Réda Hamiani estime qu'"une évaluation de la politique de subventionnement, de sa pertinence et de son efficacité semble incontournable". Les transferts sociaux, financés par le budget général de l'Etat entre 1999 et 2012, sont faramineux. Avec les subventions implicites, non budgétisées, ils le sont encore davantage. C'est ce qu'a estimé le professeur Farid Yaïci de l'université de Béjaïa, hier à Alger, lors d'un atelier-débat consacré à l'évaluation des politiques de subventionnement mises en œuvre par l'Algérie organisé par le Forum des chefs d'entreprise. M. Yaïci a dressé un état des lieux préoccupant des transferts sociaux financés par le budget de l'Etat. Ces transferts ont atteint 11 300 milliards de dinars (156 milliards de dollars), durant la période 1999-2012. Ils ont été multipliés par 7,5 entre 1999 et 2012, passant de 254 milliards de dinars en 1999 à 1 863 milliards de dinars en 2012. "Ce sont des montants considérables qui méritent que l'on s'y attarde et qu'on engage une réflexion sur leur pertinence économique et sociale, leur soutenabilité et leur meilleure utilisation", affirme le professeur Yaïci. De plus, a-t-il ajouté, ce montant n'inclut pas les subventions implicites ou indirectes, non budgétisées, qui représenteraient environ 17% du PIB uniquement en 2010, en se référant à une dépêche APS datant du 13 mars 2013. Même si ce pourcentage est sujet à polémique. Certains intervenants ont évoqué la fiabilité des chiffres en l'absence de présentation de lois sur le règlement budgétaire. Selon Farid Yaïci, entre 1999 et 2005, la progression des transferts sociaux financés par le budget de l'Etat est relativement plus lente, passant de 254 milliards de DA en 1999 à 460 milliards de DA en 2005, soit une progression de 10,63%. Mais, entre 2006 et 2012, il y a eu une accélération du subventionnement, passant de 625 milliards de DA en 2006 à 1 863 milliards de DA en 2012, soit une progression de 24,92%. Parmi ces transferts sociaux, les aides aux ménages sont passées de 54 milliards de DA en 1999 à 96 milliards de DA en 2005, puis à 424 milliards de DA en 2012, augmentant ainsi, d'abord, de 78% et, ensuite, de 342%. Les subventions des prix du lait et des céréales ont été multipliées par 20 entre 2006 et 2012, passant de 11 milliards de dinars en début de période à 216 milliards de dinars en fin de période. En 2011, la subvention des prix du lait et des céréales a atteint son plus haut niveau, avec 279 milliards de dinars, soit près de 4 milliards de dollars. "L'accélération des montants des transferts sociaux financés par le budget général de l'Etat, à partir de 2006, s'explique par l'abondance des recettes des hydrocarbures, conséquence de la hausse des prix du pétrole brut sur le marché pétrolier international (sauf en 2009), dans un contexte de baisse de leur production physique, avec une moyenne annuelle de 3,3%, durant la même période", a affirmé le professeur Yaïci. Ces dépenses, permises par l'ampleur des revenus des hydrocarbures, conséquence des prix élevés du pétrole brut, subventionnent, selon M. Yaïci, principalement les produits importés et pourraient ne plus être soutenables du fait de la régression de la production des hydrocarbures et d'un retournement possible du marché pétrolier international. Dès lors, une autre politique de subventionnement étatique, au service du développement économique et social du pays, est nécessaire. "Si l'utilité sociale d'un subventionnement étatique, en vue de rééquilibrer les coûts et les avantages sociaux, n'est plus à démontrer, en contexte de perturbation des marchés internationaux et dont les effets se répercutent négativement sur les prix intérieurs des produits importés, sa pertinence économique, son coût financier, son mode de financement et sa soutenabilité pourraient poser problème, à terme, à notre économie", estime le professeur Yaïci. Pour le président du Forum des chefs d'entreprise, "il ne s'agit en aucune façon de remettre en cause la politique sociale actuelle de l'Etat, mais seulement de commencer à réfléchir collectivement aux voies et moyens de la rendre plus rationnelle et plus efficace pour qu'à terme elle ne soit pas un fardeau que nul ne pourra assumer". "Disons-le sans ambages : il ne s'agit nullement pour le FCE de revendiquer ici et maintenant la suppression des subventions ou de transférer les soutiens de l'Etat des consommateurs vers les producteurs", a tenu à préciser Réda Hamiani. Car, tous les pays du monde pratiquent les subventions, comme l'a démontré Mahrez Hadjseyd, consultant. Cependant, en Algérie, "ces subventions ne sont pas réfléchies". Mahrez Hadjseyd, qui a tenté de faire le point sur l'ensemble des subventions existantes dans notre pays et qui a évoqué les subventions pratiquées par d'autres pays, a relevé l'existence de 14 fonds dédiés aux différentes subventions, soit globalement environ 1 142 milliards de dinars. Mahrez Hadjseyd a dressé un tableau des subventions implicites non budgétisées qui, rien que pour le secteur de l'énergie, sont estimée à 10,59 milliards de dollars, soit 5,6% du PIB, selon le Pnud. "Ces évolutions nous interpellent tous", a souligné le président du FCE, estimant qu'"une évaluation de la politique de subventionnement, de sa pertinence et de son efficacité, semble incontournable". M R Nom Adresse email