La chaleur n'aura été qu'un détail. Un infime petit détail vite évacué, grâce à une soirée d'ouverture sobre et sans chichi, marquée par les prestations de Lotfi Attar et de l'ensemble féminin Kerketou, mené par la diva Hasna El-Bécharia. Les diwanes sortent du rituel pour rejoindre la scène artistique (du sacré au profane) du stade En-Nasr, qui n'est certes pas un lieu de rencontres musicales, mais qui demeure l'endroit où se tient le Festival national de la musique diwane de Béchar, qui en est à sa septième édition. Les diwanes ont ressorti leurs beaux habits multicolores et entraînent, depuis vendredi soir, le public de Béchar dans l'univers d'une musique spirituelle, de danses extatiques, de chants profonds et de rythmes chaloupés. Les effluves du jawi (benjoin) exaltent les sens et parfument l'espace, le tbel (ganga, tambour) bouleverse l'âme, le goumbri (basse percussion) la rassure, et les karkabous (crotales) lui offre l'occasion d'exulter. Mais, entendons nous (!), les diwanes que le Festival promeut et accompagne ne sont pas uniquement les enfants du diwane, ayant baigné et grandi dans cette tradition, ce sont également des jeunes musiciens passionnés par le genre diwane. Si certains affirment volontiers que le diwane est une mode, forcément éphémère, il apparaît évident que les jeunes formations créées çà et là continuent de s'accrocher et de persévérer, malgré les difficultés, notamment celles liées au manque de scène. Après le coup d'envoi officiel donné par le secrétaire général de la wilaya de Béchar et représentant du wali, le festival, placé cette année sous le thème "De l'espace sacré à la scène artistique", la première partie de la soirée a été assurée par Kerketou & Hasna El-Bécharia, une formation créée en mars 2013 et constituée uniquement de femmes que la "rockeuse du désert" accompagne au goumbri. "Fatéma Abbi, membre de cette formation, m'a dit pourquoi ne pas créer un groupe de diwane féminin. Rabéa Boughazi, présidente de l'association de préservation du patrimoine musical, m'a proposé de former ce groupe-là", nous a expliqué Hasna El-Bécharia. Et de souligner : "Des femmes qui chantent le diwane est quelque chose d'inédit." Pour sa part, Fatéma Abbi, soliste dans la formation et membre de cette association, a fait savoir que l'association qui tend à protéger et préserver le patrimoine possède deux autres groupes constitués de femmes : Ferda et Zeffanate (style fête). La formation féminine a revisité, sur scène, deux morceaux du répertoire diwane, notamment "Salou Nabila" et "Jilala". Une Américaine dans le diwane ! La compétition a démarré lors de cette première soirée, avec l'excellente prestation, très musicale, de Wlad Bambra d'Alger. La formation, créée à la fin de l'année 2010, met la barre très haut du concours de la septième édition. Accompagné sur scène par la musicienne et ethnomusicologue américaine Tamara Turner (présente en Algérie pour un travail de recherche, dans le cadre d'une thèse de doctorat, sur les diwanes algériens, plus précisément les Haoussa), le groupe a repris dans la partie "El-Ada" (tbel, karkabou), le morceau "Megzou". Les membres de Wlad Bambra reprendront ensuite avec le goumbri et les karkabous, "Salou Nabina" (bordj algérien), "Bou Saâdiya" (bordj stambali tunisien) et "Challaba" (bordj bambara des Gnawa marocains). La dernière partie de la soirée a été animée par Lotfi Attar, qui a revisité les beaux morceaux du répertoire de Raïna Raï, notamment "Ya Zghaïda", "Zina", "Raïna Hak", ou encore "Jelloul" (un titre de son propre répertoire). Auparavant, en fin d'après-midi, une parade a été organisée dans les rues de la ville, avec quelques-unes des troupes participantes, et le carnaval Berkaychou. Berkaychou est associé à la fête pour les habitants de Kenadsa. Les habitants de chaque quartier, de chaque artère de la ville confectionnaient des animaux (zèbres, chevaux, etc.) et se rencontraient dans un même endroit pour faire la fête sur les rythmes des Aïssaoua qui les accompagnent. Par ailleurs, le festival, qui prendra fin le 13 juin avec l'annonce des noms des trois lauréats lors d'une soirée clôturée par une prestation de Gaada diwane Béchar, s'organisera autour de conférences les matinées, qui se tiendront à la maison de la culture de Béchar, et de soirées artistiques : la première partie sera assurée par les troupes en compétition (trois par soirée), et la deuxième par des artistes invités, notamment Mejbar (qui se produira ce soir), Imarhane, Es-Sed et Ouled Haoussa. Soulignons, enfin, que le Festival atteint l'âge de raison, avec son édition VII, d'autant que les organisateurs se posent dorénavant des questions de fond sur les objectifs et les orientations. S. K. Nom Adresse email