"Les perspectives d'évolution de l'économie algérienne" était le thème d'une conférence donnée par l'économiste Abdelhak Lamiri, mercredi dernier, à l'université Yahia-Farès de Médéa, à l'occasion de la célébration de la Journée nationale de la presse. Dans son exposé, l'expert a énuméré un certain nombre de conditions à mettre en place pour prétendre à l'émergence qui, dira-t-il, requiert l'utilisation d'une manière intelligente des ressources du pays. Dans le monde de l'entreprise ou à l'échelle d'un pays, la prise de décision incombe d'abord à ses dirigeants qui ne doivent pas plaquer les modèles appliqués ailleurs sans tenir compte des facteurs spécifiques de l'entité ou du pays. C'est-à-dire qu'il ne faut pas aller chercher les solutions élaborées sous d'autres cieux et dans d'autres têtes pour notre économie, soulignera-il. Qu'ont fait les pays qui ont réussi tels que la Chine, la Russie, la Pologne ? "Ce qui est important, c'est le mode managérial qui suppose la rigueur dans la démarche de gestion, car, comme le dit Drucker : ‘Il n'y a pas de pays sous-développés, il y a des pays mal gérés'". Le cas de la Corée qui avait en 1964 un niveau de développement légèrement inférieur à celui de l'Algérie avec un PIB de 3,4 milliards de dollars est parvenue à faire son décollage économique. Ainsi, toute démarche de développement doit, pour être menée correctement, tenir compte des éléments suggérés par ce qu'on appelle la pyramide économique dont la base comporte les fondamentaux, dont le système éducatif qui confère à n'importe quel pays sa puissance. Ainsi, la corrélation entre le système éducatif, la recherche et le développement économique est très élevée. À cela s'ajoute le système de management qui est le facteur-clé du développement. Ce dernier est la ressource de la ressource, car sans management, rien ne peut se développer. L'auteur de l'ouvrage La décennie de la dernière chance citera aussi le cas de l'Inde qui avait les infrastructures les plus pauvres en 1990, mais qui a utilisé l'argent de la relance pour former des cadres qui sont devenus des leaders mondiaux des TIC. Ce pays, dira-t-il, exporte pour des milliards de dollars par an. Ce n'est que maintenant qu'il a commencé à investir dans les infrastructures. Pour ce qui est de l'Algérie, Abdelhak Lamiri n'y est pas allé avec le dos de la cuillère pour dire que nos experts ont induit en erreur les politiques qui ont injecté quelque 500 milliards de dollars en infrastructures. "Il ne faut pas rater la décennie qui vient ! Car si l'on rate l'affectation raisonnée des 260 à 280 milliards de dollars mobilisés pour le programme quinquennal 2015-2019, on aura beaucoup de problèmes." Qu'est-ce qui va se passer dans les 10 ou 20 années à venir ? La réponse dépend de l'évolution du marché de l'énergie et des politiques de développement national. Abdelhak Lamiri préconise des politiques qui ne doivent pas continuer à donner trop d'importance au volet social, au soutien des prix à la consommation, à la réalisation des infrastructures, etc. Dans l'hypothèse d'un marché favorable, il sera possible d'engager une politique d'émergence en consacrant 50 à 60 milliards de dollars au développement des ressources humaines, comme cela a été fait par les pays émergents, de diversifier davantage l'économie, de mettre l'accent sur la décentralisation. Le développement local assuré par les échelons décentralisés devra devenir le moteur de la croissance économique du pays comme cela a été fait en Chine dont 60% des exportations proviennent des communes. En maîtrisant son management, l'Algérie arrivera dans 4 ou 5 ans à devenir le dragon de l'Afrique, dans le cas contraire, ce seront le chaos et les explosions sociales. Mettre en place une politique d'émergence est une urgence, c'est peut-être la dernière chance de pouvoir financer la croissance économique, d'autant que le pays n'a pas de dettes, qu'il peut même emprunter et qu'il peut encore compter sur la rente pétrolière. M. E.