Deux heures après sa descente d'avion, les premières images sont diffusées. Elles montrent un président grandement affaibli, assis sur un fauteuil roulant au salon d'honneur de l'aéroport de Boufarik, entouré d'un "comité d'accueil" restreint. Il est enfin de retour ! Après 80 jours d'absence, soit un séjour de près d'un mois à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce puis une convalescence à l'Institution militaire des Invalides, à Paris, le président Bouteflika a regagné hier le pays, après avoir alimenté toutes sortes de rumeurs au sujet de sa santé, et même de sa vie. La nouvelle aura fait le tour des rédactions, dès la matinée d'hier, mais ce sont, comme toujours, les médias français qui en donneront le "scoop", affirmant même que le Président algérien avait décollé vers 13 heures et demie de l'aéroport militaire du Bourget, dans un fauteuil roulant, pendant que les médias publics algériens attendaient qu'un communiqué officiel leur parvienne pour le répercuter. Pendant ce temps-là, l'Unique diffuse les images de Sellal à Tizi Ouzou, rappelant ses couvertures des déplacements présidentiels, comme si de rien n'était. Pourtant, le Premier ministre est contraint d'écourter sa visite de travail, deux fois reportée, à la wilaya de Tizi Ouzou, afin de regagner Boufarik pour accueillir le Président. C'est dire que même Sellal n'était pas dans la confidence ! Hasard des choses : Sellal avait dû écourter sa visite de travail à Béjaïa, le 27 avril dernier, lorsque le président Bouteflika avait été évacué vers l'hôpital Aïn Naâdja, avant son transfert "pour de simples contrôles de routine" au Val-de-Grâce. Le retour discret du président Bouteflika, via l'aéroport militaire de Boufarik, est-il un signe que le Président est toujours en convalescence et qu'il ne faudrait pas s'attendre à ce qu'il reprenne ses activités normales dans les tout prochains jours ? Tout porte à le croire. En tout cas, on est loin de son retour très médiatisé suite à sa première hospitalisation au Val-de-Grâce en novembre 2005. Pour rappel, durant cette première hospitalisation, qui n'avait pas duré plus d'une vingtaine de jours, suivie d'un court séjour dans un hôtel parisien, le président Bouteflika est apparu à la télé souriant, en compagnie de son médecin. Son retour avait été largement médiatisé, et l'image de Bouteflika descendant de l'avion et surtout embrassant l'emblème national, sous les applaudissements d'un imposant comité d'accueil, sont toujours dans les mémoires. Cette fois-ci, cela n'est pas le cas. C'est dans un avion médicalisé que le président rentre au pays, par l'aéroport militaire de Boufarik, en toute discrétion, et un comité d'accueil très restreint. C'est que le chef de l'Etat n'est pas tout à fait rétabli de son AVC. Et tout indique que sa convalescence se poursuivra en Algérie. Alors que son avion atterrit à 14 heures 30 à Boufarik, l'Unique préfère continuer à diffuser des dessins animés, alors que la radio passe du soufisme à l'art culinaire. C'est cela le cahier des charges du secteur public ! Une chaîne de télévision privée balancera des images anciennes, sans le préciser, en multipliant des flashs spéciaux sur le retour du Président. Mais le retour discret et le black-out sur l'état de santé du Président revenant ne sauraient cacher ce malaise que le gouvernement éprouve toujours à gérer la communication dans pareille situation. Ce n'est qu'une heure après sa descente d'avion qu'un communiqué de la Présidence est diffusé, confirmant le retour du président Bouteflika "après avoir achevé la période de soins et de réadaptation fonctionnelle", mais aussi et surtout que le Président "poursuivra une période de repos et de rééducation" en Algérie. Le communiqué de la présidence de la République vient clore un chapitre du feuilleton de la maladie du Président, entrouvrant un autre : cette période de rééducation pourrait durer aussi longtemps, avec un seul changement : le Président sera en Algérie. Deux heures après sa descente d'avion, les premières images sont diffusées. Celles-là sont vraies et du jour. Elles montrent un Président grandement affaibli, assis sur un fauteuil roulant au salon d'honneur de l'aéroport de Boufarik, entouré des présidents respectifs des deux Chambres du Parlement, du président du Conseil constitutionnel, du Premier ministre et du chef d'état-major. Bouche bée, le regard absent, le Président est encore manifestement marqué par les séquelles de son AVC. Il y a lieu de rappeler que l'hospitalisation du Président algérien dans un hôpital militaire français avait donné lieu à moult rumeurs, sur son état de santé. Des médias étrangers sont allés jusqu'à annoncer sa mort. Les deux premiers jours de son hospitalisation et son transfert en France avaient été caractérisés par une communication à outrance confiée à son médecin à Alger. Ensuite, ce fut le black-out total, lequel avait mis le gouvernement dans l'embarras. Il aura fallu plus de 40 jours pour convaincre l'entourage du Président de la nécessité de le montrer à la télévision. Des images muettes qui ont confirmé que le Président avait bel et bien été victime, non pas d'un accident ischémique transitoire comme annoncé le jour de son hospitalisation, mais d'un AVC, et qu'il en gardait les séquelles. Ces images muettes, mais ô combien parlantes, étaient surtout destinées à couper court au débat qui commençait à s'installer au sujet des capacités du président Bouteflika à poursuivre son mandat. Des voix commençaient à réclamer l'application de l'article 88 de la Constitution qui organise la succession en cas de vacance de la présidence de la République. Les images muettes se voulaient, donc, une preuve que le Président continuait à gérer le pays, à donner ses instructions à ses ministres, et, mieux, depuis la diffusion de ces images, le président Bouteflika signait de son lit d'hôpital des décrets. Cependant, le Conseil des ministres, qui ne s'est pas tenu depuis plus de neuf mois, commence à poser problème, d'autant plus que la loi de finances complémentaire devrait passer par le Conseil des ministres avant d'être présentée au Parlement, ou imposée par décret, entre deux sessions parlementaires. Cela, sans compter la loi de finances 2014 dont les délais de dépôt approchent. Plusieurs projets de loi attendent toujours le feu vert du Conseil des ministres, comme celui de l'audiovisuel. Des décisions importantes, notamment le mouvement annoncé dans le corps diplomatique, attendent le chef de l'Etat. Le Président revenant aura manqué cette année la finale de la Coupe d'Algérie de football, comme il a manqué la traditionnelle sortie de promotions à l'Académie interarmes de Cherchell, ou encore la décoration des officiers supérieurs à l'occasion du 5 Juillet. Il aura aussi manqué ses traditionnelles séances ramadhanesques d'audition des ministres. Au vu de l'état dans lequel il est revenu hier, d'autres ratages ne sont pas à exclure. A B Nom Adresse email