Même si les sentiers battus sont toujours empruntés au niveau du choix des bradj et que l'originalité fait bien souvent défaut, il est intéressant de constater que les troupes prennent en considération, dorénavant, les autres aspects du spectacle, à travers un réel effort lors des prestations de danses koyo. Les choses changent et évoluent, peut-être pas aussi rapidement qu'on le souhaiterait, et pourtant elles changent bien. Les diwanes aujourd'hui, du moins ceux qui sont présents à Béchar pour la 7e édition du Festival national de la musique diwane, nous l'ont parfaitement prouvé, lors de leurs prestations. Ils commencent non seulement à comprendre qu'une séparation entre le rituel et la scène est nécessaire, mais en plus ils commencent à cultiver un certain sens du spectacle, en tenant en compte les autres éléments qui en font toute la force, comme la danse et le rapport à l'espace. Un public veut voir un show, et les trois groupes qui se sont succédé sur la scène du stade En-Nasr l'ont fait ! Les Ouled Sidi Blal de Relizane ont inauguré la soirée avec une prestation plutôt moyenne. Les jeunes artistes, menés M'hamed Belamria, ont revisité les bradj (morceaux) "sayo" (dans la partie "El-Aada"), "Baniya zerg sama" et "Sidi Hamou". M. Belamria nous a expliqué qu'Ouled Sidi Blal de Relizane, qui participe pour la troisième fois à ce festival, est une association créée en 1999, qui est davantage active dans le cadre du rituel que sur les scènes artistiques (2e Festival culturel panafricain, Festival arabo-africain de Tizi Ouzou, etc.). M'hamed Belamria nous a également signalé que l'association accueille tous les jeunes souhaitant faire du diwane ou apprendre à jouer d'instruments spécifiques à cette musique. Ouled Sidi Blal ont cédé la scène à Tourat Gnawa d'Oran, mené par Maalem El-Houari. Cette troupe, qui a entre autres interprété "Jangar Mama", a été créée en 1997, et se compose actuellement de dix personnes. "On a formé beaucoup de jeunes : il y en a qui ont arrêté, d'autres qui ont choisi de former des groupes, et d'autres aussi qui sont décédés", nous indiquera Maalem El-Houari, dont le maître a été cheikh El-Mejdoub de Mostaganem. Et d'ajouter : "Dans le groupe, nous sommes tous des enfants du diwane, il n'y a qu'un seul d'entre nous qui ne l'est pas, mais en qui j'ai trouvé des qualités qui sont pour moi des critères afin de faire partie de notre formation. Le plus important est la discipline et le respect de ses aînés. En fait, son maître devient comme son père." Conscient de la différence qui existe entre le rituel sacré et la scène profane, Maalem El-Houari a soutenu que le diwane traditionnel est "quelque chose que nous avons hérité de nos maîtres. Le diwane c'est un goumbri, une ganga et des karkabous, si on introduit d'autres instruments, il faudrait alors lui donner une autre appellation. En fait, il faut respecter les genres artistiques". La troisième formation en compétition était diwane Aami Brahim de Béchar, qui a entre autres repris les bradj "Bania", "Nabina" et "Baba Hamou". L'entrée sur scène de cette formation, créée en 1993, était quelque peu spectaculaire, avec un très bel encensoir et sept bannières représentants les sept couleurs du rituel diwane. A l'issue de la prestation, Aami Brahim, un des derniers Mqedem de Béchar, disciple de Maalem Mejdoub de Mostaganem, a évoqué l'importance de la transmission de l'héritage diwane et de la préservation de ce patrimoine. Du haut de ses 79 ans, Aami Brahim nous a fait part de l'organisation d'une "ouaâda" au mois d'août prochain, qui réunira les diwanes à Béchar, pour une nuit de transe et de partage. Enfin, les invités d'honneur de cette deuxième soirée, Ouled El-Hadja Maghnia, qui ont un réel sens de la scène et un répertoire festif, ont mis le feu au stade En-Nasr. S. K. Nom Adresse email