À moins de quinze jours du scrutin présidentiel, la contestation contre un 4e mandat prend de l'ampleur au point de transformer la campagne électorale du Président-candidat en déroute. Constatons. Les animateurs de la campagne électorale du Président-candidat à sa propre succession, à leur tête Abdelmalek Sellal, se heurtent durement, ces deux dernières semaines, à une amère réalité. Ils pensaient évoluer sur du velours pendant la campagne électorale. Mais ce qui ne devait être qu'une sinécure se transforme en une terrible épreuve sur le terrain. Sept personnalités nationales parmi les soutiens du clan présidentiel, soit un Premier ministre démissionnaire, le président du Conseil de la nation, le SG du FLN et quatre membres du gouvernement (Abdelaziz Belkhadem, Ahmed Ouyahia et le duo Amara Benyounès-Amar Ghoul), sont chargés de suppléer à l'absence du candidat Bouteflika et d'aller au-devant des électeurs pour les convaincre de lui donner leur voix. Les efforts conjugués de plusieurs partis politiques, d'organisations de masse comme l'UGTA, l'Unea... ont eu du mal à drainer les grandes foules pour les meetings de campagne. À Tlemcen, fief du clan présidentiel, Abdelmalek Sellal est intervenu dans une salle omnisports à moitié vide. Il a eu droit à aussi peu d'engouement à Blida. Même là où il a prononcé son discours de circonstance devant une assistance nombreuse, il n'a pas fait mieux que d'autres postulants à la magistrature suprême, se prévalant d'un ancrage populaire et de moyens logistiques moins importants, à l'image de Faouzi Rebaïne ou Abdelaziz Belaïd. Au-delà, le staff de campagne du Président-candidat éprouve non seulement des difficultés à fédérer les citoyens en masse autour du projet qu'il défend, mais est confronté au pire scénario envisagé : une opposition frontale de la population dans de nombreuses villes du pays. À Tébessa et Ouargla, l'ex-Premier ministre a vécu des moments pénibles en raison de l'hostilité marquée de citoyens. À Béjaïa, il a été carrément empêché d'animer son meeting par des manifestations de rue contre le 4e mandat. Edifié sur l'accueil que lui réserve la population de Batna, il a pris les devants et a annulé son déplacement dans cette ville, prévu pour le 9 avril. Ce ne sont pas là les seuls rendez-vous manqués des partisans de la candidature d'Abdelaziz Bouteflika. Amara Benyounès et Amar Ghoul ont été chassés de Sour El-Ghozlane et chahutés à Marseille, Lille et Bruxelles. Ahmed Ouyahia a été sommé de "dégager" d'Oum El-Bouagui, vendredi dernier. Le ministre de la Santé, Abdelmalek Boudiaf, qui devait rencontrer les électeurs de Batna, a dû se réfugier dans un commissariat pour échapper à la vindicte populaire. Amar Saâdani a expérimenté l'effet des meetings avortés dans plusieurs circonscriptions électorales. Au fur à mesure qu'on s'approche de la fin de la campagne électorale, l'échec de celle menée pour le compte du Président sortant, ponctuée par des faux pas et des maladresses, devient évident. Les raisons de la déroute sont multiples. L'absence du candidat de l'animation de sa campagne électorale a créé un fait insolite et inédit de par le monde. Elle a conforté surtout le scepticisme des électeurs quant à ses capacités physiques à gérer les affaires de l'Etat pendant cinq autres années, d'où la faiblesse du public aux rassemblements de sa campagne. Il est opportun, dès lors, de se demander comment justifiera-t-on aujourd'hui l'argument d'une candidature à un 4e mandat inspirée, comme l'ont martelé à maintes reprises ses promoteurs, par une forte demande populaire ? La désignation d'Abdelmalek Sellal comme directeur de campagne, au moment où il a provoqué les foudres des populations des Aurès à cause de sa blague douteuse sur les Chaouis, est une erreur d'appréciation qui impacte négativement sur l'accomplissement du 4e mandat. L'homme a exacerbé la colère de toute la région contre son propre camp, qui élimine ainsi de ses calculs un gisement électoral considérable. Ce n'est pas là l'unique vivier perdu pour le clan présidentiel. Ce dernier ne peut pas compter non plus sur les voix des électeurs de la Kabylie, ni sur ceux de Ghardaïa, de Ouargla... En somme, dans tous les foyers de tension que les pouvoirs publics n'ont pu apaiser. La désaffection avérée des citoyens pour les élections, quelle que soit leur nature, aggrave la donne. Dès lors, il devient quasiment impossible de justifier, au lendemain du 17 avril, la réélection du chef de l'Etat pour une énième mandature, avec un score à la brejnévienne, tel qu'il a été certainement consigné dans les plans. Sans fraude sur le taux de participation et sur les résultats des urnes, il est même improbable que le Président sortant soit crédité de plus de 50% des suffrages exprimés, qui lui épargneraient l'épreuve d'un deuxième tour. S H Nom Adresse email