, les performances globales de notre système bancaire et sa contribution au développement de l'économie ne s'améliorent que très lentement. Même si, comme l'indique le dernier rapport de conjoncture de la Banque d'Algérie, la situation est très contrastée d'une banque à une autre. L'été est traditionnellement la période de publication des résultats financiers des entreprises. Ceux des banques algériennes sont ces dernières années en progression régulière. C'est encore le cas cette année si on en juge par les informations disponibles. Dans ce domaine, tandis que les banques privées jouent en général le jeu de la transparence avec des rapports annuels complets, ou au moins des états financiers récents publiés sur leurs sites , les pratiques des banques publiques algériennes sont beaucoup plus disparates. La plupart d'entre elles ne jugent pas utile de livrer au grand public des informations sur leur situation financière et préfèrent les réserver à leur actionnaire unique. Une règle qui, par chance, n'est pas appliquée par toutes les banques publiques. la BNA et le CPA mettent en ligne, sans aucun commentaire, les états financiers de l'entreprise. Pour le CPA, il s'agit d'informations toutes fraîches qui font état d'un bénéfice net de 12,8 milliards de dinars (environ 120 millions d'euros ) en 2010. La BNA publie pour sa part les bilans des dernières années qui montrent une croissance rapide de la rentabilité de la banque avec un bénéfice net qui est passé d'un peu plus de 6 milliards de dinars en 2007, et 11 milliards en 2008 à plus de 21 milliards (environ 200 millions d'euros) en 2009. On attend donc avec intérêt les résultats pour l'année 2010. Des banques privées plus transparentes Les banques privées se montrent beaucoup moins réticentes que leurs consœurs du secteur public pour mettre à la disposition du grand public les informations sur leurs performances financières. Dans son rapport annuel pour 2010, publié dans le courant de l'été dernier, le PDG de BNP Paribas El-Djazaïr, Laurent Dupuch, annonce le franchissement du cap des 100 000 clients actifs, 58 agences opérationnelles et 13 en attente d'agrément. La progression de l'activité de la filiale algérienne du groupe français se poursuit à un rythme soutenu illustré par une collecte de l'épargne qui augmente de plus de 38% en 2010 et des engagements en progression également de plus de 22%. La rentabilité est au rendez-vous avec un bénéfice net de 4 milliards de dinars (40 millions d'euros) en hausse de 16%. Société Générale Algérie, dont le site revendique la place de première banque privée avec plus de 275 000 clients annonce un bénéfice de 3,4 milliards de dinars en 2010, en forte progression par rapport aux 2,5 milliards de dinars enregistrés en 2009. Le PDG Gerald Lacaze annonce un effectif de collaborateurs supérieur à 1300 et “dont le nombre augmentera avec l'ouverture des agences en attente d'agrément”. Les banques privées à capitaux arabes ne sont pas en reste. La plus en vue d'entre elles est aujourd'hui Algeria Gulf Bank (AGB), qui rapporte l'ouverture de 6 nouvelles agences début 2011, ce qui porte le réseau à une trentaine d'agences opérationnelles. Au titre de 2010, les états financiers, mis en ligne récemment, affichent un bénéfice net de 2,03 milliards de dinars en hausse de près de 40%. Quand la Banque d'Algérie freine la bancarisation La bonne santé financière affichée par les banques de la place contraste avec les performances globales d'un secteur bancaire algérien qui continue d'être affecté par de nombreux handicaps. Au premier rang d'entre eux, figure le contrôle rigoureux exercé par la Banque d'Algérie en matière de développement du nombre de banques et d'extension des réseaux. On estime que l'Algérie, compte actuellement environ une agence bancaire pour 25 000 habitants contre une pour 12 000 au Maroc et une pour 9 000 en Tunisie.. Dans ce domaine, le principal frein au développement de l'activité des banques est désormais constitué par les lenteurs de la procédure d'autorisation d'ouverture de nouvelles agences par la Banque d'Algérie. Une situation dont se plaignent les opérateurs. Certaines banques, privées notamment, se retrouvent au milieu de l'année 2011, avec plus d'une dizaine d'agences entièrement équipées et le personnel recruté dans l'attente du feu vert de la Banque centrale. Ce contrôle plus strict de la Banque d'Algérie sur l'extension des réseaux a été renforcé dans la période la plus récente par la volonté des autorités financières algériennes, de freiner le développement