Au niveau européen, la réflexion autour du renforcement des mesures de lutte contre le terrorisme est déjà engagée. Les attentats terroristes commis à Paris à la veille du week-end dernier ont provoqué, outre la pluie de condamnations et de dénonciations, un immense élan de solidarité internationale qui s'est cristallisé par la grande marche républicaine, hier, dans la capitale française, Paris. Inédite, la manifestation à laquelle a pris part une soixantaine de dirigeants d'Europe et d'ailleurs, entre chefs d'Etat et de gouvernement et missions diplomatiques, constituera-t-elle un point d'ancrage à une politique renforcée européenne, voire internationale, de prévention et de lutte contre le terrorisme ? En France, il va de soi que les mesures sécuritaires seront, encore pour un temps, maintenues renforcées, dans le cadre du plan Vigipirate porté d'ailleurs à son plus haut niveau d'alerte. Cette mobilisation sécuritaire interne sera fort probablement appuyée par une riposte solidaire des pays du Vieux Continent, voire de l'ensemble des continents. La grande marche républicaine se veut, en ce sens, un message unitaire délivré par l'Europe et le monde entier quant à l'impératif de faire bloc contre le terrorisme. Au niveau européen, la réflexion autour du renforcement des mesures de lutte contre le terrorisme est déjà engagée. Hier, avant même que ne s'ébranle la grande marche depuis la place de la République, les ministres de l'Intérieur de 11 pays européens et le ministre américain de la Justice, Eric Holder, se sont aménagé un temps pour réfléchir à la problématique sécuritaire qui est de nouveau posée après les attentats terroristes contre la rédaction de Charlie Hebdo et les attentats contre une policière et un agent de la voirie à Montrouge, et contre quatre juifs à l'hypermarché casher à la porte de Vincennes. Les ministres, ainsi réunis, ont estimé qu'il y a "un besoin urgent et crucial" d'établir un système de collecte européen de données fournies par les voyageurs aux compagnies aériennes dans le cadre de la lutte antiterroriste. "Nous sommes tous d'accord pour mettre en place des contrôles approfondis sur certains passagers sur la base de certains critères", a déclaré le ministre français Bernard Cazeneuve, à l'issue de la réunion. La problématique d'un terrorisme qui se manifeste dans un nouveau mode opératoire, c'est-à-dire à travers des actes commis par de petits groupes (loups solitaires), sera d'ailleurs au menu du sommet européen des chefs d'Etat et de gouvernement prévu le 12 février prochain à Bruxelles. Il est attendu que le sommet déterre la directive européenne PNR (Passenger Name Record), qui prévoit de créer un registre européen des données des passagers. Cette directive peut aider à détecter les mouvements des personnes suspectées dangereuses. Le président du Conseil européen, Donald Tusk, a appelé, immédiatement après les attentats de Paris, le Parlement européen à accélérer le travail sur ladite directive. Le projet, pour rappel, est bloqué depuis 2011 par le Parlement européen. Outre cette directive, les pays européens pourraient aussi se rendre à d'autres mesures s'inscrivant dans le cadre du renforcement de la lutte antiterroriste. Le cadre légal existe : la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) qui vise également à lutter contre le terrorisme. Dans ce sillage, l'Europe pourrait penser à améliorer le système d'information Schengen II (SIS) ainsi que le système d'information sur les visas (VIS). En juillet, un groupe ad hoc formé de neuf pays de l'UE (France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Pays-Bas, Danemark, Suède et Italie) a adopté, sous l'instigation de la Belgique, un plan d'action gardé confidentiel visant à identifier les jeunes Européens partis faire le jihad ailleurs. Le ministre belge de l'Intérieur a plaidé, au demeurant, hier, pour l'établissement d'une liste européenne des combattants étrangers. Cela étant, les experts estiment que les attentats de Paris, dont l'impact est planétaire, constitueraient un argument supplémentaire pour la France et l'Europe pour sinon renforcer, maintenir leur engagement dans la lutte contre le terrorisme ailleurs que sur le sol européen. S. A. I.