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Le chant des cigognes 45e partie
Publié dans Liberté le 01 - 06 - 2014

Résumé : Bien que sa conscience soit malmenée, Zéliha est heureuse de revoir Ziya. Ce dernier est très fier d'être le père d'un second garçon. Pour lui permettre de récupérer rapidement, il proposera à Zéliha un voyage en Italie. Elle ne refusera pas, mais lui rappellera, cependant, qu'il devrait penser un peu à Aziza et aux enfants.
Il secoue sa tête :
- Non... Pas cette fois-ci... Aziza s'est rendue en Tunisie avec les enfants il y a deux mois à peine. Je les ai rejoints pour une semaine avant de rentrer en France. Je veux, cette fois-ci, partir avec toi... Rien que nous deux et le bébé...Tu pourras garder la nourrice bien sûr...
Les quelques jours que je passai à Rome avec Ziya et Mohamed Ali furent les plus heureux de ma vie. J'étais comblée par la présence de l'homme que j'aimais par-dessus tout et celle de l'être qui m'a rendu le goût de vivre.
Durant quelques semaines, j'eus le privilège d'avoir Ziya à moi toute seule. Je l'exhortais tous les jours à appeler Aziza et à prendre les nouvelles des enfants.
Il en était heureux, et savait m'en remercier. Jamais il ne rentrait les mains vides. Je croulais sous les cadeaux et les bouquets de fleurs.
De retour à Paris, je ne pouvais que reprendre mes anciennes habitudes. Ziya reprend son bâton de pèlerin, et je me retrouvais de nouveau seule. Heu... pas tout à fait puisque maintenant j'avais Mohamed Ali.
Mon fils grandissait et prenait du poids de jour en jour. Lorsqu'il eut quelques mois, je décidai de partir en Turquie pour une semaine. Je demande à la nourrice de m'accompagner. J'en informe aussi Ziya, qui me conseilla d'être prudente. Personne ne devrait rien savoir à notre sujet, ni au sujet du bébé.
Le chagrin me submergea de nouveau. J'étais l'épouse légitime d'un homme, et la mère de son enfant. Mais je ne pouvais m'exhiber comme telle. J'étais cette clandestine qui devait affronter les interdits.
Je passe quelques jours dans mon appartement à Istanbul. Je rendis visite à mes parents, et à quelques membres de ma famille qui me reprochèrent ma longue absence. Je leur parle alors des affaires, de Paris, des préoccupations quotidiennes, etc.
On me trouvera amaigrie, mais je répondis que j'étais au régime, car la mode était aux jupes serrées et aux corsets dégagés, et que je me devais de surveiller mon poids.
Je m'empresse de faire ma tournée afin de pouvoir repartir rapidement. J'avais décidé de me réfugier à Paris, du moins jusqu'à ce que mon fils soit plus grand, et jusqu'à ce que Ziya décidera de régulariser la situation. Il m'avait déjà promis d'inscrire Mohamed Ali à l'état civil et de lui donner son propre nom. Je compris que j'allais avoir un livret de famille et que le mariage civil n'était plus qu'une simple formalité.
Même ainsi, je savais que je devrais vivre cachée pour le restant de mes jours. Ma mère me rappellera à Istanbul deux mois plus tard. Mon père était gravement malade, et je me devais d'être auprès de lui.
J'informe alors Ziya, qui me conseillera de laisser Mohamed Ali à la garde de la nourrice. Je comprenais fort bien ses motivations là-dessus. Pour ne pas m'inquiéter, il m'assura qu'il allait passer de temps à autre pour prendre de ses nouvelles. C'est dans un état de tristesse incommensurable que je monte dans l'avion qui me déposera quelques heures plus tard à Istanbul. Je me rendis directement chez mes parents. Mon père était affaibli mais ne donnait aucun signe d'agonie. Au contraire, à ma vue, il s'était redressé sur son lit pour me toiser et me lancer des injures :
- Ah ! Te voici ! Zéliha sais-tu que tu nous a déshonorés petite vaurienne ! Tu n'es pas digne de porter le nom de ton père. Tu es une moins que rien qui a bafoué notre dignité et craché sur l'honneur de la famille.
- Mais qu'est-ce que tu racontes, je n'ai rien fait de mal...
- Tu oses encore me narguer ? Tu crois que tu vas apprendre à un vieux singe à faire des grimaces ?
Je relève les yeux pour croiser le regard triste de ma mère qui pleurait doucement à l'autre bout de la chambre. Je me mordis les doigts. Quelqu'un a dû vendre la mèche...
Mon cerveau bouillonnait. Je tentais de réfléchir pour trouver des réponses plausibles, mais je ne pouvais me concentrer. Mes parents me blâmaient et ils avaient raison sur toute la ligne. Pour eux, j'étais celle qui a piétiné leurs principes et bafoué leur honneur.
Je me laisse tomber sur une chaise alors que mon père détournait la tête. J'avais envie de quitter les lieux sans prendre la peine de leur expliquer que j'étais officiellement mariée, et que même si j'avais épousé un homme déjà marié et père de famille, je n'avais rien fait de mal, car notre religion le permettait. Mais à ce moment précis, ma mère s'approche de moi pour me dire :
- Fatten nous a tout raconté. Il est déçu par ton comportement.
- Fatten ?
- Oui. Fatten Alibey... N'est-ce pas toi qui avait demandé à Ziya d'annuler son association dans ses affaires ?
Je me mordis les lèvres. Fatten ne savait rien de ma relation avec Ziya. Il était sûrement offusqué par le comportement de ce dernier à son égard, et, à l'occasion, avait raconté à mes parents que j'étais à l'origine de leur mésentente. Je regarde mon père puis ma mère. Est-ce ça qu'ils me reprochaient ?
- Je n'ai rien dit sur Fatten à Ziya. Alibey possède assez de biens et gère ses propres affaires. Il... il y a eu un différend entre lui et son associé, et Ziya avait décidé de résilier leur contrat.
- Ce qui sous-entend que c'est toi maintenant qui gère toutes les affaires de Ziya.
(À suivre) Y. H.
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