Plus d'un mois après l'éclatement des émeutes dans le Grand-Sud et les villes des Hauts-Plateaux limitrophes au Sahara, la situation semble se corser et le sujet de l'emploi divise les jeunes et les moins jeunes. À Laghouat, le chômage, ajouté à la crise du logement, pèse énormément sur le moral de la cité. Des rumeurs circulent sur la venue du Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Un déplacement annoncé pour la fin du mois. En attendant, le gouvernement propose des solutions. Les chômeurs semblent avoir aussi leur mot à dire. “Je travaille depuis bientôt deux ans en qualité de chauffeur de taxi. Ici, chez moi à Laghouat, ma ville natale, les gens me ridiculisent et se payent, au quotidien, ma tête pour avoir choisi ce métier parce que je suis diplômé en droit. Mais, je dois aussi subvenir aux besoins de ma famille. Il m'arrive de discuter de ce sujet avec mes amis et mon entourage. Mais je vous le dis tout de suite, c'est un sujet qui divise tout le monde, y compris les familles. Le chômage est, fort malheureusement, devenu un sujet qui fâche à Laghouat." Ahmed nous livre un témoignage poignant sur la situation qui prévaut à Laghouat et sur l'état d'esprit qui prévaut après les récentes marches qui ont émaillé plusieurs régions du Grand-Sud algérien. Notre interlocuteur n'incrimine personne, certes, mais retient son souffle, tout en défendant la cause de ces milliers de jeunes en mal de vivre. “Ici, certains acceptent tout. Mais pas d'autres. Surtout pas ceux qui veulent s'investir dans certains créneaux de l'Ansej. Je dirai pire, certains jeunes que je fréquente depuis des années sont contre tout et sont des antitout, mais ils ne proposent aucune alternative. On ne doit pas se voiler la face. Plutôt, on devra aller vers des solutions qui arrangent la majorité pour sauver les diplômés et même les non-diplômés", dira-t-il encore. À Laghouat, les avis sont différents. Chacun extrapole de son côté et jette son dévolu sur son prochain, non sans dénoncer et condamner ceux qui ont toujours fermé les portes du dialogue et manipulé ce sujet. Au centre-ville de Laghouat, un autre citoyen, encore plus jeune qu'Ahmed, employé, voit les choses autrement. À ses yeux, le chômage est un fléau difficile à éradiquer, mais il se greffe autour d'un autre épineux problème, et pas des moindres : le logement. “Le chômage est une bombe à retardement, certes, mais à quoi sert de bosser toute ta vie si tu n'as pas un toit pour protéger ta famille ? Mon salaire suffit à peine à subvenir aux besoins urgents. Ce qui me fait mal au cœur, ce sont ces jeunes à qui on a octroyé des crédits cocotte-minute et rodent avec des pick-up sans servir la société, encore moins leur famille. Ces gens-là donnent un mauvais exemple à d'autres qui veulent, eux aussi, avoir leur part du gain facile. Il n'y a aucune logique dans tout cela. Pour moi, c'est une diversion, sans plus. La preuve, personne ne met au sommet des débats le problème du logement à Laghouat ! C'est grave à mes yeux", tempête-t-il. Dans ce climat morose, ennuyeux à bien des égards et marqué par le statu quo au lendemain des émeutes qui ont secoué Laghouat, les choses tendent à se corser du côté des chômeurs que nous avons rencontrés au centre-ville. Ils attendent de meilleurs jours, entre ce qui se dit et ce qui se fait. Sellal attendu fin avril à Laghouat : info ou intox ? Les jeunes des quartiers de Laghouat en parlent tellement que personne ne tient le fil de la vérité. Mais, il n'y a pas de fumée sans feu. Selon nos interlocuteurs, Abdelmalek Sellal est en passe d'effectuer une visite de travail dans la wilaya de Laghouat et envisagerait même de rencontrer les jeunes chômeurs à travers les comités qui les représentent. “Que Sellal vienne ou pas, je ne vois vraiment pas qu'est-ce qu'il pourrait changer ici à Laghouat. À moins que s'il vienne avec une usine clés en main ou des mesures et des propositions concrètes. Du reste, ça bouillonne de partout dans les wilayas du Sud", nous dira un commerçant. Son complice enchaîne : “Les comités des chômeurs ont pris les choses en main et nous avons confiance en eux. Nous sommes pacifiques dans notre démarche. Le gouvernement devra se rendre à l'évidence et se dire que la question du chômage doit être traitée en amont. Je vous le dis, nous n'avons plus confiance en nos hommes politiques et nos élus." Et si la venue de Sellal n'est pas encore confirmée, il n'en demeure pas moins que plusieurs questions restent posées. En effet, et si déplacement il y a, que dira Sellal à ces jeunes du Sud ? Quelles solutions efficaces apportera-t-il pour juguler le chômage de ces milliers de diplômés ? Les comités intersectoriels installés au lendemain des émeutes de Laghouat, Ouargla, Ghardaïa et autres Tamanrasset ont-ils avancé dans leur démarche pour absorber la tension ? Du coup, on a l'impression que la situation devient de plus en plus kafkaïenne et que la solution du chômage souffre d'un mode d'emploi que personne ne semble trouver pour le moment. F. B. Nom Adresse email