Il y a à peine une semaine la famille universitaire apprenait avec émoi la disparition du professeur d'histoire Mostefa Haddad dit le cheikh, une marque de respect que lui manifeste ses anciens et nouveaux élèves, mais aussi ses collègues. L'infatigable chercheur et historien, connu à traves le grand Aurès, avait sillonné des années durant le pays chaoui, aussi bien pour les besoins de ses écrits que pour aider et encourager des jeunes qui lui faisaient appel, lors de différentes manifestations historiques et culturelles. La dernière rencontre des auteurs et écrivains auressiens, durant laquelle il était présent en dépit de la maladie, a été son dernier pèlerinage à Tkout où il aimait se rendre souvent. Il disait être dans son élément. Mostefa Haddad est né en 1947 à Batna, et appartient à la tribu des Aith Soltane, cette fraction connue à travers le pays chaoui pour sa rébellion et sa désobéissance à l'administration coloniale, un siècle avant le déclenchement de la guerre de libération. Le père de Mostefa, jeune étudiant à l'université Zitouna (Tunisie), décède lors d'une manifestation contre l'occupation française la même année de la naissance de son fils. Cette soif du savoir, mais aussi l'amour de la patrie furent les principaux legs paternels, qui expliquent en grande partie l'attachement, l'amour et le désir de savoir et connaître l'histoire, toute l'histoire de l'Algérie millénaire, chez Dr Haddad. Réfutant et rejetant l'appellation de l'Algérie jeune nation, l'historien disait : "Les premières tentatives pour l'édification d'un pays existent depuis plus de 26 siècles, c'est-à-dire depuis Massinissa et même avant, les preuves matérielles existent." Brillant élève lors de tout son cursus scolaire, Mostefa Haddad avait montré, dès son jeune âge, son enclin pour les sciences humaines, l'histoire et l'anthropologie ; il n'avait pas attendu d'être enseignant pour consacrer une grande partie de son temps à la recherche, surtout dans le domaine de l'histoire. Partisan de la spécialisation et du travail des spécialistes, il s'est toujours risqué à dire qu'il fallait laisser les gens du domaine faire des recherches, notamment dans l'écriture de l'histoire de l'Algérie, particulièrement de la guerre de libération. Aussi bien à l'université de Constantine où il avait enseigné ou au centre d'archives d'outre-mer à Aix-en-Province (France) où il faisait partie d'un groupe de chercheurs (historiens, anthropologues), le professeur Haddad était précurseur en s'intéressant au patrimoine auressien aussi bien matériel qu'immatériel et en réalisant des travaux uniques et d'une grande qualité. Ainsi, il était le premier enseignant universitaire qui avait réalisé une étude exhaustive sous le thème "Tradition orale et mémoire collective – Aïssa El-Jarmouni (1886-1945)". La recherche en plus de son caractère exceptionnel constitue une matière et référence pour les chercheurs. Reprise par bon nombre de magazines spécialisés, mais surtout par la prestigieuse Encyclopédie Berbère (volume 25). Un ancien étudiant de Mostefa Haddad, actuellement enseignant, Ameziane Hocine, nous a parlé avec tristesse de la générosité et de la disponibilité de son ancien professeur. L'auteur compositeur Salim Souhali, ami de longue date du professeur, a estimé que "plus généreux y a pas, mais aussi soucieux du patrimoine ! C'est à croire que ça lui appartenait, mais quelque part oui ça lui appartient, il ne cessait d'en parler et d'effectuer des déplacements pour s'enquérir de l'état de ce même patrimoine". L'enseignant et chercheur universitaire était ami avec une autre figure auressienne, en l'occurrence Yamina Mechakra. Pour l'universitaire Imène Mékidèche, "la perte du professeur Haddad est une double peine, celle de l'homme et l'intellectuel, mais pour notre génération, ce départ est un tourment. Notre chagrin est décuplé : après Yamina Mechakra, cheikh Haddad nous quitte, on dirait que l'Aurès vit un automne intellectuel". R. H.