La vallée d'Aïn Zaouïa dans la région de Draâ El-Mizan, au sud de Tizi Ouzou, est connue pour sa vocation agricole notamment en matière de culture de pomme de terre mais aussi de pastèque. Si cette localité a acquis cette renommée agricole, c'est grâce à l'implantation de son barrage hydraulique. “Nos terres sont prolifiques parce que nous avons la chance de posséder ce barrage", nous lance ce maraîcher qui semble être inquiet quand il a appris que l'huile industrielle avait été déversée par un transformateur électrique renversé dans l'oued après le dérapage d'un camion de grand tonnage du groupe Sonelgaz au lieu-dit Tineqarth n'Laïnçeur situé entre Draâ El-Mizan et Frikat sur le CW4, ce qui a malheureusement “pollué" cette importante étendue d'eau. Arrivés sur les lieux de l'accident, nous nous sommes rapprochés des équipes mises en place pour remonter ce transformateur géant. Deux énormes grues peinaient depuis jeudi dernier à le tirer de terre pour le replacer sur le porte-char qui devait l'acheminer vers Larba Béni-Moussa afin d'assurer son décuvage. “Ce n'est pas un simple transformateur mais une station mobile qui appartient à Sonelgaz", nous a confié un responsable sur place. Et de nous donner ses caractéristiques : “Cette station a été déplacée, paraît-il, depuis deux ans de Douéra vers Thala Oullili dans la région de Boghni pour renforcer une centrale hydroélectrique. Le temps était venu pour la remettre à son lieu initial, mais comme vous voyez, la difficulté d'un grand virage a changé la donne puisque le porte-char qui la transportait a basculé sur le côté pour projeter cette station d'une puissance de 20 millions de MVA. Quant à sa contenance, elle est de 10 m3", nous a appris un responsable rencontré sur les lieux. Et de nous donner cette précision de taille : “Son huile est appelée Nynas. C'est une huile qui n'est pas du tout toxique." Selon d'autres personnes chargées de ce matériel, une infime quantité de cette huile a été charriée sur 1 km environ par l'oued en crue pour arriver au barrage situé en aval où quelques canards ont été retrouvés morts sur les berges. Une opération de dépollution exceptionnelle Et si notre interlocuteur nous a informé que cette huile n'était pas toxique, par contre, les riverains ne l'entendent pas de cette oreille. “Nous nous sommes inquiétés quand nous avons trouvé des canards morts sur les berges du barrage", nous a dit le premier citoyen accosté à quelques mètres du barrage. La mort de ces volatiles a été à l'origine de l'alerte donnée par les autorités locales à tous les services concernés. Et dans cet ordre d'idées, pas moins de neuf directeurs de l'exécutif de wilaya étaient dépêchés sur les lieux pour installer un véritable comité de crise. En plus des maires des trois communes concernées d'Aïn Zaouïa, de Frikat et de Draâ El-Mizan qui sont irriguées par ce barrage, les directeurs de l'environnement, de l'hydraulique, de la Protection civile, mais aussi ceux de l'Agence nationale des barrages, de Sonelgaz et de la Direction de l'énergie et des mines ont été appelés à la rescousse pour parer au plus pressé. Après tous les constats établis, des décisions ont été prises illico-presto pour éviter la pollution de ce barrage d'irrigation. D'abord, il fallait creuser des fouilles afin de recevoir l'huile aspirée. Mais le gros était confié à une équipe de sapeurs-pompiers afin de placer un barrage flottant conçu sous forme de gros filet muni d'éponges pour effectuer un travail titanesque à même d'isoler la grosse tache d'huile. Depuis presque deux semaines, des équipes de Sonatrach, de Sonelgaz et de la Protection civile se relaient et conjuguent leurs efforts pour dépolluer le barrage et redonner à cette eau sa limpidité habituelle. “Comme l'huile est en surface, le filet est le meilleur moyen de l'isoler dans un seul endroit avant de la tirer vers l'extérieur. Pour le moment, tout se passe le plus normalement du monde", nous a confié un membre de l'équipe qui a requis l'anonymat. De loin, on peut encore apercevoir ces hommes-grenouilles sur leurs zodiacs qui fouinent dans l'eau à la recherche d'espèces aquatiques qui n'auraient subi aucune perte jusque-là