Les dogmes sont en train de s'effriter au profit de la pensée salafiste qui avance à grands pas et qui ne se reconnaît d'aucun rite. C'est, en substance, la conclusion du professeur Abderrahmane Moussaoui, anthropologue à l'université de Lyon. Invité dans le cadre du cycle mensuel des conférences de l'Institut national des études stratégiques, le professeur Moussaoui fera remarquer d'emblée, que, face à l'islam doctrinal et l'islam des confréries, la Salafiya est venue s'imposer. La Salafiya se réclame du retour aux fondamentaux (Coran et Sunna), en minimisant le rôle des écoles. Cette tendance n'est pas propre à l'Algérie, mais à tout le Maghreb, y compris la Tunisie, que l'on présentait comme modèle de laïcité, avant le Printemps arabe, alors qu'au Moyen-Orient, la tendance s'est bien enracinée. "La référence à l'islam politique et à la Salafia apparaît comme une tendance lourde", dira le conférencier qui estimera que cette mouvance désigne une conception et une démarche. Ses adeptes rejettent toutes les lois positives. Ils estiment qu'il est indispensable de restaurer l'islam initial, celui pratiqué par les quatre califes. "C'est une sorte de réformisme orthodoxe", dira le conférencier. En termes de démarche, "les salafistes privilégient le retour au Coran et à la Sunna. Ils privilégient l'héritage prophétique au raisonnement", notera-t-il, avant de mentionner qu'en dehors de ce cadre, tout est, aux yeux des salafistes, blâmable. Le conférencier fera remarquer que toutes les tendances de la Salafiya appellent à l'abandon de l'innovation. S'inspirant du rite hanbaliste, la plus extrémiste des écoles, les salafistes rejettent, pourtant, toutes les écoles. Le conférencier dira que, de tout temps, le débat n'a jamais cessé autour des réformes à apporter et des divergences ont de tout temps existé. Il rappellera, à cet effet, que trois califes ont été assassinés dans des mosquées. Revenant sur la genèse de la Salafiya, le conférencier situe sa naissance à l'alliance entre Mohamed Abdelwahab, le fondateur du wahhabisme, avec Al-Saoud, la famille régnante en Arabie saoudite, en 1744. "Le wahhabisme devient une référence et va au-delà de sa terre de naissance." Mais les Al-Saoud réactiveront le wahhabisme au moment de la montée du panislamisme et du panarabisme durant les années 1950, selon le conférencier. D'où la décision du royaume de créer sa fameuse université de Médine, en 1960, ensuite d'organisations islamiques mondiales, en vue de constituer une sorte de Vatican et de propager sa propre vision de l'Islam. Le conférencier rappellera que beaucoup d'Algériens ont bénéficié, durant les années 1990 et 2000, de bourses d'études dans cette université. Pour le professeur Moussaoui, "il y a une fissuration du dogme malékite". Avant d'aborder les différentes tendances de la Salafiya, le conférencier reviendra sur les origines de la plus radicale d'entre elles : la Salafiya jihadiya. Elle remonte à 1979, lorsque l'imam El-Othaïbi a pris d'assaut la mosquée de La Mecque. Pour les autres, notamment les partisans d'Al-Albani, l'une des figures les plus influentes de la mouvance islamiste, le renoncement à la politique figure parmi les priorités, mais surtout leur haine aux Frères musulmans n'a pas d'égal. Les plus rigoureux d'entre eux dénient aux Al-Saoud le droit de régner en Arabie saoudite, estimant que ces derniers ne sont pas issus de Koreich. A. B.