Vous conviendrez avec moi que des confusions et des inexactitudes, relayées par les médias, se sont glissées dans le débat sur la suppression de l'article 87 bis de la loi 90-11 définissant le salaire national minimum garanti (SNMG), le rendant incompréhensible pour une partie de l'opinion publique. Aussi avant de passer en revue les positions des différents partenaires sociaux sur la question salariale, il convient de lever ces confusions en clarifiant les différents impacts, aussi bien sur les fiches de paye des salariés que sur la cohérence globale de l'architecture salariale qu'induira la suppression effective de l'article 87 bis. Tout compte fait, le partenaire social qui a toujours eu la position la plus tranchée et la plus claire sur l'article 87 bis a été l'UGTA. Cette organisation syndicale a non seulement toujours demandé sa suppression, mais elle considère qu'il faut limiter le contenu du concept du SNMG au seul salaire de base. Cela sous-entend que tous les autres éléments du salaire sont soumis à la négociation et au contrat entre employeurs et syndicats (grilles salariales de branches et d'entreprises, primes et indemnités). Je note d'abord que la suppression de l'article 87 bis intervient dans les mêmes conditions que celles de son insertion par le biais d'une loi des finances. De ce fait, les conséquences pécuniaires sur les salaires ne peuvent comprendre de rappels, car les lois ne sont pas rétroactives. De plus, les augmentations de salaires en résultant n'interviendront qu'à partir du 1er janvier 2015, date d'entrée en vigueur de la loi des finances 2015, sans aucun effet sur les périodes travaillées antérieures. Cela permettra au budget de l'Etat et aux entreprises de pouvoir absorber sans dommage majeur ces dernières. Par ailleurs, cette nouvelle définition du SNMG défendue par l'UGTA, qui sera sans doute endossée par la prochaine tripartite, sera également insérée dans le nouveau code du travail. Dès lors, la mise en conformité du système salarial, rendue obligatoire de par la loi, aura donc un premier effet mécanique immédiat. Celui du relèvement des salaires de base des travailleurs qui, hors primes et indemnités, se situent au-dessous du palier des 18 000 DA par mois, c'est-à-dire les plus bas. Ce faisant, ces derniers rattraperont les niveaux des salaires des catégories socioprofessionnelles immédiatement supérieures. L'effet collatéral est que cela posera un vrai problème de cohérence des grilles salariales en vigueur dans les entreprises et les branches. Cette étape d'augmentation ou de rattrapage des salaires les plus bas ne pourra faire l'économie d'une deuxième étape de négociation salariale pour rétablir les cohérences des grilles salariales en termes de salaire de base, mais aussi en termes de primes et indemnités. Deux paramètres devraient servir de balises dans ce cas : les niveaux de productivité et les valeurs ajoutées produites, y compris pour les services publics et le niveau d'inflation. A un moment donné de son histoire, le mouvement syndical défendait le concept d'"échelle mobile des salaires" pour effacer systématiquement les effets de l'inflation sur les salaires. Mais cela c'était avant. A présent, au-delà des positions de négociations affichées des différents partenaires sociaux, il y a un vaste chantier à ouvrir impliquant la révision, voire la refonte des conventions de branches existantes et leur élaboration dans les branches où elles n'existent pas encore. A cet effet, le nouveau code du travail en cours de mise au point peut en être un instrument de facilitation, pour autant qu'il emporte consensus des partenaires sociaux. Ce n'est pas encore gagné. Les employeurs souhaitent plus de flexibilité dans les relations de travail alors que l'UGTA, qui vient de monter au créneau à la veille de son congrès, appréhende la précarité que l'introduction des contrats de travail à durée déterminée (CDD) dans le code du travail pourrait élargir. Un équilibre devra être trouvé entre ces deux impératifs à la faveur de la tenue de la prochaine tripartite. Le passage en force impossible, compte tenu de la situation économique et sociale tendue du pays, reste la vertu du dialogue et de la négociation sociales. En conclusion, on voit bien que cette question de la suppression de l'article 87 bis s'inscrit dans une problématique plus vaste, celle de la cohérence des systèmes salariaux et celle de la répartition des fruits de la croissance entre employeurs et salariés. Pour le reste, vous avez relevé comme moi la sortie hasardeuse de la Banque africaine de développement (BAD) sur l'économie algérienne dans son dernier rapport sur les économies africaines. Ce dernier a relevé que "l'économie algérienne reste malgré les potentialités à la traîne comparée aux pays voisins". Sauf que le Forum économique mondial (WEF) dit le contraire. Ainsi, le WEF, dans son rapport 2014/2015 sur la compétitivité dans le monde, note que "l'Algérie a fait une progression spectaculaire de 29 places à l'échelle mondiale et se retrouve dans le Top 10 des pays africains devant la plupart de ses voisins, dont la Tunisie, l'Egypte et la Libye". Sans commentaire. Mais ne tendons pas l'autre joue, car cela nous rappelle qu'il est grand temps que des experts algériens investissent la BAD, dont l'Algérie est l'un des plus gros contributeurs. Nom Adresse email