En l'absence d'un large débat sur le sujet, convaincre les sceptiques semble un exercice très difficile à réaliser. Le gaz de schiste continue de préoccuper l'opinion publique algérienne. Entre les dénonciations, lancées sur les réseaux sociaux, les nombreux activistes et militants algériens qui se mobilisent pour empêcher l'exploitation de cette source d'énergie, le bras de fer semble donc lancé avec les pouvoirs publics qui, eux, ont déjà pris la décision d'autoriser la prospection, et plus tard l'exploitation des hydrocarbures schisteux. Cette décision était prévisible, dès lors que la nouvelle loi sur les hydrocarbures avait déjà consacré l'Algérie comme étant le premier pays de l'Afrique du Nord à donner un cadre légal à l'exploitation des énergies non conventionnelles. D'un point de vue énergétique, que peut apporter le gaz de schiste à un pays comme l'Algérie ? Selon l'Agence d'information sur l'énergie du gouvernement américain, l'Algérie capitaliserait les troisièmes plus grosses réserves techniquement récupérables au monde, après la Chine et l'Argentine et juste devant les Etats-Unis. En termes de chiffres, cela représenterait un gisement de 707 000 milliards de pieds cubes (plus de 20 000 milliards de m3), soit presque cinq fois les réserves de gaz conventionnel identifiées dans le pays. Cette manne est répartie en sept bassins sédimentaires qui "ceinturent" le pays d'est en ouest, les plus prometteurs étant les champs d'Illizi et surtout de Berkine, à la frontière tuniso-libyenne. Si ces bassins devaient être exploités, cela représenterait un prolongement considérable des capacités de production algérienne. Dans un pays où les hydrocarbures comptent pour 97% des recettes d'exportations, cette manne gazière a largement pu suffire à convaincre les autorités de s'y lancer. Recourir aux hydrocarbures non conventionnels serait, en effet, un moyen de répondre à l'explosion de la demande interne qui affecte les capacités et à respecter les engagements internationaux de l'Algérie. La complexité de l'exploitation Contrairement au conventionnel où c'est l'exploration qui est difficile et qui comporte beaucoup de risques, pour le non-conventionnel, c'est la difficulté et le risque qui sont dans l'exploitation. Les formations géologiques visées ne peuvent être exploitées qu'à partir de puits horizontaux avec une fracturation étagée. Au ministère de l'Energie, on se veut rassurant, expliquant que c'est une technique déjà maîtrisée en Algérie. Le premier puits foré date de 1992, et à ce jour un tiers des puits de développement forés en Algérie (341) sont horizontaux. Il faut dire que cette technique nécessite l'utilisation de quantités astronomiques d'eau qui, en Algérie, ne pourront être puisées que dans la nappe albienne fossile et non renouvelable. Pour le forage d'un puits de gaz de schiste, entre 10 000 et 20 000 m2 sont nécessaires. Si on considère que pour atteindre les objectifs voulus, on sera obligé de forer autour de 200 000 puits sur 30 ans, la quantité d'eau à mettre à disposition sera très élevée. La question de l'eau est considérée comme un faux débat par les responsables du ministère de l'Energie qui estiment que c'est largement à notre portée. Ils évaluent à 1,2 milliards de m3 la consommation d'eau sur 30 années d'exploitation. Par ailleurs, ces mêmes responsables expliquent que pour espérer une exploitation, il faut 20 années. D'ici là, la technologie aura certainement évolué. Ils évoquent, à ce titre, la possibilité de remplacer l'injection de l'eau par d'autres produits tels l'azote liquide, le CO2 ou l'hélium. En moyenne, pour produire 1 tcf (28 bcm) de gaz de schiste, il faut 333 puits sur 169 km2 (13 km x13 km). Cela donne un aperçu sur le nombre de puits à forer. Quant on sait que depuis 1962, l'Algérie n'a foré que 5000 puits, l'écart est phénoménal. Les responsables du secteur estiment que pour y arriver, il faut changer la façon de travailler. Pour pouvoir forer autant de puits non conventionnels, "il faut raisonner en non conventionnel". La quantité de puits à forer soulève également la question des coûts. Il est établi que le non-conventionnel est plus cher que le conventionnel. Le coût d'un puits de schiste peut s'évaluer aujourd'hui entre 15 et 20 millions de dollars, avec des délais de réalisation 25% plus longs que pour un puits conventionnel. Par ailleurs, le déclin de la production est de l'ordre de 70% après trois années seulement d'exploitation. Ce qui soulève la question de la rentabilité des gaz de schiste. S. S. Nom Adresse email