Malgré l'optimisme affiché par son directeur, la Bourse d'Alger ne connaît toujours pas l'essor qui aurait dû être le sien au regard des énormes potentialités économiques du pays. Comment rendre visible la Bourse d'Alger dont nombre de nos concitoyens ne connaissent même pas l'existence ? Pour le directeur de la Société de la gestion de la Bourse des valeurs mobilières (SGBV), dite Bourse d'Alger, Yazid Benmouhoub, invité hier du Forum de Liberté, cette situation n'est pas irrémédiable. Et pour cause ! Un plan de communication offensif vient d'être mis en place. On apprendra, ainsi, que plusieurs séminaires sont organisés actuellement au niveau des différentes Chambres de commerce du pays pour vulgariser le financement via la Bourse : "Nous voulons nous rapprocher des opérateurs, les rencontrer, leur expliquer, leur laisser le temps de mijoter l'idée..." Et ce n'est pas tout ! Le directeur de la Bourse d'Alger veut sortir, en effet, son institution de l'anonymat grâce à diverses opérations de com : "On compte énormément sur les médias pour vulgariser l'activité boursière : radio, TV, presse écrite... Nous prévoyons même d'organiser des sessions de formations en direction des journalistes, des avocats et même du grand public. Des formations dédiées aux spécialistes et notamment aux étudiants en master qui n'ont qu'un module de ‘finance du marché' dans leur cursus." Pour lui, il s'agit de marquer une présence sur le terrain à travers les foires, les salons, les émissions télé, radio, séminaires, etc. "Nous voulons inculquer la culture boursière grand public", assure-t-il. Les TIC ne seront pas en reste puisque depuis une dizaine de jours, un nouveau site Web de la Bourse d'Alger a été mis en ligne. De même qu'avec l'avènement de la 3G, une application dédiée à la Bourse est en projet. Pour M. Benmouhoub, installé, il y a à peine huit mois, l'objectif est de communiquer avec l'ensemble des parties. "Ce n'est pas seulement notre rôle, mais celui de toutes les structures du marché", rappelle-t-il, par ailleurs. Face à cette méconnaissance de l'activité boursière en Algérie, l'orateur a commencé d'abord par brosser un tableau de l'environnement institutionnel de la Bourse d'Alger avec la description de ses différents intervenants. Dans sa présentation, le "gendarme de la Bourse" ou encore l'autorité du marché, à savoir la Commission d'organisation et de surveillance des opérations de Bourse (Cosob), prend toute sa place. Ses pouvoirs, comme l'on peut s'en douter, sont très étendus notamment lorsqu'il s'agit de réglementer le marché, de veiller à son bon fonctionnement, de sanctionner et d'arbitrer éventuellement. Benmouhoub évoquera, ensuite, le rôle des intermédiaires en opérations de Bourse (IOB) auxquels est confiée la négociation des valeurs mobilières. Cette activité, étroitement surveillée, est soumise à un agrément de la Cosob et peut être exercée par des personnes physiques ou morales. "On compte, pour l'heure, sur la place financière d'Alger sept IOB représentants cinq banques publiques, Badr, BDL, BEA, BNA, Cnep-Banque et CPA et une banque privée BNP Paribas El Djazaïr..." Le directeur de la SGBV décrira alors le rôle jugé important d'"Algérie Clearing" ou dépositaire central dont le rôle est la conservation des titres et de procéder à la gestion des comptes courants. L'importance de cette structure tient surtout au fait que son existence permet la centralisation et la dématérialisation des titres des sociétés cotées à la Bourse d'Alger. "Pour la lutte contre le blanchiment d'argent, Algérie Clearing est chargée notamment de l'identification des porteurs." Enfin, "le promoteur en Bourse" est, d'après les explications de Benmouhoub, un conseiller accompagnateur spécialisé pour les PME, "que ce soit lors de leur introduction en Bourse ou durant leur vie boursière". À ce titre, "le promoteur en bourse" joue un rôle essentiel dans le contrôle du respect des obligations de transparence auxquelles est soumise la PME cotée. Sur ce point précis, l'orateur a reconnu que la taille même de l'entreprise algérienne ne plaide pas toujours en faveur de son entrée en Bourse. Souvent, la structure du capital de l'entreprise ne permet pas d'engager un volume d'investissements conséquent. Il faut savoir qu'au moins 95% du tissu économique national est constitué de très petites entreprises (TPE) employant moins de neuf travailleurs. Selon lui, cela ne doit plus