Ça y est, le maréchal Abdelfatah al-Sissi entre dans la course présidentielle. Abdelfatah al-Sissi, le militaire architecte de l'éviction du président islamiste élu Mohamed Morsi, a annoncé officiellement qu'il se présenterait à la présidentielle prévue au printemps. En fait, ce n'est qu'une procédure formelle, étant entendu qu'il est le nouveau pharaon depuis qu'il a destitué le président islamiste le 3 juillet 2013. Pour respecter la Constitution, le chef d'état-major des armées, de vice-Premier ministre et de ministre de la Défense va abandonner son treillis et ses responsabilités militaires, mais surtout pas sa fidélité à l'armée. Il en restera le maître comme le furent avant lui le colonel Nasser, puis le général Sadate et enfin le général Moubarak. Morsi, lui, est civil mais islamiste et convaincu de son pouvoir messianique même s'il l'avait obtenu par voie des urnes. Officiellement candidat à la présidentielle, Al-Sissi personnifie aux yeux des islamistes mais aussi des démocrates le retour à un régime où l'armée concentre tous les pouvoirs. Comme sous Moubarak, Sadate et Nasser. Son accession à la magistrature suprême consacre, selon ces derniers et une partie des opinions mondiales, le retour d'un pouvoir "autoritaire" en Egypte en proie aux attentats terroristes et à une économie vacillante. Lundi passé, le tribunal du Caire a condamné à mort 529 islamistes, partisans de la confrérie des Frères musulmans, et près de 700 autres attendent un verdict identique après leur procès tenu jeudi. La répression en Egypte a atteint des niveaux sans précédent, selon des ONG locales et internationales. La chasse aux islamistes est menée sans pitié dans tout le pays. Le prochain président attend un plébiscite des électeurs désireux de mettre fin à trois années d'instabilité. Après la révolte qui chassa Moubarak et ses fils du pouvoir dans le tumulte du "printemps arabe", seize mois d'intérim assuré par une junte militaire conspuée par la rue et un an de présidence islamiste émaillée de crises et de violences, la grande majorité des quelque 85 millions d'Egyptiens n'aspire plus désormais qu'à une chose : "Trouver l'homme à poigne qui pourra en finir avec le chaos." Et d'applaudir dans cette Egypte exclusivement dirigée depuis 1952 par des militaires, à l'exception de la parenthèse Morsi, le nouvel homme fort issu de l'armée, puissante institution qui possède aussi le tiers de l'économie. Un symbole fort, c'est d'ailleurs en uniforme de maréchal qu'Abdelfatah al-Sissi a annoncé sa candidature, assurant que c'est la dernière fois qu'il porte le treillis. Sans le treillis, Al-Sissi restera un président à poigne, jure son entourage. Ils n'ont d'ailleurs pas à le faire, puisque la stratégie brutale de leur mentor s'est déjà soldée par la mort de plus de 1400 manifestants pro-Morsi, violemment réprimés par soldats et policiers, eux-mêmes cibles d'attaques meurtrières désormais quotidiennes menées par des groupes islamistes radicaux. Les nouvelles autorités intérimaires ont arrêté plus de 15 000 personnes, jugées par centaines dans des procès de plus en plus expéditifs. La répression atteint des sommets, au-delà de ce que l'Egypte a connu sous l'ère Moubarak. Les Egyptiens ne paient-ils pas le prix fort pour le retour à la stabilité ? Quand bien même le pays ne sortirait pas du marasme économique et qu'il ferait face à un terrorisme qui se propage. La manière forte n'a-t-elle pas été expérimentée en Egypte et ailleurs dans le monde arabe, avec les succès que l'on sait ? D. B Nom Adresse email