Moins d'une semaine a été fatale aux 27 ans de règne de Blaise Compaoré qui a accaparé le pouvoir en 1987 après le coup d'Etat et l'élimination du président et néanmoins meilleur ami, Thomas Sankara. Depuis le soulèvement populaire et la mutinerie de 2011, le président burkinabé a eu un long sursis gagné sur les crises des pays voisins, notamment la Côte d'Ivoire où s'affrontaient son allié Ouattara et Gbagbo, et le Mali en proie à la fois à une rébellion targuie et aux activités terroristes. Il s'est imposé comme médiateur dans le conflit ivoirien tout en soutenant, depuis 2002, Alhassen Ouattara qui le lui rendra bien en 2012 en lui cédant, pour des raisons de crise interne, la présidence de la Cédéao qui sera chargée de la médiation entre le gouvernement malien et les rebelles du Nord et qui a abouti à l'accord de Ouagadougou. Ayant réussi à faire adopter à deux reprises des amendements de la Constitution qui lui ont permis d'être élu pour quatre mandats successifs, deux de sept ans après la Constitution de 1991 qui a instauré le multipartisme, et deux mandats de cinq ans, après la révision de 2005 qui a modifié la durée du mandat, mais limitant le nombre à deux mandats seulement. Et y a introduit la création du Sénat qui n'a jamais été installé. M. Compaoré a tenté de le faire en 2012 mais l'opposition a refusé étant donné qu'il a mis du temps à le faire, soupçonnant surtout une manœuvre de sa part. Et il a essayé, le 21 octobre 2014, d'introduire un amendement constitutionnel qui déverrouille la limitation des mandats pour se représenter et continuer à régner sur ce petit pays sahélien qu'il gère depuis 27 ans d'une main de fer. La réaction à l'annonce du projet ne s'est pas fait attendre. Des milliers de Burkinabés sont sortis dans la rue pour réclamer son annulation et la démission du président. Le 28 octobre, les manifestants s'attaquent au Parlement, à la télévision alors que la contestation s'est propagée dans les autres villes du pays, notamment à Bobo Dioulasso, la seconde ville du pays. Blaise Compaoré, poussé vers la sortie, démissionne et trouve refuge chez son allié ivoirien, Ouattara. Cette vague contestataire aurait pu l'emporter en 2011 déjà. Lorsque le mouvement populaire s'est étendu à l'armée, il a su contenir la vague en répondant instamment aux revendications des militaires achetant ainsi une trêve qui se prolongera dans le sillage des crises qui ont secoué la région, les pays voisins du Burkina qui lui ont permis de s'imposer comme médiateur. Et ce n'est pas étonnant qu'on ait convoqué durant cette période le fantôme de Thomas Sankara. À Ouagadougou, on en parlait comme d'un drame récent. Et de sa femme qui n'a jamais cessé de réclamer la justice sur l'exécution de son mari. Et ils sont nombreux à Ouaga à se rappeler la fameuse confidence faite sous forme d'humour par Sankara, alors président, et Compaoré son ami, responsable militaire : "Si un jour je meurs tué, ce sera lui qui m'aura tué." Prémonitoire. Il a été tué dans le sanglant coup d'Etat du 15 octobre 1987 commandité par son ami Blaise Compaoré. À son tour, il sera évincé, 27 ans plus tard, mais sans effusion de sang. D B.