L'approvisionnement du marché algérien en produits de large consommation connaît depuis quelque temps, voire quelques années des perturbations se traduisant par des pénuries récurrentes et surtout par des hausses inconsidérées de prix. Une telle situation ne semble pas préoccuper particulièrement les partis politiques qui préfèrent se focaliser sur l'assaut du Parlement. Les formations politiques en lice pour les prochaines joutes électorales auraient pu investir le créneau de la hausse vertigineuse des prix des produits de consommation pour mobiliser l'électorat autour de la nécessité de lutter contre les pratiques spéculatives. Et pourtant, tout le monde sait que ces pratiques mettent en danger la stabilité et la cohésion sociales. Dans le même temps, la “passivité” des pouvoirs publics ou leur “impuissance”, dans une phase aussi cruciale de l'histoire de notre pays, à faire face à ces effets économiques et commerciaux pervers, favorisent un pourrissement dangereux et une désaffection des citoyens, qui pourraient exprimer leur mécontentement en boycottant les urnes. C'est peut-être l'objectif recherché et inavoué de certains lobbys, connectés à des réseaux, voire des “clans politiques”, qui caressent l'espoir de faire avorter toute volonté de changement. La réforme du système rentier dont ils tirent d'immenses dividendes, au détriment de la collectivité nationale, ne les arrange pas. En revanche, pour certains experts, la poussée inflationniste à laquelle nous assistons, en plus de la spéculation, est due aussi à l'aggravation des déficits budgétaires générée par la forte dépense publique. Selon ces mêmes experts, la récente dépréciation du dinar qui a réduit considérablement le pouvoir d'achat de la monnaie locale a eu pour corollaire une augmentation généralisée des prix des biens de consommation et autres produits semi-finis et d'équipement. Ainsi, selon l'ONS (Office national des statistiques), le rythme de l'inflation annuelle en Algérie a atteint 5,3% au mois de février 2012, contre 4,9% en janvier de la même année. Par ailleurs, toujours selon l'ONS, l'indice des prix à la consommation a connu une forte hausse de 9,3% en février 2012, par rapport au même mois de l'année 2011, en raison de l'augmentation généralisée des prix des produits agricoles qui ont enregistré une hausse de 19,27%. Les tensions qui caractérisent actuellement la filière pomme de terre (+ 46, 73% d'augmentation) et plus généralement les produits agricoles frais sont la parfaite illustration de l'anarchie qui règne au niveau du marché et de l'incapacité des pouvoirs publics à apporter des réponses convaincantes. Il est vrai aussi que certains spéculateurs, tentés par le gain facile, sapent toute action de régulation initiée par la puissance publique. Par ailleurs, selon certains observateurs, les restrictions opérées dans le volume des importations auraient aggravé les ruptures dans l'approvisionnement régulier de celui-ci. S'il y a une part de vérité objective dans ces explications, il ne serait pas infondé, non plus, d'entrevoir une hypothèse différente, de nature politique celle-là. Les forces de la spéculation et du gain illicite, tapies dans l'ombre ou bénéficiant de complicités, peuvent effectivement être tentées de saborder les récentes décisions de l'exécutif qui contrecarrent leurs intérêts en orchestrant et en organisant des pénuries volontaires. Leur objectif est de discréditer ces décisions aux yeux des citoyens et d'agiter le spectre des pénuries des années 1970. Cette hypothèse paraît vraisemblable du fait de la persistance chronique des effets pervers de l'inadéquation entre l'offre et la demande des biens de consommation (renchérissement des prix des fruits et légumes, des viandes, pénurie de lait, de certains médicaments…), en dépit de la volonté affichée par l'Etat de combattre ce phénomène et des mesures effectivement prises à cet effet. Une telle situation renvoie nécessairement au rôle et aux missions de régulation des institutions et organismes publics, dans la prévention des dérives que peuvent générer les mécanismes de fonctionnement autonome du marché. Selon le dictionnaire Wikipedia, encyclopédie fondée par Jimmy Wales, la régulation de l'économie est définie comme “son organisation forcée par les autorités publiques pour garantir son fonctionnement optimal… et permet de corriger les instabilités du marché”. Ce sont des pratiques économiques usitées par de nombreux pays à économie de marché. S'agissant de l'Algérie, les pouvoirs publics ont mis en place, en juillet 2008, un système de régulation des produits de large consommation et de lutte contre la spéculation dénommé Syrpal. Ce système a également pour objectif la réhabilitation des anciennes infrastructures de stockage des ex-offices de l'agriculture (OFLA / OPSA) et de mettre en place un large réseau national couvrant toutes les filières (lait, céréales, viandes, fruits et légumes…). En vérité, nous sommes dans une phase de transition vers une économie de marché où la liberté d'entreprendre et de commercer doit, à l'instar des pays libéraux, être régulée, encadrée et “moralisée” pour faire triompher les forces de la production sur celles de la spéculation. Souhaitons que la majorité qui émergera des prochaines élections législatives se préoccupera de ces grandes questions politiques et sociales. A. H.