jugé trop rapide du secteur privé. L'augmentation sensible du seuil du capital minimum à laquelle s'est ajoutée la confirmation par la LFC 2010, de l'obligation de s'associer à un partenaire algérien majoritaire semble par ailleurs, avoir refroidi l'ardeur des banques étrangères, candidates à une installation, et beaucoup d'observateurs du secteur s'attendent à une stabilisation, voire un gel du nombre de banques exerçant sur le marché algérien au cours des prochaines années. La forme la plus controversée du contrôle exercé par la Banque d'Algérie sur le développement du secteur reste cependant l'exclusion qui ne dit pas son nom de tout projet de banque algérienne privée. En attendant une évolution (peu probable) de la doctrine des autorités financières algériennes dans ce domaine, le paysage bancaire algérien continue de présenter la singularité par rapport à tous les pays de la région de n'être constitué que de banques publiques et de banques privées d'origine étrangère. Un “excès structurel de liquidités” Dans les différents rapports de conjoncture publiés au cours des dernières années la Banque d'Algérie, relève que “le système bancaire algérien est en excès structurel de liquidités depuis 2002, pendant que les banques restent le principal pourvoyeur de financement de l'économie dans un contexte de marché financier peu développé”. Cette surliquidité est alimentée d'une part, par l'importance des dépôts du secteur des hydrocarbures auprès des banques, ainsi que de l'augmentation de la collecte de l'épargne des particuliers et des entreprises stimulée par les injections de revenus des plans de relance publics. Pour beaucoup d'observateurs, la persistance de cette situation tout au long de la décennie écoulée, est la traduction d'une véritable crise de l'investissement productif. En 2011, comme au cours des années précédentes, et bien que dans son rapport sur la conjoncture au premier semestre 2011, livré cette année de façon relativement précoce, la Banque d'Algérie relève que “Les crédits distribués par les banques opérant en Algérie aux entreprises et ménages, ont significativement augmenté au premier semestre 2011( +12%)”, L'excès de l'offre de fonds prêtables sur le marché monétaire va encore rester important. La Banque d'Algérie, va continuer à absorber l'excès de liquidités par le biais de reprises de liquidités (1100 milliards de dinars au premier semestre 2011) et les banques vont continuer à placer à la Banque centrale, le complément de liquidités dépassant le niveau des réserves obligatoires réglementaires. Cette situation est commentée de façon désabusée par un banquier privé : “le faible nombre de projets bancables, auquel s'est ajouté la suspension du crédit à la consommation, entraînent un excès de liquidités au sein des banques. Elles n'ont ces dernières années, pas d'autre alternative que de recourir aux instruments de reprise de liquidités de la Banque d'Algérie, qui sont rémunérés à des taux inférieurs à 2% alors qu'elles ne demanderaient pas mieux que de prêter à des opérateurs économiques à des taux qui sur le marché sont proche de 7%”. Les entreprises privées pénalisées Dans une intervention à la radio nationale, le délégué général de l'ABEF, Abderrahmane Benkhalfa, qualifiait voici quelques jours les banques algériennes de “banques d'entreprises”. Le représentant des banques aurait pu mentionner également une préférence persistante des banques publiques en faveur du financement des entreprises d'Etat. Le dernier rapport de la Banque d'Algérie, relève que pour le premier semestre 2011, “ la hausse appréciable des crédits aux entreprises privées (10%), s'est accompagnée d'une hausse plus importante des crédits au secteur public (13 %), y compris un niveau élevé de rachat de créances non performantes par le Trésor public”. La Banque d'Algérie constate en outre, le développement des crédits aux PME, reste en deçà de l'objectif recherché à travers les différentes mesures prises par les pouvoirs publics pour faciliter leur accès aux crédits (création des organismes de garanties aux fonds propres conséquents, bonification des taux d'intérêt, etc). En guise d'explication de ces difficultés d'accès aux crédits pour les entreprises privées, la Banque centrale relève que : “le niveau élevé des risques de crédit sur certains groupes privés et les créances non performantes corrélatives, contribuent dans une certaine mesure, à l'aversion des banques en la matière, pendant que leur faiblesse sur le plan de la gestion des risques de crédit persiste”. H. H.