Bien malin qui pourra dire aujourd'hui, hormis, peut-être, les principaux acteurs de la négociation, où en est réellement le processus de l'accession de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). On avait cru comprendre, un certain temps, à une issue toute proche des négociations. Il n'en a rien été. Pis, après plus de 25 années d'un statut d'observateur au Gatt puis à l'OMC, l'Algérie en est encore à se poser des questions préliminaires sur l'opportunité de l'entrée à l'OMC. La demande algérienne d'accession au système Gatt (accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), qui a donné naissance en 1994 à l'OMC, a été faite le 3 juin 1987. Le groupe de travail de l'accession de l'Algérie au Gatt a été institué le 17 juin 1987. Il faut rappeler que l'entrée au Gatt se faisait aussi à travers une négociation. Mais il s'agit d'une négociation simplifiée qui supposait une acceptation des règles commerciales de cet accord international. C'est sous cette procédure simplifiée que le Maroc, par exemple, a rejoint le Gatt. L'Algérie a raté une autre occasion de rejoindre, à moindres frais, ce système commercial multilatéral, en 1994, avec la conclusion des accords de Marrakech qui ont donné naissance à l'OMC. En 1995, le groupe de travail du Gatt a été transformé en groupe de travail de l'OMC chargé de l'accession de l'Algérie. Il a tenu sa première réunion en avril 1998. Entre-temps, les nouveaux candidats à l'accession se voyaient exiger des conditions de plus en plus dures. Avec l'accession de la Russie, du Samoa, du Monténégro, du Vanuatu et du Yémen à l'OMC, notre pays est devenu ainsi le plus vieux négociateur pour l'accession à cette organisation internationale. Hier encore, le ministre du Commerce a affirmé sur les ondes de la Chaîne III, de la Radio nationale, que le processus des négociations suivait son cours "le plus normalement possible". Le ministre a indiqué que tous les avis qui s'expriment sur cette question "sont respectables" quand ils s'appuient sur des arguments économiques. M. Benyounès a rappelé l'instruction du président de la République, relayée par le Premier ministre, sur la poursuite du processus d'accession à l'OMC tout en sauvegardant "les intérêts économiques du pays". Amara Benyounès a rappelé, également, que l'Etat a mis plus de 10 milliards de dollars pour sauver le secteur public industriel. "Ce n'est pas moi qui vais à l'encontre de cet investissement", a-t-il souligné, expliquant que l'OMC prévoit des clauses de sauvegarde et que le gouvernement peut aussi mettre en place des barrières non commerciales pour protéger la production nationale. "Il y a 160 pays membres de l'OMC. 97% des transactions commerciales mondiales passent pas l'OMC. On ne peut pas rester indéfiniment en marge. Nous devons adhérer à l'OMC, mais à notre rythme", a estimé le ministre du Commerce en annonçant la visite, les 18 et 19 octobre prochains, en Algérie, du président du groupe de travail chargé du dossier algérien auprès de cette organisation, Alberto d'Alotto. Le ministre est convaincu que l'économie algérienne sera plus protégée en étant à l'OMC qu'en dehors. Il faut dire qu'il n'y a pas d'exemple de pays qui, en entrant dans l'OMC, aura vu ses importations tripler en l'espace de quelques années. Cette "performance", l'Algérie l'a réalisée toute seule, en toute souveraineté et sans la contrainte de règles internationales. Les questions relatives au déclin de l'industrie et la dépendance alimentaire de l'Algérie tiennent plus d'un environnement économique incohérent qui favorise très clairement l'acte d'importer au détriment de l'investissement. Comme l'avait préconisé Mouloud Hedir, ancien directeur général du commerce extérieur, l'Algérie doit se réapproprier sa politique commerciale extérieure et en faire un instrument de développement économique. Ce spécialiste du dossier OMC suggère, également, la mise en place de politiques publiques dans tous les domaines d'activité, industriel, agricole ou de service. Le système de l'OMC ne s'oppose pas à de telles politiques publiques. Dans la mesure où l'accession à l'OMC est conçue pour donner plus de visibilité aux entrepreneurs, alors elle est la bienvenue, mais s'il elle n'est recherchée que comme un faire-valoir et un engagement formel avec le maintien du désordre économique ambiant, les anti-OMC auront finalement raison.