Le gouvernement de la transition au Burkina Faso a suspendu, lundi, le parti de l'ex-président Blaise Compaoré pour "activité incompatible avec la loi". Dans un arrêté qu'il a signé Auguste Denise Barry, ministre de l'Administration territoriale et de la sécurité, informe que "le parti dénommé Congrès pour la démocratie et le progrès est suspendu pour activité incompatible avec la loi". L'arrêté n'indique pas avec détail les griefs qui sont reprochés à ce groupe politique de Compaoré. L'ex-président burkinabè, chassé par la rue fin octobre après 27 ans de règne, est revenu en Côte d'Ivoire voisine vendredi dernier après près de deux semaines passées au Maroc, où il avait trouvé refuge. Chassé du pouvoir le 31 octobre par des manifestations de rue, M. Compaoré avait traversé la frontière pour la Côte d'Ivoire voisine. Après un peu plus de trois semaines, hébergé dans une luxueuse villa officielle de Yamoussoukro, il avait quitté la Côte d'Ivoire le 21 novembre pour le Maroc. Abidjan avait fait savoir à son départ que l'ex-chef de l'Etat burkinabè serait "amené à revenir". D'après le ministère marocain des Affaires étrangères, M. Compaoré à son arrivée au Maroc, était accompagné de cinq personnes pour son séjour à durée déterminée. Le 28 novembre, le Premier ministre intérimaire burkinabè, le lieutenant-colonel Isaac Zida, avait annoncé que le Burkina demanderait au Maroc de "mettre le président Compaoré à la disposition de la justice burkinabée", "si une plainte est déposée" contre lui, "bien qu'il n'y ait pas d'accord de justice" entre les deux pays. Le président de la transition, Michel Kafando, avait, à sa prise de pouvoir, annoncé des enquêtes sur des assassinats de Sankara et Zongo. Mais il a semblé revenir en arrière la semaine dernière en indiquant qu'un procès contre Compaoré n'était pas une priorité pour la période transitoire. La société civile burkinabée, qui a été le fer de lance du soulèvement contre l'ex-chef de l'Etat, appelle pour sa part à des poursuites judiciaires contre M. Compaoré, chassé après 27 années de règne. Le président Thomas Sankara, icône du panafricanisme, avait été tué lors du coup d'Etat de 1987 qui porta Blaise Compaoré au pouvoir. Le journaliste Norbert Zongo avait été assassiné en 1998 avec trois de ses camarades, alors qu'il enquêtait sur la mort d'un chauffeur de François Compaoré, le frère cadet de l'ex-chef de l'Etat. La présence de Blaise Compaoré en Côte d'Ivoire, considérée par Abidjan comme une "évidence", avait fait polémique du fait de son action très controversée durant la décennie de crise politico-militaire ivoirienne (2002-2011). Pour les partisans de l'actuel président ivoirien, Alassane Ouattara, Blaise Compaoré est un "faiseur de paix" car il parraina les accords de paix de Ouagadougou de 2007. A l'inverse, il est détesté par les soutiens de Laurent Gbagbo, pour qui il avait parrainé la rébellion qui tenta un coup d'Etat contre l'ancien président ivoirien en 2002, provoquant une durable partition du pays.