comme pour confirmer en fait que cette huile n'était pas nocive. En tout cas, ces équipes sont réquisitionnées le temps qu'il faut pour mener cette opération jusqu'à la “récolte" de la dernière goutte d'huile. De plus, il a été prévu de sillonner tout ce cours d'eau touché par cette huile pour assurer le nettoyage total des eaux d'irrigation... D'ailleurs, le mérite revient aux agents de la Protection civile qui ont mis tous leurs moyens humains et matériels pour sauver la mise alors que d'autres équipes relevant du secteur de l'environnement participent activement à ce plan de sauvetage. Les autorités locales rassurent “Je tiens à rassurer les riverains que la situation n'est pas du tout alarmante, mais tout de même, il faut prendre quelques précautions. Tout est mis en place afin d'éviter toute forme de pollution aux graves conséquences", nous a déclaré le maire d'Aïn Zaouïa. D'ailleurs, ce dernier suit avec attention toute particulière cette opération. “Dès le début de cette catastrophe, nous nous sommes rapprochés des habitants notamment ceux des hameaux environnants et nous leur avons expliqué qu'il ne fallait pas s'alarmer et qu'il n'y avait aucun risque de pollution", a poursuivi notre interlocuteur. Cependant, ce dernier trouve que Sonelgaz n'a pas mis les moyens nécessaires pour faire face à sa situation. “Ce n'est pas avec un tracteur et un Case ou avec les engins des collectivités qu'on pourra faire face à cette situation. Je lance un appel à ceux qui sont à l'origine de cette catastrophe d'assumer leurs responsabilités sinon nous saisirons qui de droit à ce sujet", a enchaîné Merzouk Haddadi le P/APC d'Aïn Zaouïa. Par ailleurs, il faut dire que les riverains ont remarqué des fissures sur un petit pont situé en contrebas du barrage certainement causées par le passage incessant des engins dans cet endroit. Néanmoins, les mesures nécessaires sont toujours en vigueur. Les interdictions de précaution dictées dès le début de la catastrophe pour ne pas s'approcher des abords du barrage, ne pas utiliser cette eau d'irrigation, ne pas pêcher et surtout ne pas laisser le cheptel s'abreuver jusqu'au résultat final de l'opération. Interrogé par la station locale de Radio Tizi Ouzou, le directeur de l'environnement de la wilaya a expliqué que la situation n'était guère alarmante tout en précisant qu'une équipe d'experts appartenant à un laboratoire spécialisé est arrivé d'Alger pour effectuer des analyses approfondies à ce sujet. Les riverains inquiets par cette pollution Ceci dit, il faut bien admettre que la crainte des agriculteurs s'accentue depuis quelques jours même si la période d'irrigation des terres agricoles de la région est encore loin. Bien que des communiqués des APC de la région ont été affichés ici et là dans le but de rassurer les habitants, la crainte persiste toujours chez les agriculteurs et les éleveurs. “On nous dit de ne pas s'alarmer, mais ce n'est pas rassurant à cent pour cent. Il n'y a pas de risque zéro. Qui pourrait convaincre totalement par exemple les citoyens qui avaient l'habitude de consommer nos produits agricoles, que l'eau n'était pas polluée ?" s'est interrogé ce maraîcher spécialisé dans la filière de la pastèque. Et d'enchaîner : “Ce n'est peut-être pas le moment de prédire sur l'avenir de cette culture car il n'est pas encore temps, mais tout de même, il y a de quoi être pessimiste." Effectivement, cet agriculteur n'a pas tort de raisonner de la sorte car il n'est pas aussi facile de faire comprendre aux consommateurs que l'eau n'était pas “contaminée". Ce sujet préoccupe au plus haut point ceux qui avaient l'habitude d'investir dans les cultures maraîchères. S'il est dit ici et là que l'huile ne présentait aucune dangerosité pour l'environnement, les appréhensions des uns et des autres ne sont que justifiées. En attendant que cette opération prenne fin, les autorités locales doivent impérativement se pencher sur des journées de sensibilisation et d'explication quitte à recourir à des interventions d'experts en la matière pour rassurer une bonne fois pour toutes les agriculteurs et les éleveurs mais aussi le grand public qui a le droit de tout savoir. O. G