L'UNRWA a perdu plus de 270 de ses employés dans la bande de Ghaza depuis octobre 2023    Foot/Ligue 2 amateur: Le MB Rouissat garde le cap, l'USM El Harrach suit derrière    M. Hidaoui salue le rôle des SMA dans la consolidation des valeurs nationales    Port d'Alger: Ouverture "prochaine" de quatre bureaux de change au niveau de la gare maritime    Foot/Compétitions Africaines Interclubs: La CAF prolonge la date limite d'inscription des joueurs jusqu'au 28 février    Tour national des Zibans de Cyclisme: 88 coureurs sur la ligne de départ    Des pluies orageuses sur plusieurs wilayas vendredi et samedi    Une caravane médicale multidisciplinaire du Croissant rouge algérien effectue des examens à Tissemsilt    Ghaza : Guterres appelle à l'évacuation immédiate de 2.500 enfants blessés    Ballalou met en avant les efforts de l'Etat en matière de soutien du livre et de promotion de l'édition en Algérie    Mascara : le chahid Cheriet Ali-Cherif, un modèle de résistance, de défi et de loyauté envers la patrie    Présidence de l'Algérie du Conseil de sécurité : défense des causes justes, efforts inlassables pour porter la voix de l'Afrique    Le groupe parlementaire d'amitié Algérie-Venezuela examine les moyens de renforcer la coopération avec l'Assemblée nationale vénézuélienne    Décès de l'ancien journaliste de l'APS Mohamed Bakir    Commission intergouvernementale mixte algéro-russe: signature de 9 accords et mémorandums d'entente dans plusieurs domaines    Agrément à la nomination de la nouvelle ambassadeure d'Algérie à Oslo    La coopération bilatérale au centre des entretiens de Arkab avec le vice-ministre russe de l'Energie    Pluies orageuses attendues sur des wilayas de l'Ouest à partir de jeudi soir    Les moyens de renforcer l'efficacité énergétique examinés    Signature d'un protocole de coopération en matière de formation policière    Fédération tunisienne de football : Moez Nasri élu nouveau président    Le sélectionneur algérien plus objectif dans ses analyses    Débâcle des Verts au Mondial de hand : Les pouvoirs publics interviennent    Le Général d'Armée Saïd Chanegriha reçoit le SG adjoint délégué pour les affaires politiques et la politique sécuritaire de l'Otan    «Nous sommes maîtres chez nous !»    Poutine était prêt à rencontrer Zelenski au printemps 2022    Saisie de 1.700 kg de kif traité et 441 comprimés de Prégabaline 300 mg    A Monsieur le président de la République    A Monsieur le président de la République    Des milliers de déplacés au Darfour-nord en raison d'une escalade des attaques des FSR    « L'appel à l'expulsion des Ghazaouis est une tentative désespérée et injuste »    «Le recensement vise à atteindre plusieurs objectifs politiques stratégiques»    Sansal, le Cercle algérianiste et le plan de partition de l'Algérie    Une commune en plein chantier    Arrivée à Skikda, la troisième halte    Elaborer une stratégie nationale aux contours clairs        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



On est tous des Benchicou !
Ghania Hammadou, journaliste et cofondatrice du Matin lance un appel
Publié dans Liberté le 08 - 08 - 2004

