Jamais, sans doute, Alger n'aura constitué une escale privilégiée pour les hauts responsables français que depuis quelques mois. En effet, un ballet incessant de responsables politiques de premier plan du gouvernement Raffarin défile dans la capitale à un rythme inattendu jusque- là. Un ballet inauguré, faut-il sans doute le rappeler, par la visite du président Chirac le 15 avril dernier. Après la venue du ministre des Finances, Nicolas Sarkozy, au début du mois de juin, lequel est annoncé encore pour la fin du mois en cours, ce sont deux grands responsables qui sont annoncés pour les prochains jours. Il s'agit des ministres des affaires étrangères, Michel Barnier dont la visite est annoncée pour demain et du ministre de la défense, Michèle Alliot-Marie dont la venue est prévue pour les 17 et 18 juillet prochains. Comme de coutume, ces visites sont placées sous le signe du renforcement de la coopération entre les deux capitales, pour reprendre un vocable en vogue dans le jargon diplomatique. “Elle permettra de définir les prochaines étapes de l'approfondissement de notre relation bilatérale, selon les axes fixés par la Déclaration d'Alger du 2 mars, et de nourrir notre dialogue politique sur les questions régionales et internationales”, explique-t-on au Quai d'Orsay à propos de la visite du chef de la diplomatie française. S'il va sans dire qu'au regard de la fébrilité qui a gagné les relations franco-algériennes, un regain favorisé autant par la conjoncture nationale avec la nette amélioration de la situation sécuritaire et une conjoncture internationale marquée par de nouveaux rapports de force, il y a comme une volonté commune de donner un cachet pragmatique aux relations et d'aller à un véritable traité d'amitié à l'image de celui tissé avec l'Allemagne, il n'en demeure pas moins que les contours du traité restent pour le moins flous. Hormis quelques gestes (reconversion de la dette, quelques projets…), force est de constater que les promesses d'un véritable partenariat restent toujours au stade de simples déclarations d'intention. En dépit du statut de la France comme premier partenaire économique de l'Algérie, on est loin, en effet, encore du volume de la coopération attendu, du moins tel que souhaité par les deux peuples. Bien entendu, d'aucuns y verront à l'évidence dans ce subit intérêt des Français au marché algérien, une volonté de l'hexagone de récupérer un “terrain” considéré à juste titre comme sa “zone naturelle d'influence”. Et par ricochet, damer le pion aux américains qui n'ont jamais dissimulé leur souhait de faire de l'Algérie, un pays pivot notamment, dans la lutte contre le terrorisme mais aussi un marché pour les firmes pétrolières. Pourtant à y regarder de près, entre américains et Français, il y a presque des intérêts divergents. La France, de par son envergure économique, est peu portée sur le pétrole. Elle est encore moins intéressée par “une présence militaire” en raison des “pesanteurs historiques”, mais aussi de l'absence d'intérêts “sécuritaires”, contrairement aux américains. Il reste, bien entendu, que certains secteurs d'activité économique présentent toujours quelques centres d'intérêt à certaines entreprises françaises. Mais globalement, il y a comme un jeu d'ombre dans cette coopération. Tout se passe, en effet, comme si la France reste “suspicieuse” à l'égard d'Alger, appréhension qui ne permet pas d'engager une coopération stratégique et viable. D'où en définitive l'interrogation de savoir s'il n'y a pas de relents “politiciens” dans cette coopération. Et c'est là sans doute qu'il faut aussi chercher l'origine des discours à géométrie variable de l'Hexagone par rapport aux questions inhérentes aux libertés et aux droits de l'homme en Algérie. K. K.