Peut-être même plus que les autres grandes enceintes du pays, le stade Ahmed-Zabana fait figure de passoire géante face aux vagues de supporters du Mouloudia d'Oran dont une importante majorité a ses tuyaux pour suivre les rencontres officielles en bonne place sans pour autant en payer le prix. C'est un secret de polichinelle, voire une sacrée lapalissade apprise par cœur par tous les habitués du temple d'El-Hamri. Pour assister aux rencontres du MCO, avoir une connaissance est une bien meilleure et plus sûre garantie que d'acheter un ticket d'entrée. Et quitte à connaître quelqu'un, autant qu'il soit policier et en service ce jour-là ! Une évidence que personne ne peut contester ou nier tant le phénomène s'est banalisé pour devenir une véritable norme avec laquelle se sont accommodés les supporters du MCO. De ces pratiques observables à l'œil nu à chaque rencontre du Mouloudia au stade Zabana résultent, outre la frustration de ceux qui «n'ont pas de connaissance» et qui sont obligés d'acheter le fameux sésame, un énorme manque à gagner aussi bien pour la direction de l'Opow que pour le club domicilié, le MCO. Pour un des habitués des bureaux de l'Office du parc omnisports de la wilaya d'Oran (Opow), "de grandes anomalies sont enregistrées à chaque grand rendez-vous au stade Ahmed-Zabana", qui, pour l'anecdote, a été construit en 1958 et baptisé en honneur de l'initiateur du projet, le Français Henri Fouques-Duparc (maire d'Oran entre 1948 et 1962). "La revente de billets, le marché noir, le retour des tickets, les innombrables et incomptables entrées gratuites qui se comptent même par dizaine de milliers font que tous les chiffres qui peuvent être avancés ne reflètent aucunement la réalité, encore moins le nombre exact des supporters ayant pris place dans les tribunes et gradins du stade Ahmed-Zabana. Les recettes sont nulles comparativement aux importants flux des supporters du Mouloudia d'Oran", analysera, d'une bien lucide manière, un cadre de la direction de la jeunesse et des sports (DJS) d'Oran sous le couvert de l'anonymat. "Exception faite de la rencontre d'avril dernier en demi-finale de Coupe d'Algérie entre le MCO et l'USMA lorsqu'elle s'est jouée à guichets fermés et qui a drainé une recette record de 263 millions de centimes, les trois rencontres de ce début de saison ont enregistré, à la lecture du nombre de billets vendus, une faible affluence", précisera encore ce haut responsable. Des policiers au cœur d'un trafic de billets ? Face à l'ASO Chlef, au Mouloudia d'Alger ou au Chabab de Constantine, jamais l'intégralité des billets mis en vente n'a été écoulée. Pis, puisque plus de la moitié des 26 000 places a été rendue à la direction de l'Opow. Or, tous ceux qui ont assisté à ces rencontres peuvent témoigner que les trois quart de l'enceinte étaient occupés. "C'est un problème de mentalité. Il ne faudrait pas incriminer la direction de l'Opow, encore moins celle du stade Ahmed-Zabana dans la mesure où la véritable mainmise sur les portes d'entrée au stade est celle du service d'ordre", nuancera, toutefois, ce haut responsable dont nous tairons le nom pour des raisons évidentes. "J'ai vu de mes propres yeux des policiers, chargés de contrôler l'entrée à la tribune et des fouilles des supporters, ne pas déchirer les billets après le contrôle, mais les garder, les amasser puis les remettre à un des ces revendeurs du marché noir pour les écouler de nouveau à l'extérieur de l'enceinte. C'est pour cela que le billet donnant accès la tribune vendu au guichet 200 DA est souvent cédé quelques minutes avant le coup d'envoi à 150 DA ou carrément à moitié prix. Ce sont ces policiers qui faussent la donne. Au lieu de faire leur travail convenablement, ils sont appâtés par le gain facile", témoignera, de son côté, toujours sous le couvert de l'anonymat, un «habitué des lieux». Des affirmations qui vont dans le sens d'une vérité connue de tous les initiés, à savoir que "les policiers en tenue facilitent l'entrée au stade à leurs connaissances". Combien de fois n'a-t-on pas vu, en effet, de simples brigadiers ou des officiers accompagner une bande de copains jusqu'aux portes d'entrée pour les faire accéder à l'enceinte sans billet et sans contrôle au vu et au su des double files interminables de supporters qui attendent leur tour ? À la tribune officielle, le phénomène est encore plus édifiant puisqu'au moment où des proches du club patientent, invitation à la main, il se trouvera toujours un policier qui forcera le chemin pour favoriser une ou plusieurs de ses connaissances sans ticket à la main. C'est là le début des autres dérives et l'une des raisons les plus représentatives de l'impossibilité de tenir une comptabilité qui refléterait la réalité de ce qui se passe au stade Zabana, devenu, par la force d'une impunie mauvaise habitude, une véritable passoire géante. R. B. Nom Adresse email