constituer un obstacle car la Bourse participe par définition à un financement en fonds propres, ce qui devrait vite faire augmenter la taille de ces entreprises. "À travers la Bourse, la Pme dispose d'un financement sans limite", précise-t-il. Par ailleurs, des éléments d'ordre sociologique, comme le fait que la PME algérienne soit essentiellement de type familial (family business), constituent, semble-t-il, un frein à l'élan que compte imprimer Benmouhoub à son institution dont il veut dynamiser l'activité. "Parmi les conditions d'éligibilité à une introduction en Bourse, il y a le statut obligatoire de Société par actions (SPA). La décision d'aller en Bourse revient au propriétaire. Pour cela, il reste à convaincre les membres de la famille qui, souvent, pensent à tort qu'ils vont perdre, à cette occasion, le contrôle de leurs entreprises." Sur ce registre, il regrettera que le programme de mise à niveau, mis en œuvre par l'ANDPME (Agence nationale de développement de la PME) ait occulté cet aspect de l'introduction en Bourse et son corolaire l'amélioration de l'information économique. Du rôle des banques publiques Sur un autre plan, M. Benmouhoub refuse de parler de concurrence entre le financement via la Bourse et le financement bancaire. "Notre rôle est complémentaire." Il reconnaît, toutefois, d'une certaine manière, que les banques publiques, du reste propriétaires de son institution, sont toutes aujourd'hui en sur-liquidités et qu'elles ont octroyé ces dernières années de nombreux crédits, détournant quelque peu les entreprises de la Bourse. Défendant son institution, on apprendra de M. Benmouhoub que la rémunération des obligations des sociétés qui ont levé des fonds sur la Bourse d'Alger dépasse de loin celle offerte par les banques. Concernant les entreprises cotées, "les avantages fiscaux qu'on trouve en Algérie à l'occasion de l'ouverture du capital n'ont pas d'équivalent dans d'autres pays", argue-t-il. M. Benmouhoub place enfin beaucoup d'espoir dans la présence d'entreprises publiques cotées en Bourse, de grandes sociétés étatiques qui, selon lui, vont instaurer la confiance. Dans ce contexte, on apprendra que les pouvoirs publics ont autorisé, à travers le Conseil des participations de l'Etat (CPE), de faire coter sept entreprises publiques, leaders chacune dans son domaine respectif. En effet, l'évaluation en cours du CPA, de Mobilis, de Cosider, du Groupement industriel des ciments d'Algérie (Gica) et d'Hydro-aménagement devrait aboutir prochainement au dépôt d'une demande de visa de la Cosob pour une introduction en Bourse. L'événement est, semble-t-il, très attendu notamment pour son effet d'entraînement. Cette entrée en Bourse constituera, selon lui, "un élément de confiance primordial". La Bourse offre, "de facto", d'après lui, des avantages non négligeables comme la visibilité et la transparence des comptes, établis chaque trimestre. "L'investisseur qui achète des actions, achète de l'avenir. On doit lui présenter, par conséquent, un business plan toujours fiable." L'objectif étant de capter le plus grand nombre de sociétés. Et les études et analyses des experts nationaux ou étrangers vont y contribuer. "Nous sommes en phase d'acquisition d'un système d'information propre à la Bourse et qui permet au bout du compte d'avoir des analyses très fines", révèle-t-il. À une question sur la capitalisation de la Bourse d'Alger, on apprendra qu'elle atteint difficilement les 14 milliards de dinars, une somme dérisoire par rapport à la Bourse de Tunis qui draine, elle, quelque 9 milliards de dollars ou encore celle de Casablanca qui cumule plus de 60 milliards de dollars. C'est dire le décalage avec les pays voisins. Aussi, le directeur de la Bourse d'Alger table, d'ici là, sur l'introduction de sept ou huit entreprises par an. Pour ne pas rester davantage à la traîne, il envisage un intense partenariat international. "Il s'agit de profiter de l'expérience des autres places financières. Nous sommes en pleine discussion avec Euronext pour arrêter la date de signature d'un protocole d'accord que l'on veut concrétiser le plutôt possible." Il précisera que cet accord de partenariat a déjà été précédé par la signature d'un autre accord entre la Cosob et Paris Euro Place dont l'objectif est de promouvoir l'attractivité de la place financière de Paris et de contribuer ainsi à son rayonnement européen et international. M-.C. L. Nom Adresse email