Paris, à travers ce geste hautement symbolique, cautionne la réélection de Bouteflika. C'est aujourd'hui que le président français, Jacques Chirac, doit effectuer une visite de quelques heures à Alger. Celle-ci, qui intervient une semaine à peine après le scrutin présidentiel, lors même que Bouteflika n'a pas encore prêté serment, constitue un message très fort de la part de Paris. C'est ce que soulignent des sources diplomatiques très au fait des soubassements des nouveaux types de relations entre Alger et Paris sous l'impulsion de Bouteflika et Chirac. L'Elysée, on s'en souvient, avait été le premier à féliciter le chef de l'Etat algérien pour sa réélection, alors que Chirac était allé jusqu'à l'appeler téléphoniquement pour le féliciter de vive voix. Une véritable course contre la montre avait ainsi été engagée avec Washington qui, elle aussi, avait cautionné le scrutin algérien, qualifié de «régulier», alors que Bush avait, lui aussi, pris la peine d'appeler son heureux homologue algérien. Nul doute que les Usa, à travers cette série de gestes, s'apprêtent à hausser le niveau des relations avec notre pays à travers une probable visite de Powell à Alger, que pourrait suivre celle de Bush «himself». L'annonce en avait déjà été faite pour la fin de la l'année passée. Mais, il semble que le conflit irakien, de même que l'exacerbation de la situation au Moyen-Orient ait quelque peu contrecarré les projets américains pour notre pays en général, et pour le Gmo (Grand Moyen-Orient) en général. Le président français, qui n'a jamais caché sa volonté d'amener les relations algéro-françaises au niveau «d'excellence», avait, lors d'une historique visite d'Etat, annoncé l'ébauche d'un pacte pareil à celui qui lie la France à des pays qui lui sont très proches, tels que l'Allemagne et l'Espagne. Si cette volonté devait se traduire, notamment, par la venue massive de capitaux français, le voeu a tardé à se concrétiser. Chirac, qui se déplace souvent accompagné de groupes d'hommes d'affaires, s'en expliquera peut-être lors de la conférence de presse qu'il compte animer aujourd'hui. Le retour de la stabilité politique, institutionnelle et sécuritaire, le plan de soutien à la relance économique qui a mis en place les infrastructures de base nécessaires aux projets d'investissements, sont autant d'arguments qui plaideront en faveur de la venue massive de capitaux français, comme l'admet très volontiers une bonne partie de la presse hexagonale, qui voit en notre pays des opportunités tout aussi vierges qu'inestimables. Un véritable plan de route visant à sceller le pacte algéro-français devrait être ébauché à l'occasion de cette visite qui, pour courte qu'elle soit, n'en demeure pas moins hautement significative. La problématique des visas, point épineux que les autorités consulaires françaises peinent à résoudre, sera elle aussi soulevée. Il est vrai que Chirac, déjà interpellé sur cette question, trouvera des réponses toutes faites, attendu que les conditions de délivrance n'ont pas cessé de s'améliorer au fil des ans, de même que le nombre de «quitus» a quant à lui régulièrement augmenté depuis l'arrivée de Bouteflika à la tête de l'Etat algérien, et le départ des socialistes de la tête du gouvernement français. La France, qui s'oppose fermement à la politique hégémonique et velléitaire américaine, dont le président a gagné pas mal de sympathie dans les pays arabes et musulmans, acclamé en triomphe à Bab El-Oued et à Oran, aura sans doute son mot à dire sur les grandes questions d'intérêt international. Notre pays, déjà membre non permanent du Conseil de sécurité, promet d'être de plus en plus courtisé par les grandes capitales occidentales. Ainsi, la visite de Chirac, aujourd'hui, n'est-elle que le prélude à un incessant ballet diplomatique appelé à durer, au moins, autant que le mandat de Bouteflika.