Résumé : Malgré les affres de son existence, Mordjana obtint de bons résultats scolaires et décroche son brevet. Elle s'apprêtait à s'inscrire dans un lycée qui se trouvait à plusieurs kilomètres de sa ville. Optant pour l'internat, elle tente de convaincre sa mère de la nécessité de poursuivre ses études. Hélas ! Cette dernière s'y opposera catégoriquement. La sentence était tombée tel un couperet sur sa tête. -Mais pourquoi, maman ? -Nous n'avons pas les moyens de te payer les études, tu le sais bien. Mordjana baisse la tête en sentant les larmes lui piquer les yeux : -Je... je vais obtenir une bourse. On nous a déjà donné des formulaires à remplir... Et puis je serais interne... Un lit et une bouche en moins pour vous.... Sa mère met une main derrière son dos en désignant son ventre : -Tu vois bien que je suis enceinte Mordjana.... -Je reviendrais chaque week-end faire le ménage et la cuisine... Je trouverais aussi le temps de coudre quelques robes d'intérieur. Sa mère se relève tant bien que mal et s'approche d'elle : -Ce ne sera pas suffisant. Je suis malade et épuisée... J'ai besoin de toi à plein temps. Tu devrais être plus consciencieuse et m'aider au lieu de t'enfuir ainsi telle une ingrate. -Moi ? -Oui toi... Tu es une ingrate et une égoïste Mordjana... Tu ne penses qu'à toi-même... Tu veux faire des études... Des grandes études, pour t'enfuir loin de nous et nous toiser de haut. -Absolument pas maman... Je... je veux étudier certes, mais pas vous ignorer ni vous dénigrer. Je veux obtenir un diplôme supérieur qui nous permettra à tous de sortir définitivement de cette misère. -Voyons ça... ! Elle s'approche d'elle tout en se tenant le ventre et la regarde d'un air qui en disait long sur ses pensées : -Mordjana, ton père m'a appris à ne compter que sur moi-même. J'ai trop attendu de la vie, et j'ai été déçue. Tu es l'aînée de la famille, ne l'oublie pas. Qui d'autre pourra me seconder si ce n'est toi ? -Mais maman, je veux faire des études. Je dois penser à mon avenir... -Ton avenir est ici auprès de moi. Tu dois avant tout apprendre à entretenir un foyer et à te responsabiliser afin de pouvoir faire face plus tard à ce qui t'attend dans la vie. -Mais c'est justement dans ce but que j'aimerais faire des études. Seul le savoir est de rigueur dans une société aussi vieillotte que la nôtre...Nous devrions tous nous instruire afin d'aller de l'avant. Moi, mes frères et sœur et même toi... Sa mère éclate de rire : -Moi ? Tu me vois avec mon ventre rejoindre les bancs d'une classe ? -Oui... Même dans ton état, tu pourras apprendre à lire et à écrire... L'âge non plus n'a pas d'importance... Sa mère reprend son sérieux, avant de lancer d'une voix lasse : -Ne me fais pas rêver Mordjana... Les rêves ne sont pas pour des gens comme nous... Sois raisonnable et écoute mes conseils. Tu devrais oublier tes études et t'occuper un peu plus de la maison et de tes frères et sœurs. Je... je ne vais pas tarder à accoucher. Dans deux mois au plus tard... Alors avec un nouveau bébé sur les bras, tu sais bien que je n'aurais pas de temps pour subvenir à tous les besoins. Mordjana est submergée par un grand chagrin. Elle sent les larmes couler sur ses joues et se laisse tomber sur un siège : -Ce n'est pas juste maman... Tu n'as pas le droit de sacrifier mon avenir. -Je ne sacrifie pas ton avenir, ma fille. J'aimerais juste que tu comprennes que, pour nous, les études ne sont pas une priorité. Ta sœur cadette ne retournera pas non plus à l'école cette année... -Ce n'est pas pareil... Elle n'est pas aussi douée que moi, et puis tu sais bien qu'elle peine à suivre en classe. Les études ne sont pas son fort... A son âge, elle rêve déjà de bercer un bébé dans ses bras... -Moi je la trouve bien plus raisonnable que toi. Elle au moins a compris ce qui l'attend dans la vie. -Maroua n'a jamais été ambitieuse... Elle finira comme toi. Sa mère lui jette un regard courroucé : -Que veux-tu dire par là, Mordjana ? -Heu... Je... je veux dire qu'elle n'aura jamais une vie tranquille. -Pourquoi donc, oiseau de mauvais augure ? -Eh bien, parce qu'une femme illettrée ne pourra jamais connaître ses droits civiques ni se révolter contre les injustices et la discrimination. à suivre Y. H.