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"L'artiste doit être à l'écoute de son époque et de sa société" SAïD KHADRAOUI, PRéSIDENT DU COLLOQUE INTERNATIONAL SUR LA LITTERATURE MAGHRéBINE D'EXPRESSION FRANÇAISE DE BATNA
Saïd Khadraoui, professeur de littérature comparée, directeur du laboratoire SELNoM et président du colloque, évoque dans cet entretien la thématique et les différents thèmes qui ont traversé ce colloque de deux jours, qui a pris fin le 11 novembre. Liberté : Qu'a apporté le nouveau siècle à l'écriture ? Saïd Khadraoui : Personnellement, je pars de la devise qui consiste à admettre qu'à société particulière, une littérature particulière, et qu'une nouvelle société exige une nouvelle forme de littérature qui, forcément, doit répondre aux nouveaux esprits, aux nouveaux modes de vie dictés par le phénomène de l'évolution qui n'épargne aucun domaine et qui est universel et constant. L'histoire de la littérature et l'histoire littéraire confirment cette équation et attestent que l'artiste digne de ce nom doit être à l'écoute de son époque et de sa société. Aujourd'hui, nous assistons à la naissance d'une nouvelle forme d'écriture qui s'éloigne presque totalement de ce que nous avions l'habitude de voir chez Mouloud Mammeri, Kateb Yacine, Mouloud Feraoun... chez qui l'écriture était une écriture à la fois de révolte et d'amertume marquée par les contraintes de l'époque coloniale. C'était une écriture qui avait ses réseaux de contraintes, ses propres mécanismes et références. Chose tout à fait compréhensible dans la mesure où l'être humain est le produit de son contexte. Il est toujours marqué par son temps. Assistons-nous aujourd'hui à une (de) nouvelle(s) forme(s) d'écriture ? Effectivement, nous assistons à de nouvelles formes d'écriture marquées par la diversité des styles, par le foisonnement de références locales et étrangères, par la soif de s'ouvrir sur l'autre, le désir de faire éclater les frontières linguistiques, topographiques, culturelles et toutes les frontières qui empêchent l'esprit d'être productif et fécond. C'est aussi une écriture traversée par la polyphonie, le dialogisme, l'intertextualité et l'interculturalité et qui vacille entre les convictions culturelles de l'artiste et les enjeux commerciaux de la production artistique en général et littéraire en particulier. Kateb Yacine et consorts avaient d'autres convictions, d'autres soucis et d'autres projets. Les circuits commerciaux étaient leur dernier souci. Les jeunes plumes se sont-elles vraiment débarrassées du poids de la langue ? Je ne pense pas que les jeunes écrivains puissent se débarrasser totalement du poids de la langue de leurs écrits. Il n'y pas de langue qui ne soit pas traversée par la culture, comme il n'y a pas d'individu qui ne soit pas traversé par la culture mère. Cette dimension culturelle de la langue et de l'être humain explique la nature particulière des jeunes plumes qui nous invitent à plus d'imagination, de concentration et d'acrobaties. Pourquoi avez-vous choisi, pour ce colloque annuel, le thème de la littérature maghrébine d'expression française ? C'est un choix que nous avons fait et qui se justifie par le souci de valoriser l'esprit maghrébin, de redécouvrir, d'enrichir et d'interroger l'une des composantes essentielles de notre patrimoine immatériel. Chaque édition des trois colloques internationaux organisés jusqu'ici montre que tout n'a pas été dit sur cette littérature qui n'a pas encore dévoilé tous ses secrets et ses mystères. Chaque édition propose de nouvelles interrogations et impose de nouvelles grilles de lecture, d'analyse et de critique. Nul ne conteste que la littérature maghrébine d'expression française est une littérature francophone, mais l'histoire de cet espace géographique traversé par différentes cultures, connu pour sa diversité, permet cette distinction et autorise à affirmer que sa francophonie est d'une autre dimension.