L'approvisionnement du marché algérien en produits de large consommation connaît, depuis quelque temps, voire quelques années, des perturbations se traduisant par des pénuries récurrentes et des hausses de prix inconsidérées. Ce phénomène prend des proportions particulièrement alarmantes lors de chaque Ramadhan. De fait, le panier de la ménagère pèse lourdement sur le budget des ménages. Cette année ne fait pas exception, loin s'en faut. Ainsi, à quelques jours de ce mois sacré, nous avons constaté, au niveau de plusieurs marché de la capitale que nous avons visités, une envolée des prix que la raison est impuissante à décoder. Viandes rouges : mouton 1 500 DA/kg, bœuf 1 400 DA/kg ; viande blanche 280 DA/kg ; fruits et légumes : poivron doux 140 DA, piment 170 DA, tomate 75 DA, oignons secs 60 DA, haricots verts 130 DA, pomme de terre 40 DA, raisin 300 DA. Cette situation, que beaucoup d'observateurs ainsi que des associations de défense des consommateurs, de même que l'UGCAA craignaient, s'est vérifiée dès la veille du jeûne. Au demeurant, le supplément économique de "Liberté" non seulement s'est fait l'écho de ces craintes mais, également, à travers les investigations qu'il a menées et les contributions de ses experts a anticipé une telle courbe haussière des prix des biens de large consommation. Quant aux citoyens, ils assistent impuissants et incrédules à une partition musicale qui se joue en dehors d'eux, pis, contre eux. Cette poussée inflationniste pose de fait la question du pouvoir d'achat des catégories les plus vulnérables, et donc celle de l'évaluation du "panier de la ménagère". En vérité, Il y a comme une jonction insidieuse, entre les forces de la spéculation qui agissent dans l'import-import et certains producteurs locaux tentés par le gain facile, pour saper toute action de régulation du marché par la puissance publique. Certains observateurs avertis attribuent ces dysfonctionnements aux dernières mesures de sauvegarde de l'économie nationale, prises dans le cadre des lois de finance complémentaires au titre des années 2009-2010. Il s'agirait, selon ces mêmes observateurs, de la mise en place du crédit documentaire et des restrictions opérées dans le volume des importations. Ces deux mesures auraient donc généré des ruptures dans l'approvisionnement régulier du marché, aggravé par l'insuffisance de la production nationale. S'il y a une part de vérité objective dans ces explications, il ne serait pas infondé, non plus, d'entrevoir une hypothèse différente, et de nature politique celle-là. Les forces de la spéculation et du gain illicite, tapies dans l'ombre ou bénéficiant de complicités, y compris dans certaines institutions étatiques, peuvent effectivement être tentées de saborder les décisions de l'exécutif qui n'arrangent pas leurs intérêts, en orchestrant et en organisant des pénuries volontaires. Cette hypothèse paraît vraisemblable du fait de la persistance chronique des effets pervers de l'inadéquation entre l'offre et la demande au niveau du marché (renchérissement des prix des fruits et légumes, des viandes, pénurie de lait, de médicaments, détérioration de la qualité des services publics...). En dépit de la volonté affichée des pouvoirs publics de combattre ce phénomène et des mesures effectivement prises à cet effet, les objectifs fixés n'ont pas été atteints. Une telle situation nous renvoie nécessairement au rôle et aux missions de régulation de l'Etat dans ses actions de prévention des dérives éventuelles que peuvent générer les mécanismes de fonctionnement autonome du marché. Ce sont des pratiques économiques usitées par de nombreux pays à économie de marché. S'agissant de l'Algérie, les pouvoirs publics ont mis en place, en juillet 2008, un système de régulation des produits de large consommation et de lutte contre la spéculation dénommé Syrpalac. Ce système a également pour objectif la réhabilitation des anciennes infrastructures de stockage des ex-offices de l'agriculture (Ofla, Opsa) et de mettre en place un large réseau national couvrant toutes les filières (lait, céréales, viandes...). En dépit de ce système, aucun résultat palpable, jusqu'à présent du moins, n'a été constaté. Il faut dire que dans la situation délétère d'aujourd'hui, rien ne semble bouger dans ce sens. In fine, nous sommes dans une phase de transition vers une économie de marché où la liberté d'entreprendre et de commercer doit, à l'instar des pays libéraux, être régulée, encadrée et "moralisée" pour faire triompher les forces de la production sur celles de la spéculation. Les spécialistes basent l'évaluation du panier des ménages sur le cout de la nourriture, des besoins vestimentaires, des soins, des services... Pour une famille moyenne de cinq personnes, ce panier serait de 35 000 dinars/mois. Par ailleurs, les pouvoirs publics, à travers notamment la voix du ministre des Finances, convergent avec les experts, d'autant que les statistiques officielles de l'ONS affirment qu'au premier trimestre 2012, le taux d'inflation était de 6,4%, dû essentiellement à une forte poussée des prix des biens alimentaires (26, 30%). A. H. Nom Adresse email