Le vote de toutes les manips

Bouira

Un climat insurrectionnel a régné durant la journée du scrutin dans la majorité des localités berbérophones qui avaient, à l’occasion, renoué avec les scènes d’affrontement et les bombes lacrymogènes. Bien avant ce jour, les dépassements et les provocations émanant des partisans de Bouteflika pesaient lourdement sur leurs adversaires sans que les services d’ordre ou l’administration concernée interviennent pour les rappeler à l’ordre. Un comportement pour le moins incendiaire qui avait pour objectif d’exciter les esprits et de raviver le feu dans cette région, où l’électorat était peu ou pas favorable au président-candidat. À la veille du vote, le responsable du bureau régional du RCD de Bouira a été victime, lui aussi, d’une agression physique de la part d’une bande de jeunes furieux activant pour le compte de Bouteflika. Dans la même soirée, les différentes permanences des autres candidats en lice avaient subi des actes de vandalisme et, dans plusieurs localités, les posters de Bouteflika ont été accrochés par centaines, même à l’intérieur des centres de vote, au su et au vu de tout le monde. En plus de cela, la direction de campagne du candidat Ali Benflis avait, dans une déclaration rendue publique le jour du vote, dénoncé l’attitude irresponsable du chef de la daïra de Kadiria, lequel s’est associé aux supporters de Bouteflika pour donner libre cours à la fête devant le siège de la daïra.
Des urnes saccagées, des bureaux de vote fermés, des barricades et des pneus brûlés à plusieurs endroits, ainsi que des axes routiers (les RN 5 et 26 notamment) entièrement coupés à la circulation, telle est en gros l’image livrée par la région est de la wilaya de Bouira le jour du vote. À Taourirt, El-Esnam, Saharidj et El-Adjiba, les urnes ont été prises à partie par les partisans du rejet des élections et dans de nombreux centres de vote, qui avaient ouvert normalement le matin ; l’opération a été fortement perturbée ou carrément interrompue. Seulement, il est à souligner que certaines pratiques de l’administration et la tension entretenue par les partisans du président-candidat étaient pour beaucoup dans le déclenchement des émeutes et le pourrissement de la situation. À Raffour, les gens se sont rendus aux centres de vote le plus normalement du monde avant de découvrir que les listes électorales déposées au niveau des bureaux n’étaient pas celles des habitants de ladite commune. On avait intentionnellement affecté des listes électorales appartenant à la commune d’Aghbalou à l’effet de provoquer la population. Ce contretemps, bien fomenté par les services administratifs, a été à l’origine du saccage des urnes et de la fermeture par la suite des centres de vote existant au niveau de cette localité. Dans la bourgade d’El-Adjiba, les observateurs au niveau de certains bureaux de vote n’ont pas pris trente-six chemins pour accuser le président d’APC, d’obédience FFS, d’être derrière l’arrêt de l’opération de vote qui avait débuté dans une ambiance des plus sereines, avant que les choses ne se corsent pour laisser place au saccage et au vandalisme. Un climat de tension similaire a été vécu à Bechloul, le jour du vote. Dans cette commune, un véhicule appartenant à l’APC d’El-Adjiba a été complètement calciné sur la RN5, deux journées auparavant. Dans le sud de la wilaya et particulièrement dans la daïra de Sour El-Ghozlane, des responsables de l’administration et des élus locaux se sont carrément affichés en faveur du président-candidat. Pour ainsi dire, il était question d’un véritable plébiscite. À Dirah, à titre d’exemple, des fourgons, des bus et autres moyens de transport ont été réservés par la commune pour “aller voter Bouteflika�. Et pour boucler la boucle, c’est dans six communes de cette daïra précisément que le ministère de Zerhouni a décidé de laisser les bureaux de vote ouverts jusqu’à 8 heures du soir.
R. S.