L'Assemblée nationale constituante (ANC) a été transformée en ring, où des violences physiques et des duels politiques ont éclaté contre les journalistes et entre les députés. Des échauffourées ont au lieu juste après le début de la plénière à l'intérieur comme aux abords de l'Assemblée constituante, vu l'importance de cette loi ayant fait pendant des mois l'objet d'une large polémique entre les différentes fractions du paysage politique tunisien. Des altercations ont eu lieu entre des députés représentant le pouvoir et d'autres de l'opposition sur l'utilité, le contenu et les intérêts partisans derrière cette loi. A quelques mètres de l'entrée principale de l'Assemblée, une manifestation a été organisée par la Ligue de protection de la révolution (association pro-islamiste post-révolution). Un texte de loi a été proposé par le parti du président de la République, le CPR, et soutenu avec émulation et force arguments par les constituants d'Ennahdha. Le troisième parti politique de l'alliance gouvernementale, Ettakatol, jouait à l'équilibriste, en essayant de concilier, à travers les interventions de ses élus, entre les pro et les opposants au projet de loi. Placée sous le signe "L'immunisation de la révolution... un droit", la manifestation ambitionne de presser les députés à examiner et voter favorablement cette loi qui, selon les organisateurs de la manifestation, demeure la "principale garantie" de la préservation de "la révolution" et un rempart contre le retour des symboles de l'ancien régime. En d'autres termes, cette même loi d'immunisation de "la révolution" a été férocement refusée par la majorité des députés de l'opposition dont le Parti républicain, le parti Appel de Tunisie et la Voie démocratique et sociale, sous prétexte qu'il s'agit plutôt d'une loi exclusive ayant pour unique objectif de régler des comptes avec des adversaires politiques avant de les écarter lors des prochaines élections. Béji Caïd Essebsi, ancien Premier ministre et actuel président du parti Nidaa Tounes (Appel de Tunisie), perçu comme principal concurrent des islamistes, considère que cette loi, une fois passée, exclura pas moins de 60 000 Tunisiens de la vie politique, mais le plus grave, selon lui, sera l'engagement du pays dans une spirale de doutes, d'instabilité, de division sur fond idéologique, sans parler de la détérioration de l'image de marque de la Tunisie post-révolution. Enfin, les interventions des députés ont pu finalement démarrer. Et, sans surprise, la ligne de fracture était claire et profonde entre les deux bords. Ceux qui défendent la loi dite d'immunisation et la présentent comme une revendication pressante du peuple tunisien, et ceux qui la contestent avec virulence, parce que faisant office d'une punition collective. Les accusations se sont cordialement échangées entre ceux désignés comme porte-drapeau "des caciques de l'ancien régime, les bourreaux du peuple", et les porte-voix "des nouveaux gouvernants qui ont perpétué les pratiques d'antan". Certains élus avaient rappelé, cependant, le processus de justice transitionnelle qui aurait dû être mis en place bien avant cette loi revancharde, discriminatoire, concoctée par une majorité relative. Pendant que les autres font valoir leur responsabilité vis-à-vis du peuple de prémunir une révolution encore fragile. La séance fut levée à 19h10, laissant derrière elle un goût amer. I. O. Nom Adresse email