Quelle malheureuse vieillesse que celle d'un Ben Bella, tant la passion de la mystification ronge encore son âme ! Il vient de consacrer au Congrès de La Soummam ou, plus précisément, à Abane, un temps de sa retraite dont le luxe et le confort lui sont “gracieusement” offerts par Saddam et Kedhafi. Mais l'argent suffit-il pour compenser les désastres d'une carrière politique — en déclin — bardée de faux lampions des folles ambitions, de suffisance et d'envie ? Ben Bella n'en finit pas de placer son opinion personnelle au-dessus de la Révolution du 1er Novembre 54, date à laquelle il se pavanait dans les palaces du côté des Pyramides avec son ami Fathi Dib, le patron des services secrets égyptiens. Sa haine des combattants de l'intérieur, spécialement ceux de la Wilaya III — pour ne pas dire les Kabyles —, lui a obscurci la voie alors que le chant de l'indépendance n'avait pas encore retenti. En attaquant les organisateurs du Congrès de La Soummam, Ben Bella feint d'ignorer que le valeureux Ben M'hidi en est l'un des artisans. Il cite Ouamrane, un autre Kabyle, qu'il accuse de “délit de participation” au congrès “litigieux”. Il parle du colonel Amirouche dont le seul souci à l'époque était d'assurer le bon déroulement du congrès, en veillant à la sécurité des participants. Amirouche avait décidé de l'endroit car dans la région qu'il commandait, les confins d'Ouzellaguène étaient tout indiqués pour abriter, dans de bonnes conditions, un acte historique de cette portée. Il assuma cette mission avec la rigueur qu'elle exigeait à telle enseigne qu'il dut renvoyer Ali Kafi dont la présence n'était pas programmée. Mort au champ d'honneur, la dépouille du colonel Amirouche fut séquestrée de 1964 à 1982, soit durant 18 ans dans les locaux de l'état-major de la Gendarmerie nationale. Ce corps qui fera 118 morts lors du Printemps noir de Kabylie. Ben Bella tient beaucoup plus à son arabisme qu'à sa patrie, si toutefois il en a une. Il faisait patte de velours devant le raïs Gamal Abdel Nasser au moment où Abane refusait toute tutelle étrangère à la Révolution algérienne, qu'elle fût américaine, soviétique ou égyptienne. Il dut d'ailleurs transférer le bureau de l'exécutif du FLN du Caire vers Tunis. Chose qui n'était pas du goût de Ben Bella et de ses amis, les services égyptiens, lesquels ont, d'ailleurs, fomenté une tentative d'assassinat de Abane Ramdane. Le premier président prescrit à l'Algérie accuse Abane d'avoir détaché la Révolution des principes arabo-islamiques, lui qui exhibait, durant son règne, son beau costume au col Mao. Lui qui avait pris comme conseillers des trotskystes Pablo et Mascino, payés probablement avec l'argent soutiré au peuple lors de la campagne dite “tadhamoun”. Cette époque était propice à ses délires. Du côté extérieur, il faisait le dos rond à la défunte Union des républiques socialistes soviétiques tout en s'apprêtant à signer l'adhésion de l'Algérie à la coalition syro-égyptienne. À l'intérieur, il fusille le colonel Chaâbani et procède à l'arrestation et à l'internement au Sud du père de la Révolution, Mohamed Boudiaf. Il avait institué la torture et étendu la coercition. On sait que derrière l'intensité de ses attaques, en ce moment précis, contre Abane, il y a la mesure et l'importance grandissante prise par le mouvement citoyen de Kabylie qui puise sa force, justement, du Congrès de La Soummam. Le régionalisme vulgaire de Ben Bella nourrit la duperie de ses émotions. Le comportement responsable et rationnel lui a toujours fait défaut. L'attitude coupable de l'ONM, qui s'efforce d'éviter d'instaurer un débat essentiel sur la Révolution dont les bases sont faussées depuis l'indépendance, l'encourage à se ranger du côté de ceux qui sèment le germe d'un état d'esprit qui alimente les rangs des fascismes, des extrémismes et du sectarisme stérile. “Les deux compères”, Ben Bella et Aït Ahmed — l'expression est de Matoub Lounès —, s'acharnent sur la lucidité de Abane qui a su mettre à profit les possibilités du moment historique pour doter la Révolution d'une plate-forme dont l'ambition n'a d'égale que la pertinence. Il ne leur a pas suffi de rejeter son héroïsme. Pour le premier : c'était un traître, pour le second : un excité. Pour la mémoire, les deux ont fait la guerre contre le MNA de Messali quand il s'était rallié à l'armée coloniale. Pourquoi n'ont-ils pas crié au scandale quand le même Messali a été réhabilité par Bouteflika ? Est-ce parce qu'il n'est pas kabyle ? Pourquoi Ben Bella se garde-t-il d'égratigner la sensibilité du même Bouteflika dont la décision de l'écarter en 1965 avait précipité sa chute ? Ben Bella et Aït Ahmed ont fini, dans la sénilité, par se ménager pour eux-mêmes la possibilité d'un compromis avec le même clan qui les a exclus durant 24 ans parce que le nouvel ordre social qui s'annonce les menace. Ils sont du moins conscients que leurs intérêts qui s'enchevêtrent sont loin d'être propices à la stabilité politique du pays, et c'est pour cela qu'ils se placent, intentionnellement, en dehors de la réalité et de la société. Il serait fastidieux d'énumérer ici tous les maux qu'ils ont occasionnés aux populations. Leur conscience est commune, elle est lourde de méfaits désagréables au souvenir. La mémoire des martyrs est pourtant protégée par la loi. Le silence du ministère des Moudjahidine, s'il n'est pas coupable, est on ne peut plus frappant. Quant aux organisations des fils de chahids, nous aurions tort de condamner leur silence devant les insultes répétées des revanchards Kafi, Ben Bella et Aït Ahmed, car il y a longtemps que ces dites organisations se sont reconverties en clientèles prédatrices. N. A. H. (*) Membre du conseil national du RCD