Grâce à Arafat, le fait palestinien aura survécu à tous les coups bas et complots : ceux fomentés par Israël ainsi qu'aux multiples tentatives de mise sous tutelle de la cause palestinienne, déployées par des régimes arabes, voisins de la Palestine, et, de surcroît, à l'origine de tous ses déboires. Depuis plus de 40 ans, comme personne d'autre, il a personnalisé la résistance et l'identité palestinienne. Arafat sort de l'ombre en 1968 lorsqu'il est nommé, en avril, porte-parole officiel du Fatah qu'il avait fondé dans les années 1950. Plus tard, d'autres leaders vont immerger, mais sans parvenir à lui faire ombre. Arafat, qui fait consensus, s'emploie en priorité à sauvegarder le mouvement national palestinien des écueils qui n'arrêtaient pas de se dresser contre lui. Il crée l'OLP et, progressivement, le combat des palestiniens devient une cause et non plus un fonds de commerce pour les arabes. Au cours de ses années jordaniennes et libanaises (1960-1970), il sort de la clandestinité et de l'anonymat, sillonnant les camps des réfugiés palestiniens à Amman et Beyrouth, pour doper le nationalisme palestinien, réaffirmant à la communauté internationale que “les palestiniens, réfugiés et de l'intérieur, ne renonceront jamais à la Palestine”. Il est reçu à Alger, à Moscou et à Pékin d'où il inaugure son baptême de leader incontesté de la cause palestinienne. Après “septembre noir” (les affrontements de 1970 avec l'armée du roi Hussein de Jordanie), Arafat devient un acteur de premier plan au Proche-Orient. Les Occidentaux voient alors en lui un interlocuteur incontournable. À Alger, dans le Palais des nations, ses pairs palestiniens scellent en 1988 son autorité et la résistance palestinienne se dote d'une charte fédératrice, d'un parlement et dessine les contours d'un futur Etat palestinien. Son keffieh, des petits losanges blancs sur un fond noir, est immortalisé. Son nom de guerre, Abou Ammar, est, désormais, familier sur la scène diplomatique. Israël le traque inlassablement pour le liquider et, il doit aussi se préserver des régimes arabes peu enclins à lâcher la proie palestinienne. Il échappe à plusieurs attentats, notamment, dans le sud de la Syrie. Auréolé de la baraka, il sort miraculé d'un crash d'avion dans le désert libyen. En août 1982, Ariel Sharon, alors ministre de la défense, tente de lui faire la peau à Beyrouth, n'hésitant pas à organiser un véritable pogrom au sein des réfugiés palestiniens, dans les camps de Sabra et Chatilla. Mais, Abou Amar est parfaitement rodé à la clandestinité, prenant l'habitude de ne jamais dormir deux nuits de suite au même endroit, apparaissant là où on ne l'attendait pas, et à une heure imprévisible. Quelquefois, il troque son keffieh contre une casquette militaire ou une chapka, mais cache toujours ses yeux par des lunettes noires. Il affectionne le battle-dress puis la vareuse militaire. Le grand événement qui le rend fréquentable pour la communauté internationale, c'est son discours devant les Nations unies, le 13 novembre 1974. Il surprend New York, en état de siège, au petit jour, et se rend directement à l'Onu. D. B