Dans le projet du gouvernement, les institutions et entreprises publiques ont le droit de créer des sociétés de l'audiovisuel, tandis que le privé est soumis à une autorisation pour lancer uniquement des chaînes thématiques. Il revient aux pouvoirs publics d'y agréer l'insertion et l'horaire de programmes d'information. Les fréquences radioélectriques sont attribuées en priorité au secteur public. Les dispositions du projet de loi relatif à l'activité audiovisuelle, transmis par le gouvernement à l'APN il y a à peine quelques jours, sont assez restrictives pour l'investissement privé dans ce segment. Dans l'exposé des motifs, le ministère de la Communication donne le ton en dévoilant, sans détour, les visées de la démarche des autorités nationales : "L'objet de ce projet de texte est précisément d'en affirmer le principe (élargissement de la liberté de la presse à celle de la communication audiovisuelle, ndlr), tout en mettant en place des mécanismes qui permettent d'en garantir l'effectivité, mais, en même temps, d'en contrôler rigoureusement l'exercice." Comme pour justifier le bien-fondé de la tutelle, qu'il escompte exercer sur les chaînes de télévision privées, essentiellement par l'entremise de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel, il précise que "la communication audiovisuelle, quel que soit le support terrestre ou satellitaire qui en assure la diffusion, influe de façon décisive sur l'opinion et les comportements, voire sur la décision politique. En raison de cet enjeu sociopolitique considérable, elle n'a jamais laissé indifférents les pouvoirs publics, dont la mission de gardien des intérêts moraux de la nation légitime leur intervention en la matière". Le préambule, qui profile dans ses lignes les garde-fous posés par l'Etat pour maintenir son hégémonie sur le champ audiovisuel malgré son ouverture à l'investissement privé, s'illustre dans les 107 articles que comporte le projet de loi, déclinés à travers sept chapitres. D'une disposition à une autre, la ségrégation entre le public et le privé apparaît dans sa nudité. L'article 3 du projet de loi stipule, en effet, que l'activité audiovisuelle est exercée par des organismes assurant le service public ou par des personnes morales créées par des institutions et des entreprises publiques. L'opérateur privé est, quant à lui, soumis à un agrément pour "exploiter un service de communication audiovisuelle". L'investisseur du secteur public jouit du choix de lancer des chaînes de télévision généralistes ou thématiques, tandis que le privé ne peut prétendre qu'à des chaînes thématiques. L'insertion et l'horaire de diffusion de programmes d'information sont soumis à autorisation. Il est précisé dans l'introduction du projet de loi que les fréquences hertziennes et de câbles sont gérées par l'Etat. "Comme c'est une ressource naturelle très rare, leur attribution par l'Agence nationale des fréquences aux différents secteurs utilisateurs nationaux ne permet pas, objectivement, de satisfaire toutes les demandes, en ce qui concerne le secteur de l'audiovisuel." À ce titre, les entreprises publiques bénéficient, par le truchement de l'article 12, "de l'attribution prioritaire du droit d'usage de la ressource radioélectrique nécessaire à l'accomplissement des missions de service public spécifiées par les cahiers des charges". L'article 18 expose les conditions d'éligibilité à la création d'une chaîne de télévision "thématique", par des opérateurs privés. Ces derniers doivent justifier du statut de personne morale de droit algérien ; de la nationalité algérienne pour tous les actionnaires ; de l'exclusivité nationale du capital social, de l'origine des fonds investis ; de la présence de journalistes professionnels parmi les actionnaires ; d'une conduite nationaliste durant la guerre de Libération nationale pour les associés nés avant juillet 1942. Un même actionnaire ne peut détenir "plus de 30% du capital social ou des droits de vote d'une même personne morale titulaire d'une autorisation d'exploitation d'un service de communication audiovisuelle" (article 45). De même, une même personne ne peut investir dans plus d'un support. Dans l'article 25, il est dit que "l'autorisation de création de tout service de communication audiovisuelle est subordonnée au versement d'une contrepartie financière", qui sera fixée par voie règlementaire. L'autorisation délivrée par l'Autorité de régulation est valable dix ans, renouvelable, pour les chaînes de télévision, et cinq ans, renouvelable, pour les stations de radio. Elle est retirée, systématiquement, à son attributaire, s'il ne concrétise pas son projet dans un délai d'un an pour la télévision et six mois pour la radio (article 31). L'Etat fait valoir son droit de préemption sur un éventuel transfert des droits liés à l'agrément (article 33). Dans le cahier des charges, l'opérateur privé est soumis à une série de règles relevant de la morale et de l'éthique, mais aussi économiques. Il est tenu, en outre, de respecter scrupuleusement le quota de programmes déterminé comme suit : 60% d'émissions et productions nationales, 20% de programmes étrangers importés doublés en langues nationales (arabe et tamazight) et 20% de programmes en langues étrangères (documentaires et œuvres de fiction) en version originales sous-titrés. Il ne doit pas, en vertu des dispositions du projet de texte sur l'activité audiovisuelle, "servir l'intérêt et la cause de groupes politiques" ; "instrumentaliser la religion à des fins partisanes" ; "faire l'apologie de la violence" ; "porter atteinte à la vie privée des personnalités publiques"... Les contrevenants aux dispositions du projet du gouvernement s'exposent, après mise en demeure émise par l'Autorité de régulation de l'audiovisuel, à des amendes allant de 2 à 5% du chiffre d'affaires hors taxes. L'article 95 précise les quatre cas induisant le retrait de l'agrément, soit la détention, par une unique personne, de parts de l'actionnariat supérieures à 30% ; de la condamnation définitive de la personne morale exploitant un service de communication audiovisuelle à "une peine afflictive et infamante" ; situation de faillite ou liquidation judiciaire ; et enfin cession de l'entreprise avant sa mise en exploitation. S H Nom Adresse email