Le 11 août prochain se tiendra à la cour d'Alger, le procès en appel de Mohamed Benchicou, directeur-gérant du quotidien Le Matin, condamné le 14 juin dernier à deux ans de prison ferme et incarcéré depuis cette date à la prison d'El-Harrach.
Puisqu'il est interdit, dit-on, de commenter une décision de justice, respectons cette règle et laissons les magistrats qui ont prononcé la sentence face à leur conscience. Rappelons seulement que parmi les réactions qui ont suivi le verdict du 14 juin, certaines se sont attachées à qualifier le “délit”, que la défense a pourtant magistralement démontré, qu'il n'existait pas en droit, d'autres – elles furent sans doute les plus nombreuses – flairant la machination, ont analysé l'affaire Benchicou comme un premier coup de semonce contre leur liberté. Parlons plutôt de l'homme qui, derrière les murs de sa prison, doit certainement tendre l'oreille aux bruits et à la fureur du monde extérieur, cherchant à saisir dans le propos de ses avocats, dans le regard de sa mère, les pulsions de cette Algérie pour laquelle, il continue de rêver un meilleur destin… Parlons plutôt du journaliste démiurge ressuscitant de ses cendres un Alger-Républicain tombé dans les trappes de l'histoire, avec trois fois rien, ou si peu ; avec seulement la force de ses convictions, son talent d'animateur, de rassembleur et puis aussi avec cette manière bien à lui de communiquer son enthousiasme, de partager ses coups de cœur, ses passions de journaliste avec tous ceux, sans distinction de poste ou de hiérarchie, qui œuvrent à ses côtés. Parlons de celui qui, refusant la tutelle politique d'un parti qui était pourtant le sien, fit le pari fou de lancer en plein assaut islamique le journal Le Matin qui rejoignit aussitôt le combat républicain qui en devint le fer de lance. Il a coulé beaucoup de sang entre ce jour de septembre 1991 où Mohamed Benchicou écrivait à la Une du premier numéro du Matin ces mots : “Devoir de vérité” qui allaient devenir sa profession de foi et le 14 juin 2004 où dans une salle de tribunal, un juge de la République ordonnait son incarcération. Depuis, pour que vive cette République qui embastille les rescapés de la nuit terroriste, une centaine de nos confrères sont morts assassinés, le pays est entré dans l'ultralibéralisme débridé, sans foi ni loi, pas même la loi dite du marché, non, celle du bazar, du partage des lignes de crédit devises, de la prévarication, la loi du bâton et du baîllon — La loi du prince. Et les tueurs, amnistiés de leurs forfaits, sont revenus vaquer à leurs affaires… Ils avaient affiché nos noms sur les murs de nos mosquées confisquées, avec en face la mention : à abattre ; ils allaient partout clamant : nous combattrons vos plumes par la lame. Ils ont tenu leurs promesses. Les survivants pensaient avoir payé l'impôt du sang, ils croyaient avoir réglé la facture pour de longs temps à venir. Le Prince s'est chargé de les détromper. Il a dit, comme dans la fable : “Je m'appelle lion, ma raison est la meilleure… parce que je suis le plus fort ! et je suis le plus fort non seulement par les armes mais aussi par toute l'organisation que sous des noms divers j'ai créée pour me servir. En conséquence, du mensonge, je ferai la vérité”.
La vérité… ? Justement, Benchicou en a fait la devise de son journal, ce journal que l'on cherche à liquider par tous les moyens. Hier, barrage au projet intégriste, aujourd'hui accompagnant le mouvement démocratique et citoyen pour un Etat de droit et de justice, le Matin, fondé et conçu par Mohamed Benchicou, procédait dès sa naissance d'une démarche intellectuelle, non d'une ambition d'entrepreneur.
Tout le parcours de Mohamed Benchicou est un parcours de journaliste libre, arrimé d'abord à son pays, à sa société. Pour survivre dans l'exil, il s'est essayé à d'autres métiers mais le seul qui lui manquait c'était le sien, il n'a pas pu devenir autre chose que journaliste, ne possédait rien d'autre que ce talent incomparable de faire un journal. Journaliste de combat, il ne croit pas à cette mystique d'une presse “apolitique” qui oppose professionnalisme et engagement. Il faut du courage pour s'attaquer au mythe de l'objectivité du journaliste, du journaliste transcripteur neutre de l'actualité, observateur s'effaçant devant le fait, pour admettre sans détour qu'un journal est d'abord un produit intellectuel réalisé par des producteurs intellectuels qui sélectionnent et recueillent par le filtre de leur conscience, de leur culture, de leurs croyances cette actualité. Mohamed Benchicou a eu cette audace. Le premier, il est sorti de la “pensée unique” dans laquelle le parti unique avait coincé une génération de journalistes, le premier il est allé à contre-courant d'une presse formatée par des tutelles institutionnelles castratrices pour donner à chaque lecteur du Matin, où qu'il soit, sa part du monde, sa part d'Algérie… Ainsi, il a ouvert des chemins jusqu'ici inexplorés par le journaliste algérien, ouvert des brèches dans la muraille de l'autocensure qui paralysait nos plumes.
L'histoire de la presse indépendante retiendra sa contribution à l'élaboration d'une nouvelle utopie du travail de journaliste, celle qui verrait celui-ci se livrer librement à ses activités sans tuteur pour l'intimider, ni commissaire politique pour le censurer, sans chantages ni pressions d'aucune sorte, avec seulement la loi pour le protéger, l'éthique et la déontologie pour le guider.
Bien sûr, on peut avoir des idées différentes sur l'exercice du métier d'informer. Entre la conception développée par le journal de Mohamed Benchicou et celle de ses confrères, il y a une gamme de points de vue qui va de l'info “apolitique” à celle militante. Dans un système démocratique, toutes les tendances sont respectables et se valent ; elles sont égales en droit et en devoir. C'est le principe du pluralisme médiatique qui le veut, la loi de l'Etat de droit qui l'impose. Alors à quand cet état de droit qui mettra fin au fait du prince ?
En attendant ces temps hypothétiques, cessons de nous illusionner ! Aucune presse libre n'est viable dans un système soumis à l'arbitraire administratif ou politique, régi par les humeurs de la puissance publique. Le salut de notre presse libre sera collectif ou… ne sera pas. Le couperet qui peut tomber sur n'importe quelle tête de journaliste, sur n'importe quel titre. Dans un régime de non-droit, nous sommes tous des Benchicou en sursis.
Ghania Hammadou


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.