Le procédé lui-même est significatif de cet aspect aberrant de la situation : ne pouvant l'annoncer lui-même, le Président a fait connaître sa décision de prolonger son règne par la voix de son Premier ministre. Des conditions particulières, notamment relatives à l'état de santé du Président, marquent la fin de ce troisième mandat sans que soit, un instant, aux yeux du pouvoir, remise en cause l'option d'un quatrième mandat. Celui-ci ne constitue donc pas "le mandat de trop". Quand un régime profite de son accession au pouvoir pour tripatouiller la Constitution aux seules fins de perpétuer son empire, c'est tout son règne qui devient illégitime. Et quand ce régime veut rempiler malgré un bilan comme le sien, ce sont autant les mandats à venir que les mandats passés qui seront et auront été de trop. Mais ces considérations ne semblent pas le moins du monde peser dans la volonté du régime de se succéder à lui-même. Depuis des mois, toutes les composantes du régime se soumettent elles-mêmes aux plus irrésistibles pressions pour s'imposer une prolongation de règne, et ce, dans une agitation qui en dit long sur la motivation réelle de cette obstination conservatrice. Ni le développement socioéconomique ni le progrès démocratique ne peuvent constituer la finalité d'une politique qui, au plan économique, a mis le pays en état de totale dépendance du marché des hydrocarbures et des importations, qui, au plan politique, a remis en cause toutes les libertés publiques et citoyennes, et qui, au plan moral, a banalisé la pratique de la corruption. Il est éloquent que ce soient les segments affairistes et parasitaires qui appellent, à se rompre les cordes vocales, au maintien d'un pouvoir régnant sur une société étouffée, une rente dissipée et une économie bazardjie. Pas même l'image de ce pays n'est, dans cet entêtement à conserver l'ordre rentier et ruineux, prise en compte : par la décision de prolonger le règne de Bouteflika, on affuble l'Algérie d'un système de présidence à vie et, ce faisant, on termine de la reléguer dans la catégorie résiduelle des autocraties impénitentes. Le processus en cours tient autant de l'ubuesque que de l'avanie. Mais, peut-être, dans ce déraisonnable entêtement, y a-t-il quelque chose d'utile. C'est même un signe : au moment où Sellal faisait l'annonce du quatrième mandat, pour le compte de Bouteflika, des jeunes, rassemblés à Bouzaréah, exprimaient le début d'un refus populaire de ce fait accompli de plus. L'expérience de la terreur l'enseigne : la peur peut ligoter durablement un peuple, mais une fois que celui-ci la dépasse, la répression ne suffit plus à étouffer la revendication. Et pourtant, dès les premiers signes d'opposition à la continuité annoncée, le pouvoir a immédiatement fait ce qu'il sait exclusivement faire : il a réagi par la répression. Le lendemain, hier, il récidivait contre des jeunes du pré-emploi et des syndicalistes autonomes venus revendiquer leur participation à la "tripartite". Une tripartite qui, au demeurant, n'a pas accouché de "la surprise" promise par le secrétaire général de l'UGTA. Si, quand même : on a pu, une nouvelle fois, tenir une tripartite sans que rien en sorte. Il y a visiblement moins d'argent pour arroser les débuts de campagne. En reprogrammant l'échec, le pouvoir vient de prendre un pari déraisonnable. M. H. [email protected] Nom Adresse email